On a eu peur, à un moment, que la montagne d’Abetone accouche d’une souris. Cela faisait quelques jours qu’on espérait y voir les favoris se battre pour la première fois, mais finalement, ils ont sorti le grand jeu dès l’étape d’hier. Qu’ils préfèrent se reposer ce mercredi aurait donc été logique. Mais ce n’était pas dans les plans d’Alberto Contador, qui a mis le feu aux poudres.

Le mot d’ordre : surprendre

Chez Sky, on connaît assez bien le plan en montagne. Les équipiers font leur travail un à un, faisant craquer les plus faibles par l’arrière. Et quand il n’y a plus personne, le leader, soit le dernier étage de la fusée, se met en route jusqu’au sommet, à un rythme qui empêche les autres de passer à l’attaque, voire même de suivre. Généralement, la dernière séquence du plan se déroule dans les deux derniers kilomètres de l’ascension, ce qui a le don de limiter le risque de défaillance autant que le spectacle et les écarts. Contador, lui, n’est pas dans cette logique. Il avait bien Basso, Rogers et Kreuziger à ses côtés à l’approche des cinq derniers kilomètres, mais il a malgré tout attaqué. Porte et Aru, aussi costauds que bien placés, ont répondu du tac au tac. Uran, lui, a de nouveau lâché du temps, et confirmé qu’il serait le quatrième larron de ce Giro, derrière un trio qui se montre déjà au-dessus du lot.

L’Espagnol s’est donc offert le luxe de tester ses adversaires malgré un col roulant qui ne lui a pas permis de faire de gros écarts. A l’arrivée, il n’en semblait d’ailleurs pas surpris, ce n’était de toute façon pas l’objectif du jour. Il a pu, en revanche, observer que sur sa tranchante attaque, ses deux rivaux ont mis quelques secondes à recoller. Avec sa fameuse giclette et malgré ses 32 ans, Contador est encore capable de faire très mal et il l’a parfaitement rappelé à ceux qui auraient pu malencontreusement l’oublier. Mais une fois rassuré quant au répondant de ses jambes, il a reposé le cul sur sa selle, permis le retour de Landa, et s’est reposé dans les roues jusqu’aux derniers hectomètres. Derrière, les poursuivants ont réduit l’écart que le Madrilène avait créé sur son attaque, et Uran a sauvé les meubles. Mais là n’est pas l’important : désormais, le Pistolero l’a compris, ses deux concurrents, s’il doit en avoir, seront Porte et Aru.

Il n’a jamais cédé un maillot

Contador a une certaine expérience sur les grands tours : il en a terminé onze, et remporté huit – dont deux ensuite retirés. Les maillots de leader, qu’ils soient rose, jaune ou rouge, il connaît donc à la perfection. Et surtout, jamais après en avoir endossé un, il n’a eu à le céder à un autre coureur. Pour empêcher l’Espagnol de remporter une épreuve de trois semaines, il faudrait donc l’empêcher de prendre la première place ne serait-ce qu’une journée. Si les statistiques ne mentaient jamais, ce Giro serait alors déjà plié. Heureusement, il y a un motif d’espoir : jamais Contador n’a pris le maillot de leader aussi tôt. Hormis sur le Tour d’Italie 2011, il a toujours attendu au moins la première journée de repos, voire la seconde. Faire travailler son équipe durant plus de deux semaines, ce pourrait être ce qui lui coûterait la victoire finale.

Conscient du problème que peut poser le fait d’être en rose aussitôt, le Pistolero a assuré à l’arrivée que « l’objectif n’est pas de garder le maillot rose jusqu’à la fin ». Il n’empêche que le garçon n’est pas du genre à le lâcher volontairement, et qu’il faudra batailler pour le titiller. Toute sa carrière, il a montré que les défis ne lui faisaient pas peur. Le doublé Giro-Tour qu’il espère réussir cette année en est une preuve parmi tant d’autres. Garder le maillot rose pendant quinze jours n’a donc pas de quoi l’effrayer sur le papier. Le dernier à l’avoir fait est Rominger, en 1995. Une performance encore plus vieille que le doublé de Pantani en 1998. Mais Contador est un coureur habitué aux performances invraisemblables, et demeurer leader jusqu’à Milan l’inscrirait un peu plus encore dans l’histoire du cyclisme. A n’en pas douter, ça doit trotter dans un coin de sa tête.

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