Alors qu’on les attendait sur leurs grands objectifs annuels, ils n’ont pas été à la hauteur. Les chutes et les pépins physiques n’expliquant pas tout, certains sont bel et bien passés à travers de leur saison 2015, et devront tirer les leçons de leurs échecs afin de rebondir en 2016. A moins que ces désillusions marquent un probable déclin dans la hiérarchie, ou une stagnation problématique.
Mark Cavendish / Etixx Quick-Step
Force est de constater que le Manx Express a grandement perdu de sa superbe, et que les objectifs espérés avec son train de l’équipe Etixx n’ont pas été atteint, loin s’en faut. Pénible vainqueur d’une seule étape sur le Tour de France, le Britannique ne peut même pas se consoler en avançant l’argument de la supériorité nouvelle de Marcel Kittel. Ce dernier hors du coup, Cavendish est tombé sur un roc nommé Greipel, et n’a ramené que des succès de seconde zone tout au long de l’année. Seize victoires au compteur, dont sept sur les seuls Tour de Turquie et de Californie. Le pire dans tout ça, c’est que le rendu visuel de son année donne clairement l’impression d’avoir affaire à un champion sur le déclin, dépassé dès lors que les bolides du sprint passent la vitesse supérieure.
Vincenzo Nibali / Astana
Certes, sur le plan comptable, la saison de l’Italien n’est pas mauvaise du tout. D’août à octobre, le Sicilien a même été quasiment irrésistible, s’offrant une collection de classiques italiennes et son premier Monument, le Tour de Lombardie. Mais était-ce ici que le vainqueur du Tour de France 2014 était attendu ? Invisible jusqu’au mois de juin où il est enfin sorti de sa boîte sur ses championnats nationaux, Nibali n’a jamais été dans le rythme d’une préparation intensive pour défendre son titre sur la Grande Boucle. Largué sur Tirreno, au Tour de Romandie, et inconstant au Dauphiné, il a rendu une copie bien pâle en juillet, malgré une victoire d’étape. Une première partie de saison clairement ratée, qui a sans doute laissé des traces en interne. Son contrat expire fin 2016, et il est déjà annoncé partant d’une équipe Astana qui peut désormais compter sur Fabio Aru.
Marcel Kittel / Giant-Alpecin
2013 avait été l’année de la révélation, et 2014 celle de l’affirmation pour Marcel Kittel, l’homme aux mollets géants venu tout droit d’Outre-Rhin. Mais la brillante dynamique de sa jeune carrière s’est stoppée de manière très brutale en 2015. A peine avait-il eu le temps de remporter l’anecdotique People Choice’s Classic dans les rues d’Adélaïde qu’un virus venait contrarier ses plans. Forfait sur forfait, tous ses objectifs de première partie de saison sont passés successivement à la trappe. Non-sélectionné par son équipe sur le Tour, il a dû aller jusqu’en Pologne pour lever les bras en World Tour, avant de s’écrouler de nouveau sur les classiques automnales. Alors que Degenkolb a marché sur l’eau cette saison, Kittel a donc fait le choix de s’exiler pour rebondir.
Nairo Quintana / Movistar
Si le Colombien figure au rang des déceptions de cette saison cycliste 2015, c’est dû au fait que tous les observateurs l’attendaient sur la première place du podium d’un grand tour, et qu’il a échoué. Deuxième à Paris en 2013, et vainqueur du Giro l’année suivante, Quintana a tenté de faire vaciller Froome en dernière semaine de la Grande Boucle, mais s’est sans doute réveillé trop tard. Une fois de plus, le coureur de l’équipe Movistar est resté beaucoup trop passif durant les deux premières semaines de juillet, avant de décevoir sur le Tour d’Espagne. Présenté comme le grandissime favori, il n’a pas existé, diminué par une maladie et par une fatigue déjà importante. Ce serait bien trop sévère que de parler de stagnation, mais Quintana n’a pas franchi l’étape supplémentaire qu’on était en droit d’attendre.
Sep Vanmarcke / Lotto NL-Jumbo
Intrinsèquement, le flahute belge est peut-être le meilleur de sa génération. Mais tactiquement, il ne semble pas encore au point, et bien trop généreux pour pouvoir espérer claquer une grande classique comme le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix. Pourtant, les Monuments d’avril sont largement dans ses cordes. Mais toujours placé, jamais gagnant, aussi bien au printemps qu’en fin d’été, Vanmarcke passe pour le moment à côté de nombreuses victoires qui pourraient lui donner confiance. S’ajoute à cela une malchance particulièrement tenace, puisqu’il est fréquent de le voir crever ou chuter dans les moments décisifs. Il a déjà 27 ans, et se doit de profiter d’une hiérarchie très ouverte, en raison des déclins logiques de Cancellara et de Boonen.
Rui Costa / Lampre-Merida
Opportuniste de première, le Portugais réussit toujours à décrocher des bouquets remarqués lorsqu’il est en condition. Mais depuis son arrivée chez Lampre-Merida, l’ancien champion du monde est très souvent utilisé comme un coureur passe-partout, chef de file des fuchsias sur à peu près toutes les courses par étapes d’une semaine du calendrier World Tour. Régulier, il réussit quasiment toujours à se faufiler parmi les dix premiers, mais sans coups d’éclats notoires. Au final, le contrat est rempli vis-à-vis de ses dirigeants, désireux de glaner des points UCI, mais on reste très clairement sur notre faim quant à son comportement en course. Transparent sur les ardennaises, sa meilleure performance de l’année eut lieu au Dauphiné, où il remporta l’étape la plus folle et termina troisième du général. On commence à se demander si son maximum n’a pas déjà été atteint.
Arnaud Démare / FDJ
Les sprinteurs français n’ont pas été brillants, et Arnaud Démare l’illustre parfaitement. L’ancien champion de France souffre toujours de difficultés chroniques pour frotter dans les sprints et sur les secteurs pavés des classiques du Nord. On ne l’a quasiment pas vu sur les grandes courses où il était aligné par Marc Madiot, et ses échecs sur le Tour et certaines semi-classiques demeurent assez inquiétants. Le meilleur de son potentiel n’a pas encore été exhibé, mais l’impatience comme à pointer. Vainqueur de deux seules étapes du Tour de Belgique, il a quasiment tout le temps été battu par des sprinteurs censés lui être inférieurs sur les épreuves de seconde zone. Pourtant, l’excuse de la cohabitation avec Nacer Bouhanni ne tient plus, ce dernier s’étant installé chez Cofidis. Sans pour autant dérouler lui non plus, au passage…
Andrew Talansky / Cannondale-Garmin
L’an passé, Andrew Talansky avait séduit en s’imposant à la surprise générale sur le Dauphiné. Mais comment a-t-il pu disparaître de la circulation du jour au lendemain ? L’Américain a démarré la saison assez tard, attendant Paris-Nice, mais il n’a jamais été dans le coup sur la moindre épreuve. Sa montée en puissance tant attendue n’a jamais eu lieu, et il s’est retrouvé à jouer les baroudeurs dans des étapes de montagne du Tour de France et de la Vuelta. Sans avoir les jambes pour lutter contre des seconds couteaux peut-être plus déterminés que lui dans cette physionomie de course. Il n’a décroché qu’une victoire en 2015, à savoir son championnat national du contre-la-montre. Un bilan très loin d’être satisfaisant pour quelqu’un qui a déjà réalisé plusieurs tops 10 sur trois semaines.
Julian Arredondo / Trek
Lui aussi a disparu des écrans radars. Tout fraîchement arrivé chez Trek l’an passé, Julian Arredondo avait commencé l’année en trombe à San Luis, pris la cinquième place de Tirreno-Adriatico, ramené à la maison le maillot de meilleur grimpeur du Giro. Tout le contraire de l’année 2015, où il n’a jamais réussi à se mettre en valeur, hormis au Critérium International et sur deux étapes du Tour de Suisse. On attendait pourtant qu’il dynamite les courses qui semblent lui convenir, des classiques ardennaises aux étapes de montagne sur les grands tours. Il ne faudrait pas que ces résultats fantomatiques traduisent un caractère fantasque, à l’image de celui de son camarade Carlos Betancur…
Luca Paolini / Team Katusha
Quelle n’était pas la stupéfaction des passionnés en voyant l’expérimenté Luca Paolini gagner en vieux roublard une classique prestigieuse comme Gand-Wevelgem, sous des conditions dantesques ? D’un soutien précieux pour Alexander Kristoff, le capitaine de route italien avait merveilleusement bien manœuvré sur ses courses de prédilection pour pouvoir jouer sa carte quand les jambes ont répondu. Mais franchement, se faire éjecter de la Grande Boucle suite à un contrôle positif à la cocaïne, n’est-ce pas ridicule dans le cyclisme d’aujourd’hui ? A 38 ans, sa suspension marque très probablement la fin de sa longue et respectueuse carrière. On aurait souhaité un meilleur épilogue pour un ancien s’étant déjà fait remarquer pour son inélégance, smartphone à la main, dans le peloton.
Nibali au même rang que Démarre, Costa ou Talansky… Vous rigole?
@Alex Peju : On parle de déceptions, évidemment elles ne sont pas toutes au même niveau. Mais on attendait aussi beaucoup plus de Nibali que de Démare, Costa et Talansky…
Si il y a une catégorie poissard de la saison on pourra y mettre Cancellara car la mal chance n’a pas quitté le coureur suisse cette année . J’espère qu’il va retrouver les sommets en 2016 . Pour le reste d’accord avec les coureurs cités . On aurait pu y mettre aussi Tony Martin qui n’a pas été aussi en verve que d’accoutumée sur les contre la montre . Certains me semblent encore bien jeune que pour être sur le déclin . Kittel et Cavendish vont changer d’air en 2016 cela va peut-être donner un nouvel élan à leur carrière .
Un petit mot sur les sprinteurs français évoqués dans l’article. Effectivement le raté 2015 est pour Démare. Saison à oublier pour lui.
Coquart a fait une saison route moyenne, disons sans progrès notable, mais il a cherché à doubler avec la piste, où il a été récompensé.
Bouhanni est une vraie satisfaction pour moi. Le classement Europe Tour, la Coupe de France, 11 victoires dont 2 en WT, alors que d’une part il n’a pas été épargné par les chutes et que d’autre part il découvrait une nouvelle équipe avec un train qui partait de zéro. Le goût amer, c’est qu’il n’a pas réussi sur ses principaux objectifs… A noter aussi que sur Milan-San Remo, il a sans doute prouvé que Madiot avait tort de ne pas lui faire confiance pour les classiques. Ce qui a peut-être encore altéré le moral de Démare.
Plutôt d’accord avec Quef pour Bouhanni, qui, étant donné le contexte (changement d’équipe et chutes + blessures) s’en est bien sorti cette saison. Je pense d’ailleurs aussi que le train de la Cofidis n’est pas non plus à la hauteur du sprinter qu’il doit emmener. Et j’aurais aussi ajouté Tony Martin dans les déceptions. Sa victoire d’étape au TdF ne doit pas faire oublier qu’il a échouer dans une grande partie de ses objectifs.
« Respectueuse carrière » de Paolini. Sarcastique j’espère…
N’oublions pas que son nom est apparu dans plusieurs affaires de dopage (Puerto notamment). Si déception il y a au sujet de l’italien, c’est bien celle de l’avoir vu dans les pelotons jusqu’à ses 38 ans…
En ce qui concerne Démare, effectivement déception. N’a t-on pas mis trop d’espoirs sur ses épaules? En revanche, Alexis, vous ne pouvez pas vous permettre d’écrire « ..il va falloir sérieusement se remettre au boulot pendant l’hiver.. » !
Vous êtes journaliste, ne soyez pas précepteur. On a ici des athlètes professionnels et je voudrais bien voir la tête de Démare s’il lit votre article…je me mets à sa place.
Pour Paolini, vous trouvez ridicule de se faire exclure d’une course pour être positif à la cocaïne ?
Pour info, à doses raisonnables,la cocaïne est un stimulant notoire améliorant la concentration et la confiance en soi, notamment. Très pratique pour la prise de risques. Il est aussi très utilisé dans le tennis et le football, pour faire face à la pression et aux enjeux.
Je ne sais pas si cela marque la fin de sa carrière, mais si c’est le cas on ne regrettera pas Paolini.
Je vous trouve un peu dur avec Nibali et plus encore avec Quintana, qui a quand même gagné Tirreno et rivalisé avec Froome en montagne sur le Tour. Je trouve qu’il a encore progressé par rapport à l’an dernier. Dans la montée de l’Alpe d’Huez, il n’était pas très loin de faire basculer l’issue du Tour. Après il ne fait « que » 4ème de la Vuelta mais il était quand même en Espagne le plus valeureux des protagonistes du Tour (si on compare avec Froome ou Valverde). Il termine à 1 min 12 s du maillot jaune et 1 min 42 s du maillot rouge. A suivre l’an prochain…