Pour beaucoup, Alejandro Valverde est l’un des plus grands suceurs de roues du cyclisme actuel. Un homme aux qualités indéniables et très rarement remises en question, mais à la stratégie bancale qui l’amène souvent aux places d’honneur alors qu’il pourrait avoir un palmarès largement plus étoffé. Est-ce ça qui va lui coûter, encore une fois, la victoire finale sur la Vuelta ?
Une étiquette de suiveur
Se retrouver seul à seul avec Alejandro Valverde, ce n’est pas l’assurance de gagner, loin de là. Mais c’est l’assurance de ne recevoir que très peu d’aide, et de s’exposer à un coup de poignard de la part de l’Espagnol. Parce que c’est un spécialiste, et ses victimes ont été nombreuses. Grand compétiteur, l’Imbatido est très rarement à la rue sur ses objectifs. En 2014 par exemple, il aura été présent sur les ardennaises (vainqueur de la Flèche, deuxième de Liège et quatrième de l’Amstel) et sur les grands tours (quatrième de la Grande Boucle, probablement dans les quatre premiers de la Vuelta). C’est régulier et dans le haut du classement. Mais les victoires sont rares, si l’on excepte donc la Flèche ainsi que la Clasica San Sebastian. Pour un coureur de cette envergure, c’est donc une saison correcte, mais qui laisse comme toujours un goût d’inachevé. Comme si Valverde n’avait pas exploité au maximum son incroyable potentiel.
Du coup, lorsqu’il ne s’impose pas, on a toujours du mal à analyser sa performance. Prenons la montée vers les Lagos de Somiedo, ce lundi sur la Vuelta. Froome accélère, Contador le suit. Derrière, Aru et Rodriguez n’ont pas les jambes pour s’en aller avec l’infernal duo. Mais Valverde, lui, a le cul entre deux chaises, et n’y va pas. Il se retrouve quelques secondes derrière, à rouler sans bénéficier de l’aide de Purito, déjà à bout de force. Il tente alors de lâcher son compatriote, histoire de ne pas l’emmener dans un fauteuil jusqu’au sommet, et n’y parvient que dans les derniers hectomètres. Résultat, cinquante-cinq secondes concédées à Contador au sommet, et seulement cinq prises à Rodriguez. La conclusion est donc difficile à tirer : le leader de l’équipe Movistar a-t-il manqué d’énergie pour suivre l’attaque de Froomey, ou a-t-il simplement eu peur de se livrer en suivant ce qui aurait pu n’être qu’un feu de paille ?
Un problème de confiance en soi ?
La question mérite d’être posée, car Valverde a peut-être juste la crainte permanente de ne pas être assez tranchant dans son attaque, et d’être revu ensuite. Sur les Mondiaux de Florence ou sur le Tour 2014, jamais il n’a véritablement pris ses responsabilités, alors qu’il était clairement en mesure de jouer la gagne. De plus en plus, le Murcian court donc comme un diesel : pas d’accélérations brutales, juste un rythme soutenu qu’il maintient durant plusieurs kilomètres. Mais c’est toujours insuffisant pour rattraper des adversaires qui eux ont osé prendre les risques nécessaires pour s’offrir la victoire. On se rappelle aussi de ce Tour d’Espagne 2012, où il était au cœur de la bataille entre Rodriguez et Contador pour le maillot rouge. Sauf que lui n’a eu qu’un rôle minime : quand le Pistolero attaquait le Catalan pour lui ravir le paletot de leader, Valverde se contentait de suivre, de toujours rester au plus proche de ses adversaires pour finalement ne jamais être une réelle menace.
C’est une réelle constante chez le protégé d’Eusebio Unzué. Le panache n’est pas – ou plus – un de ses atouts. Quand il gagne, c’est parce qu’il est deux tons au dessus des autres. Quand le niveau s’équilibre, il se retrouve incapable de prendre ses responsabilités, d’oser aller chercher la victoire au risque de tout perdre. Quand on regarde le palmarès de Balaverde, les places d’honneur se comptent donc par dizaines, mais les grandes victoires, elles, se font plus sporadiques. Rarement hors du coup, mais aussi trop peu victorieux, Valverde, c’est cet homme qui compte cinq podiums sur les Championnats du Monde et huit tops cinq sur les grands tours. Pour finalement un seul succès sur trois semaines, et toujours pas de maillot arc-en-ciel. Les chiffres sont sans pitié, mais résument aussi à merveille la carrière du Murcian. Il lui reste cinq jours pour rouler un peu contre-nature sur cette 69e Vuelta, et tenter, au moins cette fois, de forcer le destin.