Alors que ses 43 ans approchent à grands pas – il les fêtera le 17 septembre prochain -, Jens Voigt a annoncé ce dimanche qu’il disputerait sa dernière course lors du Tour du Colorado, du 18 au 24 août. Choix surprenant que de courir pour la dernière fois loin de ses terres, aux Etats-Unis, mais l’Allemand semble avoir réfléchi à tout : « Je pense que mes fans sont encore plus nombreux aux Etats-Unis, alors pourquoi ne pas finir ici ? » Il faudra donc veiller très tard pour observer une dernière fois la grande silhouette du quadragénaire sur son vélo.
Entre longévité et popularité
Une carrière pro débutée au siècle dernier, dix-huit saisons dans l’élite du cyclisme mondial, dix-sept participations au Tour de France (il n’a loupé aucune édition depuis 1998), et un équipier reconnu de tous. C’est ça, Jens Voigt. Son palmarès n’a rien d’incroyable, car il s’est toujours dévoué pour ses leaders. Demeurer si longtemps au sein des plus grosses écuries n’avait donc rien d’aisé : Voigt a du prouver ses qualités de gregario, de capitaine de route. Mais aujourd’hui et depuis pas mal d’années, plus personne ne doute de lui. Fidèle, toujours d’attaque pour partir au combat, sur le Tour ou sur les classiques, l’Allemand est l’exemple du coureur irréprochable. Le « parfait soldat », comme il le dit lui-même. « Je ne suis jamais malade. Je ne suis jamais blessé. Je n’ai pas besoin d’un vélo spécial. Je ne me plains pas parce qu’il me manque ma boucle d’oreille. Je monte sur mon vélo et je dis ‘oui monsieur’. » De ce fait, le natif de Grevermülhen, un petit village à l’extrême-nord de l’Allemagne, s’est attiré la sympathie de tous. De ses leaders bien sûr, élogieux à son sujet, mais aussi du public.
A chaque fois que vous voyez Jens Voigt, vous pouvez lui demander une photo ou un autographe, il s’arrêtera. Car il aime ses supporters. Devenu l’une des vedettes du peloton de par sa longévité incroyable, il ne se prend pas la tête pour autant. Son franc parler, sans provocation aucune, a de quoi ravir. Sur son blog, il confiait récemment avoir compté le nombre de jours qu’il avait passé sur le Tour de France. Résultat : 340, soit presque une année entière. Et d’ajouter : « Tout ce que je peux dire, c’est qu’il m’a fallu une grande passion pour ce métier. Ou alors c’est que je suis complètement stupide ! » Avec toutes ces années chez les pros, Voigt a donc pu accumuler les expériences et les anecdotes. Son fameux « Shut up legs ! » (Fermez-là, les jambes !) est devenu une marque de fabrique. Une devise, un slogan, un cri pour passer outre la douleur, repousser ses limites et accomplir son job quelques kilomètres encore, vent de face dans la plaine ou assurant le tempo en montagne.
La vraie dernière
Pour celui que l’on surnomme Jensie, tout avait commencé de façon assez hasardeuse. Comme tous les gamins de son âge, il utilisait sa bicyclette pour se déplacer dans son quartier. Puis un jour, alors qu’il a dix ans seulement, un club de cyclisme intervient dans sa classe, et promet d’offrir un vélo à ceux qui s’inscriraient dès l’après-midi. « N’importe qui y serait allé », a ainsi lancé le principal intéressé, récemment interrogé sur l’évènement. Comme quoi le hasard fait bien les choses. Mais désormais, l’histoire touche à sa fin. Marié et père de six enfants, début 2013, il avait promis à sa femme que ce serait sa dernière saison chez les pros. Sauf que le Tour lui a encore fait du pied, et il a relancé la machine, pour une année de plus. Mais cette fois-ci, celui qui fut ce petit blondinet engagé par Roger Legeay va raccrocher, pour de vrai. Juste avant ses 43 ans. Parce que l’Allemand sent que ses jambes ne répondent plus comme avant. Pour exemple, cette étape du Dauphiné arrivant à Poisy, où Jensie a terminé sixième. « Il y a cinq ans, j’aurais gagné avec le sourire », confie un Voigt presque nostalgique.
En ce mois d’août, le quadragénaire va donc faire ses adieux loin de chez lui, d’abord au Tour de l’Utah, puis au Colorado. Ses adieux au Tour de France, il les a faits il y a quelques semaines, avec ses dernières échappées. Moins qu’en 2006, où il avait cumulé pas moins de 689 kilomètres à l’avant de course. Mais assez pour porter le maillot à pois au terme d’une première étape où il fut élu le plus combatif. Joli clin d’œil du destin puisque c’est lui, en 1998, qui avait été le premier coureur allemand à porter ce paletot si particulier. Un maillot presqu’aussi populaire que Voigt lui-même auprès du public. Jensie s’en va donc avec des images plein la tête, mais aussi deux victoires d’étapes et autant de jours en jaune sur le Tour de France. Pas mal pour cet éternel équipier, qui a tenté de repousser au maximum le jour d’une retraite devenue inévitable. Il est donc temps de se reconvertir. Entre directeur sportif et commentateur, Voigt semble encore hésiter, et essaiera sans doute les deux. Cependant, ce ne sera pas avant deux ou trois ans, car l’Allemand veut se reposer un peu. Et il va sacrément nous manquer.