Longtemps le « larbin de service », pour le dire assez crument, Greg Van Avermaet a bien changé depuis un peu plus d’un an. L’ombre des grands leaders belges a fini de planer au dessus de lui : désormais, c’est lui qui joue la gagne sur les classiques. Il était temps.

Envahissant Gilbert

L’espoir « GVA », on l’avait annoncé assez tôt. A 21 ans, il débarquait chez les pros avec déjà quelques références, et dès l’année suivante, s’imposait comme un élément qui compte au sein de l’équipe Lotto. Alors forcément, la Belgique et l’ensemble des observateurs voyaient en lui un futur bon coureur. Pas forcément un garçon capable de prendre le sillage d’un Boonen ou même d’un Gilbert, révélé quelques années plus tard, mais au moins capable de marquer les esprits à l’échelle internationale. En bref, un nouveau leader à l’heure où la génération dorée des Museeuw, Van Petegem, Peeters, Steels ou Hoste arrivait clairement sur sa fin. Boonen semblait alors être le dernier héritier, et Van Avermaet était attendu. Sauf que c’est un autre homme qui a pris toute la lumière : Philippe Gilbert. Le Wallon a grillé la politesse au Flamand, et ça, le bientôt trentenaire natif de Lokeren l’a longtemps gardé en travers de la gorge.

Il faut dire que Phil a trois ans de plus que Greg, et que logiquement, il devait être le premier à truster le haut de l’affiche. Le problème est ailleurs, et réside surtout dans les qualités des deux hommes, très similaires. Van Avermaet aime les pavés et les bosses, il est un homme de classiques. Peut-être un peu plus à l’aise sur les flandriennes que sur les ardennaises, mais pas assez pour que l’encadrement de l’équipe Lotto le préfère à son aîné. Alors qu’il aurait les qualités pour briller, le Flamand va donc devoir se soumettre au nouveau patron du pays, et ce pendant un peu plus d’une saison. Une situation que le garçon ne supporte pas. A l’hiver 2011, il quitte donc son cocon pour rejoindre la BMC, histoire de s’émanciper. Un processus indispensable, pense-t-on. Et sa première saison est déjà bonne : il enchaîne les places d’honneur sur les classiques, jusqu’à terminer septième de Liège et deuxième de San Sebastian, avant de remporter Paris-Tours à l’automne.

On a alors hâte de voir ce que donnera Van Avermaet avec une saison de plus dans les jambes, et un peu plus de confiance en ses qualités. Sauf qu’entre-temps, un an après avoir tout fait pour trouver un nouveau statut chez BMC, Greg voit arriver au sein de l’équipe américaine son meilleur ennemi Philippe Gilbert. Cet homme qui l’a bridé chez Lotto va donc continuer, avec un statut nouveau qui lui confère les pleins pouvoirs : en effet, le Liégeois a décroché le triplé ardennais le printemps précédent. Alors sur les ardennaises, pas le choix, il faut encore se sacrifier et mettre son orgueil dans sa poche malgré parfois quelques déclarations qui nous permettent d’imaginer le sentiment intérieur de Van Avermaet. Mais de temps à autre, la BMC lui laisse malgré tout sa chance, comme sur le Ronde, où Gilbert n’a décidemment plus les qualités pour briller. Derrière un trio confirmé (Boonen, Pozzato, Ballan), GVA prend la quatrième place et montre qu’il est capable d’être plus qu’un simple équipier, de Gilbert ou de qui que ce soit d’autre. Le déclic pour son équipe.

L’inversion

Au moment où Gilbert entame ses années – très – difficiles après une exposition extraordinaire, Van Avermaet enchaîne les bonnes prestations à chaque fois que son équipe lui fait confiance. Deuxième du GP de Québec et sixième de Paris-Tours en fin de saison, il prouve une chose : son créneau, ce sont bien les classiques, peu importe le profil. Il peut briller partout. Alors au printemps 2013, c’est décidé, Greg aura autant sa chance que Phil. Sur l’Amstel et Liège, parce qu’il faut pas trop pousser, le leader est le champion du monde ; mais le Flamand a le droit à sa chance s’il se sent bien, et sur l’épreuve néerlandaise, il termine dans le même groupe que son leader. Une prestation qui mérite d’être soulignée, surtout qu’elle fait suite à une campagne flandrienne de haute volée, achevée par une septième place au Tour des Flandres et surtout par une quatrième place à Roubaix. La confirmation que les pavés sont quand même un peu plus faits pour le Flamand. Il y aurait donc une logique là-dedans.

Aujourd’hui, Greg Van Avermaet n’a donc plus rien à prouver. Sa fin de saison 2013 en boulet de canon – comme souvent – n’est plus un signal qu’il envoie à son équipe, si ce n’est celui qu’elle a bien fait de lui faire confiance. Enfin, le Belge est au sommet, considéré par son pays comme l’un des meilleurs coureurs actuels, un de ceux qui porte haut l’étendard tricolore d’un pays trop souvent divisé mais uni derrière ses champions. Parce qu’aujourd’hui, tout le monde est conscient que c’est lui qui peut aller chatouiller Cancellara et Boonen sur les pavés, accompagné de Vanmarcke mais sans doute de personne d’autre ; et parce qu’on sait aussi qu’il est l’homme polyvalent que l’on a longtemps attendu au sommet, capable de briller sur les ardennaises presque autant que sur les flandriennes, ou de se débrouiller au sprint. Pour voir tout ce potentiel éclater au grand jour, il aura fallu attendre les 29 ans du bonhomme, autant dire une éternité tant on avait annoncé tôt l’éclosion de Van Avermaet. Mais comme on dit souvent, mieux vaut tard que jamais, et ici, l’expression n’a rien d’une banalité.

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