Deuxième des deux derniers Tours d’Italie, Rigoberto Uran commence à être un habitué des places d’honneur, comme aux Jeux Olympiques ou sur le Tour de Lombardie, autant d’épreuves prestigieuses qui ont vu le Colombien échouer tout près de la victoire. Alors sur cette Vuelta 2014, connaîtra-t-il la gloire du succès ? Voici trois raisons d’y croire, ou pas…

Pourquoi il gagnera la Vuelta

Il arrive à maturité. A 27 ans, Uran commence à être un homme que l’on a l’habitude de voir jouer un rôle important au sein du peloton. Arrivé de sa Colombie natale, il lui a fallu du temps pour comprendre le cyclisme européen et s’adapter. Mais après avoir connu trois équipes en World Tour et disputé neuf grands tours, le natif d’Urrao n’a plus rien d’un petit nouveau. Au contraire, il arrive dans ce que l’on peut considérer comme ses meilleures années. Physiquement au top, capable d’être aussi fort – voire plus – chez OPQS qu’il ne l’était chez Sky, l’ancien pensionnaire de l’équipe Caisse d’Epargne n’a plus à prouver qu’il mérite des coéquipiers pour l’entourer sur les épreuves de trois semaines. Il est devenu légitime et logiquement craint par ses adversaires, de quoi se pointer au départ de cette Vuelta avec des ambitions nouvelles, qu’il n’a jamais pu nourrir sur ses précédents grands tours. C’est le nouveau Rigoberto Uran.

Il est plus en confiance que jamais. Son transfert, d’une équipe Sky qui ne comptait pas vraiment sur lui à une Omega-Pharma Quick-Step qui en a fait son principal leader, était nécessaire. Fini le statut de leader occasionnel dans l’ombre des Wiggins, Froome et même Porte : Uran est devenu ce leader que l’on décelait, mais trop souvent bridé au sein de la structure britannique. Lui a gardé en travers de la gorge ce Giro 2013 où il dut se sacrifier pour un Wiggo finalement hors de forme qui abandonna peu après, laissant Uran, leader de substitution, avec un retard qu’il ne pourra jamais combler. Chez les Belges, tout est différent. Patrick Lefevere a construit l’équipe autour de lui, et sur cette Vuelta, si Uran devra cohabiter avec Mark Cavendish, il pourra compter plus d’équipiers pour l’aider que jamais il n’en aurait eu chez Sky. Dans la tête, c’est forcément quelque chose qui compte : le Colombien se sait soutenu, par son staff et par ses coéquipiers, et peut se permettre de viser plus haut. Il n’est plus seul face au reste du peloton.

On ne voit que ça. Franchement, difficile de trouver d’autres arguments pour défendre une victoire du Colombien. Sans doute parce qu’il est plus un outsider qu’un favori, comme souvent. Alors on pourrait dire que Nairo Quintana, victorieux sur le Giro, a décomplexé ses compatriotes et lancé une belle série, ou faire le lien entre Uran et Herrera, Lucho étant le premier et longtemps le seul vainqueur colombien d’un grand tour, sur la Vuelta, alors qu’il brillait bien plus sur les routes d’une autre épreuve de trois semaines, en l’occurrence la Grande Boucle. Mais en fait, ce serait bien trop tiré par les cheveux. Du coup, passons plutôt aux raisons de croire que Rigoberto Uran ne gagne pas ce Tour d’Espagne 2014. Parce qu’elles sont plus nombreuses, et plus crédibles. Mais qui sait, peut-être que d’ici quelques années, voire quelques mois si le garçon fait vite, la tendance s’inversera…

Pourquoi il ne gagnera pas la Vuelta

Ce n’est pas le grand tour qui lui réussit. S’il a souvent brillé sur le Tour d’Italie, propice à ses qualités, il a toujours eu plus de mal lorsqu’il a tenté de s’exporter. Trois fois dans les dix, dont deux fois sur la boîte du Giro, il n’a jamais fait mieux que 24e sur la Grande Boucle et 27e sur les routes espagnoles. Alors forcément, au départ de Xérez, la confiance ne doit pas être maximale. D’autant qu’à chaque fois qu’il s’est pointé – et disons le, plutôt raté – sur le dernier grand tour de l’année, c’était après avoir brillé en Italie au printemps précédent. Comme si l’enchaînement l’empêchait finalement de se mettre en évidence deux fois dans la saison sur une course de trois semaines. Pourtant, entre le Giro et la Vuelta, le repos est long et l’occasion de se refaire la cerise largement présente. C’est l’enchaînement le plus « naturel » depuis que les trois grands tours sont placés de cette façon. Contador avait fait le doublé en 2008, alors que Quintana va le tenter cette année. Mais Uran, lui, n’y arrive pas…

Il ne s’est pas rassuré en préparation. Pour peaufiner sa forme avant le départ ibérique, Uran avait décidé de participer au Tour de l’Ain, où la concurrence était réelle, mais clairement pas insurmontable, même pour un homme encore loin de sa forme optimale. Et pourtant… S’il a été présent dans le prologue, long de seulement 4600 mètres, il a ensuite baissé pavillon, lâché sur l’étape reine et relégué à plus de six minutes du vainqueur. Alors il faut dire qu’il n’a jamais été un habitué des grosses performances avant d’entamer un grand tour, préférant sans doute s’économiser. Mais quand son compatriote Nairo Quintana remporte le Tour de Burgos, on est forcés de remarquer que lui ne nous rassure pas comme on aurait pu l’espérer à seulement une semaine du grand départ. Alors bien entendu, le Tour de l’Ain ne permet en rien d’affirmer qu’Uran aura du mal, en première semaine notamment. Mais ces quatre jours de course ne permettent pas non plus d’avancer que le Colombien sera au rendez-vous dès le départ, quand tout peut se perdre très rapidement sur la Vuelta.

La concurrence est trop forte. Battu par Nibali sur le Giro en 2013 et par Quintana l’année suivante, Uran n’a jamais été en mesure de mettre à mal ceux qui étaient annoncés favoris. Alors pourquoi cela changerait cette fois ? Quintana, Froome, Valverde, Rodriguez voire Contador, pourquoi Uran parviendrait-il à tous les faire chavirer ? Sur la course rose, en 2013, il était venu à bout d’Evans, Scarponi ou Betancur, et au printemps dernier, ce sont Aru, Rolland et Majka qui le suivaient au classement. Finalement, une hiérarchie logique qui a été respectée, qu’Uran a su maintenir pour ne pas perdre la deuxième place qu’on lui prédisait, mais qu’il n’a jamais été en mesure de chambouler pour aller chercher la victoire après laquelle il court encore. A l’heure où les coureurs sur le papier meilleurs que lui sont plus nombreux que jamais, on a du mal à le voir changer ses habitudes. Uran est un homme de podiums, pas de grands succès. Une preuve ? Ses six victoires professionnelles pour près de neuf saisons dans les pelotons, ça vous suffit ?

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