La montée vers San Miguel de Aralar a mis en lumière trois coureurs, les mêmes que ceux qui avaient fait la pluie et le beau temps sur la Vuelta 2012 : Alberto Contador, Joaquim Rodriguez et Alejandro Valverde. En effet, Froome semble comme il y a deux ans un ton en dessous, et Quintana a baissé pavillon. Pourtant, le suspense reste entier, car sur chaque coureur espagnol plane un gros point d’interrogation.
L’équipe Tinkoff supportera-t-elle le poids de la course ?
Dans la petite histoire d’Alberto Contador sur les grands tours, il y a une constante : quand il prend le maillot de leader, il ne le lâche jamais et remporte l’épreuve. Lui qui a pris le paletot rouge après le contre-la-montre de mardi a donc les statistiques pour lui, mais pas vraiment une équipe qui puisse le rendre pleinement confiant. Si dans ses meilleures années, avoir une armada pour l’encadrer n’était pas forcément nécessaire, en témoigne sa victoire sur le Tour 2009 quand la quasi-totalité de l’équipe Astana bossait pour Armstrong, il n’est pas aujourd’hui aussi dominateur qu’il l’était avant sa suspension. Et quand on compare l’équipe Tinkoff qui l’accompagne en cette fin d’été avec celle d’il y a deux ans, déjà sur la Vuelta, la différence est flagrante : Dani Navarro, Benjamin Noval et Rafal Majka manquent à l’appel, remplacés par Oliver Zaugg. Le seul soutien de poids du Pistolero est finalement Jésus Hernandez, malgré tout limité en haute montagne. Résultat, quand tous les leaders avaient encore un voire deux équipiers ce mercredi, Contador était seul quelques hectomètres seulement après le début du col. De quoi émettre des doutes sur les capacités de l’équipe russe à supporter le poids de la course jusqu’à l’arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle…
Rodriguez a-t-il vraiment les jambes pour gagner ?
Le Catalan est un habitué de la Vuelta, avec deux podiums, une quatrième place et accessoirement huit étapes. Mais logiquement, avec les années qui passent, les questions sur le physique de Joaquim Rodriguez fusent. Alors qu’il décrochait trois étapes et une troisième place finale en ayant longtemps joué la victoire sur le Tour d’Espagne 2012, il n’a pu faire mieux qu’une étape et une quatrième place bien loin du duo Horner-Nibali en 2013. A 35 ans, le déclin n’aurait rien de surprenant, même si l’on a découvert Purito comme un potentiel vainqueur de grands tours il y a quatre ans seulement, lorsqu’il a daigné quitter l’Espagne pour signer en faveur de Katusha. Mais les doutes ne se basent pas seulement sur ces évolutions statistiques : en juillet sur le Tour, Rodriguez s’est fait bouffer par Majka dans la quête du maillot à pois, alors qu’il est une référence en montagne. Et ce mercredi vers San Miguel de Aralar, alors qu’on pensait la montée finale taillée pour lui, il n’a pas attaqué une seule fois, préférant laisser ses équipiers assurer le tempo. A n’en pas douter, s’il avait eu les jambes, il n’aurait pas hésité à lever le cul de sa selle au kilomètre pour prendre les bonifications et marquer les esprits. Il ne l’a pas fait, et ça ne fait qu’amplifier les doutes.
Valverde va-t-il conserver cet état de forme ?
Depuis le départ, Alejandro Valverde impressionne presque. Vainqueur à La Zubia alors qu’il avait fait la montée pour propulser Quintana, puis très bon sur le contre-la-montre, il n’y a que vers Valdelinares qu’il a concédé du temps à ses deux rivaux ibériques (en plus de vingt secondes lâchées par rapport à Contador dans l’effort solitaire). Encore dans le coup ce mercredi, disposant au sprint de ses deux compatriotes, un doute subsiste malgré tout : après avoir disputé le Tour de France dans l’optique du général, comment sa forme va-t-elle évoluer en dernière semaine ? Car doubler les deux grands tours est toujours très compliqué quand on joue le général à chaque fois. Pour preuve, Froome lui-même avait échoué en 2012. Mais Valverde, lui, y était parvenu l’an dernier, huitième à Paris et troisième à Madrid… Le Murcian a-t-il un organisme si différent de ses concurrents ? C’est possible, car en 2008, il avait également réussi une belle performance sur les routes tricolores avant de briller sur son tour national. S’il y a bien un coureur dont il ne faut pas assurer trop tôt qu’il va craquer, c’est donc bien l’Imbatido. Mais le risque demeure réel, et sans Quintana pour l’épauler, un jour sans sera fatal.