Si l’on met de côté un succès anecdotique sur une étape du Tour de Castille et Léon la saison passée, il fallait hier encore remonter au Tour du Pays-Basque 2012 pour trouver trace d’une victoire de José Joaquin Rojas. Désormais, il y a cette étape décrochée au Qatar, pour l’ouverture de l’épreuve. Un succès aussi inattendu que surprenant pour un sprinteur qu’on a pris l’habitude de ne jamais voir gagner.
Une incapacité à concrétiser
Entre avril 2011 et janvier 2015, soit pas loin de quatre années complètes, le natif de Cieza n’a décroché que deux petits bouquets. Une statistique accablante qui illustre parfaitement les problèmes du bonhomme, tout simplement incapable de remporter un sprint massif. Les qualités ne semblent pourtant pas lui manquer, il l’a prouvé en devançant régulièrement quelques uns des meilleurs sprinteurs du peloton. Mais il en reste toujours – au moins – un pour terminer devant lui et le priver de la victoire. Et ce peu importe la course ou les noms qui composent la concurrence. Ses résultats sur le Tour 2011 permettent, comme presque toutes les courses auxquelles participe l’Espagnol, d’illustrer le phénomène. Il devance Cavendish, Greipel et Hushovd à Redon, ne laissant devant lui que Farrar et Feillu, puis il bat ces deux derniers deux jours plus tard au Cap Fréhel mais s’incline derrière Cavendish et Gilbert. Comme s’il lui était impossible de battre tout le monde le même jour.
Le raisonnement s’applique à d’innombrables autres courses, et va même encore plus loin. Si Rojas n’a jamais remporté d’étape sur la Grande Boucle, la faute, et on peut le comprendre, à une forte concurrence, il échoue même sur des épreuves de seconde zone. Durant cette même année 2011, qui semble être la meilleure de sa carrière, il a loupé des victoires en se montrant incapable de battre Hutarovich, Dumoulin ou Cardoso. Des coureurs qui sur les routes du Tour, sont bien loin de prétendre aux podiums d’étapes que décroche très régulièrement Rojas. La peur de gagner pourrait alors être une explication, car la polyvalence ne l’est plus. « JJR » est certes presque aussi bon puncheur que sprinteur, ce qui empiète peut-être un peu sur ses qualités de véritable finisseur, mais il demeure meilleur dans l’emballage final qu’une bonne partie des hommes qui l’ont battu ces dernières années.
Une traversée désertique
En 2011 toujours, au-delà de ses trois victoires (lors des Championnats d’Espagne, sur le Tour de Catalogne et au Challenge de Majorque), Rojas avait décroché 34 tops 10, parmi lesquels 12 podiums. Un total qu’il a tout juste dépassé en trois saisons complètes (2012, 2013, 2014), avec 49 tops 10 mais seulement huit podiums. Un bilan famélique pour celui que l’on a longtemps présenté comme un concurrent sérieux des Cavendish, Greipel ou Farrar à l’époque, et que l’on imaginait même pouvoir remporter Milan-Sanremo voire une classique ardennaise. Finalement, entre 26 et 29 ans, ce qui devait être sa meilleure période, José Joaquin Rojas a été plus transparent que jamais. Chez Movistar, il n’a pourtant pas vraiment eu de concurrence, car ni Ventoso ni Lobato ne sont des sprinteurs assez importants pour s’accaparer le leadership et amener Eusebio Unzué à mettre quelques coureurs à leur service.
La victoire de l’Espagnol sur ce Tour du Qatar devant des garçons comme Démare, Sagan ou Bouhanni est donc forcément un message d’espoir, mais ne doit pas non plus laisser imaginer que Rojas va retrouver son niveau d’il y a quelques années. En cruel manque de confiance, le Murcian aura besoin d’une série de bons résultats pour se rassurer et croire de nouveau en ses capacités à aller chercher ne serait-ce que des places d’honneur sur les grandes épreuves du calendrier. Pour ce qui est d’espérer un peu plus que des accessits, cela relève pour l’instant de l’utopie. Rojas ne compte que sept victoires chez les professionnelles (dont seulement deux en World Tour), une stat que certains sprinteurs atteignent en quelques mois seulement. Définitivement, les bouquets ne sont pas faits pour lui. Raison de plus pour profiter comme il se doit d’un succès venu sans que l’on s’y attende dans un début de saison où tout le monde est encore en préparation.