Le ton est posé. L’homme aussi. Au travers de quelques phrases, on sent ce qui le fait vraiment vibrer : le cyclisme. Et s’il a été très en vue l’année dernière, cela ne doit rien au hasard. Passionné certes, mais surtout travailleur, Sébastien Reichenbach symbolise en partie cette Suisse qui monte. A l’aube de sa deuxième saison chez les professionnels, le grimpeur de 24 ans s’est confié à la Chronique du Vélo. Rencontre avec un personnage authentique.

Bonjour Sébastien. Tout d’abord, que va-t-il vous rester de votre grande première saison, en 2013 ? Votre 4e place au Tour de l’Ain, la 16e au Tour de Suisse ou bien votre première victoire professionnelle en Italie, sur le Trofeo Matteotti ?

Je dirais que le plus grand moment, c’est ma victoire. Surtout que je l’ai décroché avec mon ami et coéquipier Johann (Tschopp, ndlr). On a gagné cette épreuve à deux, c’était très sympa. C’était vraiment une grande journée, et comme on est arrivé avec presque une minute d’avance sur les autres, on a pu savourer la victoire.

Un tel doublé, ça permet de mettre la bonne humeur et de détendre tout le monde, n’est-ce pas ?

Oui bien sûr, c’était vraiment une journée incroyable. Surtout que c’est de plus en plus rare qu’une échappée arrive au bout. Cette fois-ci, on a eu un peu de chance.

A la fin de la saison il y a eu les Mondiaux : ce fut une récompense ?

C’était une récompense pour ma saison, c’est certain. Et je pense que c’est important pour l’équipe de mettre quelques jeunes dans l’équipe chaque année, pour préparer l’avenir. D’autant que les Championnats du Monde, c’est une course très longue, assez spéciale. C’est important d’y aller assez jeune pour emmagasiner de l’expérience.

Vous avez, depuis le début de votre carrière, progressé très rapidement en franchissant de grandes marches. Comment gère-t-on une telle ascension ?

J’ai toujours progressé assez rapidement, alors je n’ai pas eu trop de peine à gérer cette évolution. Je travaille aussi beaucoup pour ça. Après, on ne peut pas dire que j’ai de grosses attentes autour de moi. L’équipe ne me met pas de pression, ils me laissent évoluer normalement. Même pour cette deuxième année, l’encadrement ne m’a pas mis de pression pour faire des résultats. Bien sûr, il faut quand même en avoir un minimum, mais je pense que j’évolue dans un milieu sain qui va me permettre de progresser encore davantage.

Donc toute cette progression s’est faite assez naturellement ?

Exactement. Il faut dire que je faisais du VTT avant, je ne suis pas non plus arrivé sur la route par hasard. J’avais l’habitude de faire des efforts très intenses avec le VTT, et je pense que ça a été une très bonne école pour la route. Après, il a fallu acquérir l’endurance, mais ça justement, c’est venu assez vite en faisant des courses.

Pourquoi être passé du VTT à la route ? Le sentiment d’avoir fait le tour de la question ?

Non pas du tout, j’aime toujours le VTT et je continue d’en faire. Mais j’avais beaucoup de lacunes techniquement et quand je participais à des coupes suisses, c’était beaucoup trop difficile pour moi. J’ai peut-être commencé un peu tard, mais je pensais de toute façon que des courses longues me conviendraient mieux. J’ai trouvé ça sur la route.

Il y a quand même une certaine technique à avoir sur la route…

Oui mais tout ne se joue pas dans la technique, ou alors beaucoup moins. Cependant, le VTT reste une très bonne école pour la route. Je pense que quand on est jeune, faire du VTT est vraiment une bonne chose. On fait beaucoup d’efforts très intenses, mais courts, donc ça ne fatigue pas énormément l’organisme. C’est l’idéal avant 20 ans.

Et pour votre préparation d’avant-saison, faites-vous du VTT, du ski de fond ?

Je fais du ski de fond. Cette année je voulais en faire beaucoup mais avec les conditions météos, j’ai été limité : j’ai du faire une vingtaine d’heures dans ma préparation. Mais d’un autre côté, j’ai beaucoup roulé parce qu’il a fait justement très bon. Et puis j’alterne entre vélo de route et VTT. J’ai aussi la chance d’avoir le vélodrome à côté de chez moi où je vais régulièrement, une fois par semaine environ. Sans oublier le power tramp, ce sont des techniques de pédalage. En réalité, je varie beaucoup, je ne fais pas que du vélo de route, c’est important.

Revenons un peu en arrière, qu’est-ce qui a changé avec votre passage chez les professionnels ?

Le plus gros changement, c’est que je n’ai plus besoin de travailler. Jusqu’à l’année dernière, je travaillais encore à mi-temps, du matin jusqu’au début de l’après-midi. Ce n’était pas optimal pour la récupération… Ma progression en 2013 est en partie liée à ça. Je n’ai plus besoin de me lever tous les matins à six heures. Parce que si je n’étais pas sur les chantiers toute la journée, je faisais quand même un métier physique, j’étais debout en permanence (il était électricien de réseau, ndlr). Passer professionnel, ça m’a donc permis d’augmenter les charges d’entraînement. Toute l’énergie que j’ai, elle va sur le vélo, et ensuite dans la récupération. Ça, c’est un grand changement.

Alors en ce qui concerne 2014, votre programme s’articulera-t-il, comme la saison passée, autour du Tour de Suisse ?

Non, pas cette fois. L’équipe m’attend davantage pour aller sur le Dauphiné.

Pour enchaîner avec le Tour de France ?

Le Tour, c’est trop loin. Il y a une sélection qui se fait donc c’est encore un point d’interrogation. Il faudra être performant le mois précédent et alors peut-être que je pourrais y participer.

Et le Tour de Romandie dans tout ça ?

Il sera bien à mon programme. Enfin je ne veux pas trop m’avancer, mais il est prévu que j’y sois. Le Tour de Romandie et le Dauphiné seront les deux courses importantes de ma saison.

Et sur ces deux courses, quels seront les objectifs ?

Sur le Tour de Romandie, il y a une étape qui passe sur mes routes d’entraînement, sur mes cols, à deux pas de chez moi. Cette course me tient donc particulièrement à cœur. L’étape de montagne, elle m’intéresse vraiment. J’espère déjà avoir un pic de forme à cette période. Mais avant, il y a beaucoup de courses : Paris-Nice, le Critérium International, Liège-Bastogne-Liège… Elles sont tout aussi importantes pour l’expérience.

Pour cette saison, l’un des objectifs de votre équipe est le chrono par équipes des Mondiaux. La victoire est-elle atteignable ?

Je ne sais pas, je ne fais pas partie du groupe, c’est vraiment spécifique. Mais je pense qu’avec Chavanel, Larsson et Lövkvist notamment, il y a de très bons rouleurs dans l’équipe. Toutefois, la difficulté n’est pas seulement d’avoir de gros moteurs, il faut une grande cohésion. Au mois de janvier, ils ont roulé ensemble, pour améliorer leur entente. Tout doit être calculé au millimètre pour perdre le moins de temps possible quand tu changes de relais. Je pense aussi que Chavanel ayant déjà participé à l’épreuve (et gagné, ndlr), il peut apporter beaucoup à l’équipe.

En ce qui concerne l’équipe suisse, sur les Mondiaux, l’objectif sera encore une fois une médaille ?

Oui bien sûr. Et je pense que c’est un objectif réaliste quand on a des coureurs comme Cancellara, Albasini ou Frank.

L’équipe est-elle mieux armée en 2014 que les années précédentes ?

Je ne pense pas qu’elle soit mieux armée que l’an passé. En 2013, on avait une belle équipe, mais les conditions étaient difficiles, et le facteur chance nous a fait défaut. Au bout de 100 kilomètres, il ne restait que trois ou quatre coureurs… Il faut donc que les évènements jouent en notre faveur, ce n’était pas le cas en 2013. Sur une course d’un jour, il faut forcément un peu de chance pour décrocher une médaille.

D’une manière générale, pour le cyclisme suisse, les vélodromes d’Aigle et de Soleure sont-ils de gros points positifs ?

Oui, c’est certain. Nous, on a la chance d’aller sur celui d’Aigle et bien sûr, c’est un outil très utile. Ensuite, d’en avoir fait un nouveau à Soleure pour amener les pistards aux Jeux Olympiques, c’est aussi très important je pense.

Et le Valais (où vit Sébastien Reichenbach) dans tout ça ? C’est une région presque parfaite, dédiée à la pratique du cyclisme !

C’est vrai qu’ici, on a tout ce qu’il faut. Notamment le climat, qui est vraiment très agréable ; il fait beau même en hiver. Et au niveau du relief, on a aussi de tout. C’est une région propice au vélo. Le seul hic c’est le vent, mais on ne va pas s’en plaindre, c’est souvent grâce à ça qu’on a un ciel dégagé.

Pour l’entraînement, l’équipe IAM utilise la méthode Fustra. Qu’apporte-t-elle ?

Ce n’est pas vraiment une méthode spéciale, c’est une technique de renforcement musculaire. Je trouve ça intéressant, il y a des très bons exercices qui permettent de se renforcer spécifiquement pour le vélo. Personnellement, j’en fais assez régulièrement à la maison. Après, ce n’est pas une technique totalement nouvelle, c’est un peu du gainage revisité. Mais c’est un peu plus ludique que les exercices classiques que j’avais l’habitude de faire, et qui ne sont pas forcément intéressants. C’est la deuxième année qu’on utilise cette méthode, et c’est évidemment un plus.

Dernière question : le maillot IAM pour 2014, comment le trouvez-vous ?

Je l’aime beaucoup, il est vraiment sobre, dans l’esprit de l’équipe. Avec une petite touche suisse. Je le trouve très réussi et j’ai eu pas mal de retours positifs. Celui de l’an dernier était déjà bien, mais le nouveau est encore mieux !

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