En début de semaine, Bradley Wiggins annonçait vouloir se consacrer à la piste en vue des Jeux Olympiques de Rio. Rien de surprenant pour le médaillé de Pékin en 2008. Mais cet objectif olympique ne sera à l’ordre du jour qu’à la fin de son contrat avec l’équipe Sky, qu’il a prolongé de quelques mois. Jusqu’à fin avril, histoire de courir Paris-Roubaix. Et avec de vraies ambitions.
Une troisième vie
Qu’un vainqueur du Tour de France se présente comme un candidat à la victoire sur Paris-Roubaix peut paraître complètement illusoire. Seuls treize hommes comptent à leur palmarès au moins une victoire sur les deux épreuves, et ce n’est plus arrivé depuis plus de trente ans et le sacre de Bernard Hinault en 1981. Et pourtant, imaginer Wiggins lever les bras dans le vélodrome roubaisien n’est aujourd’hui pas si farfelu. Question d’habitude. En 2008, après ses deux sacres olympiques sur la piste pékinoise, personne n’aurait parié qu’il remporterait quatre ans plus tard la Grande Boucle. Mais dès 2009, avec un podium à Paris, le natif de Gand a signifié à tous qu’il était capable d’atteindre un tel objectif. Une sorte de deuxième vie, qui n’était pas la dernière. Car si personne, au soir de sa victoire finale sur les Champs-Elysées, ne se serait risqué à miser sur un futur succès de Wiggo sur un monument comme Paris-Roubaix, cela semble aujourd’hui tout à fait possible.
La saison passée, le protégé de Dave Brailsford a disputé l’Enfer du Nord pour la deuxième fois de sa carrière, et y a décroché une remarquable neuvième place, terminant dans le groupe de dix à la poursuite de Niki Terpstra. Un véritable exploit pour celui qui a toujours eu un physique atypique, sans pour autant que l’on imagine à un moment de sa carrière qu’il lui permettrait d’être parmi les meilleurs sur les classiques flandriennes. Ce 13 avril 2014 fut la confirmation qu’on ne reverrait plus jamais le vainqueur du Tour 2012 parmi les prétendants à un succès sur les courses par étapes. En revanche, cela démontrait d’une nouvelle réorientation dans la carrière de Wiggins, désireux de connaître la gloire dans un domaine qu’il n’avait jusqu’ici presque jamais exploré. Après avoir repris du poids et s’être entraîné spécifiquement, le voici devenu spécialiste des pavés et candidat crédible à une victoire sur le monument flandrien.
Habitué à réussir ses paris
A 34 ans, Bradley Wiggins a connu de nombreuses difficultés, a été contraint d’enjamber bon nombre d’obstacles pour atteindre ses objectifs et a parfois un peu trop relâché la pression après être arrivé au sommet. Mais son palmarès est aujourd’hui aussi garni que diversifié, preuve qu’il a très rarement échoué dans ses actions. S’il a décidé de faire de Paris-Roubaix son objectif en 2015, et compte tenu de l’intensité qu’il a l’habitude de mettre dans sa préparation, le Britannique sera évidemment à prendre au sérieux. En reconnaissance sur les pavés du Nord ces dernières semaines, celui qui s’est fait adouber par la Reine Elisabeth II tente par tous les moyens de compenser ce qu’il lui manque par rapport aux spécialistes de longue date : l’expérience. Après avoir roulé avec insistance sur des pavés mouillés, Wiggins a confié vouloir perfectionner sa stratégie, pour ne pas être pris au piège d’une supériorité numérique, comme ce fut le cas au printemps dernier avec les OPQS.
Désireux de s’enlever un peu de pression, Bradley Wiggins n’a pas hésité à affirmer que le cas échéant, il pourrait aussi se mettre au service de Geraint Thomas. Dans la réalité cependant, le Gallois devrait être le principal lieutenant de Wiggo, également accompagné de Ian Stannard. Ca ne vaut peut-être pas l’armada OPQS ou la puissance du seul Cancellara, mais ça représente un trio de grande qualité qui offrira au leader de la Sky de réelles chances de succès. D’autant qu’en tant que champion du monde du chrono en fin de saison dernière, le Britannique a de quoi être presque aussi craint que les Boonen, Cancellara, Vanmarcke ou van Avermaet. Adepte des métamorphoses spectaculaires et surtout réussies, Brad’ nourrit des ambitions finalement légitimes. Face à une concurrence pour une partie vieillissante et pour l’autre un peu tendre, il pourrait bien être celui qui décroche le Graal. Encore une fois.