L’hiver, pour Peter Sagan, n’a pas simplement été synonyme de changement d’équipe. A désormais 25 ans, le Slovaque va entamer, pour la quatrième année, la campagne de classiques comme un prétendant à de grandes victoires. C’est d’ailleurs pour décrocher des succès de prestige qu’Oleg Tinkov a accepté de payer 4,5 millions d’euros annuels. A ce prix là, l’excuse de l’apprentissage ne fonctionne plus ; Sagan doit gagner.

Ne pas s’éparpiller

Puncheur, sprinteur, flandrien, Sagan est l’un des coureurs les plus polyvalents du peloton. Pourtant, il ne cesse de le répéter, ce sont les classiques qui le font rêver. Du coup, pour devenir un véritable classicman, il a compris qu’il devait mettre de côté le sprint. Le dernier Tour de France l’a donc vu souvent placé, jamais gagnant, à l’instar de son début de saison avec Tinkoff-Saxo. « Mon objectif est de gagner des classiques. Les plus importantes sont Milan-Sanremo, le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, mais je n’en ai pas vraiment de préférée », expliquait le natif de Zilina au cours de l’hiver. Pour l’homme aux trois maillots verts sur le Tour de France, une victoire dans l’un de ces monuments serait une première consécration. Il a été tout proche en 2013 (deuxième de Milan-Sanremo et du Ronde), mais il doit pour le moment se contenter d’épreuves moins huppées, comme le GP E3, Gand-Wevelgem ou le GP de Montréal. De quoi enrager, et assurer qu’il échangerait volontiers un de ses maillots verts contre une grande classique.

Cette réorientation dans ses objectifs l’a éloigné des chiffres hallucinants de ses saisons précédentes : de vingt-deux victoires en 2013, il est passé à sept en 2014. Une statistique pas forcément rédhibitoire, à condition que les quelques succès soient de grande envergure. C’est ce que doit tenter de mettre en œuvre Sagan cette saison, avec la pression de son boss, Oleg Tinkov. « J’espère qu’il va gagner deux ou trois classiques majeures, expliquait l’oligarque russe en début de saison. S’il échoue, je serais très déçu, mais je ne vais pas le tuer. » On a connu des discours mieux sentis, même si au moins, le Slovaque sait que sa direction le considère comme un moteur de l’équipe. Pour 2015, celui que l’on surnommait Rambo chez Cannondale a donc fait des choix importants au niveau de son programme. Exit l’Amstel et Liège-Bastogne-Liège, où il a pourtant eu l’habitude de décrocher de beaux accessits, tout sera axé autour des flandriennes, avec comme seule dérogation une participation logique à Milan-Sanremo.

Une pancarte et trop de panache ?

Ce samedi, le champion de Slovaquie a fait sa rentrée sur les classiques. Les Tours d’Oman et du Qatar, disputés en février, n’étaient qu’une mise en bouche. Ce sont bien les Strade Bianche qui ont lancé la campagne printanière d’un Sagan très motivé. Peut-être même un peu trop. Sur les routes italiennes, il a semblé vouloir bien faire, testant ses adversaires et notamment Fabian Cancellara, avant d’être à l’origine d’une petite échappée avec Stybar et Valverde. Sauf que le Slovaque s’est beaucoup trop exposé, et une fois le trio repris, il n’a pu accrocher les roues. L’illustration que dans une course sans oreillette, il a encore beaucoup de mal à adopter la bonne tactique. Assurément costaud – on l’a vu dans quelques montées -, il s’est lui-même sabordé pour terminer 31e, bien loin de la tête de course. Un scénario que le garçon va devoir faire en sorte de ne pas répéter, car dans quinze jours sur la Classicissima, une telle erreur ne lui sera pas pardonnée.

Malgré tout, si Sagan se montre parfois aussi impatient, c’est aussi parce qu’il est davantage surveillé qu’une grande partie du peloton. Le garçon fait peur, et chacune de ses offensives donne lieu à une véritable chasse à l’homme. « Peter sait que lorsqu’il prend le départ d’une course, 80 % des coureurs qui sont là ne travailleront pas avec lui, tentait d’analyser son ancien directeur sportif Stefano Zannata pour Vélo 101. Il sait que c’est à lui de contrôler la course et d’essayer de battre ses adversaires. » Sur le Tour 2014, l’encadrement de la Cannondale regrettait notamment les échappées du Slovaque en montagne, préférant qu’il reste au chaud dans le peloton. Mais c’est aussi cette envie de faire le spectacle qui rend Sagan si spécial, et lui demander de gagner en ne donnant pas un coup de pédale ne lui ressemble pas. Toute la difficulté, pour 2015, va donc être pour lui de concilier panache et victoire sur les grandes classiques. Joli programme.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.