Le maillot fuchsia aura été le dernier porté par la légende italienne, dont le retrait marque la fin d’une époque – Photo DM 08
Le maillot fuchsia aura été le dernier porté par la légende italienne, dont le retrait marque la fin d’une époque – Photo DM 08

En pleine saison, il s’en est allé. Monstre sacré du cyclisme du haut de ses 39 ans, Alessandro Petacchi n’avait sans doute plus la force de continuer à endurer les efforts imposés aux sportifs professionnels, à commencer par l’éloignement familial qui pesait de plus en plus sur les épaules de ce colosse des temps modernes. Digne successeur de Mario Cipollini, il aura régné pendant une longue décennie sur le sprint mondial, accumulant plus de 190 victoires en carrière, un chiffre que nul n’avait atteint précédemment.

À la poursuite d’un rêve 

Ce que l’on retiendra avant tout de Petacchi, c’est sa quête éffrénée de victoire sur la Classissima, Milan-Sanremo. Tout grand champion a connu cette obsession particulière pour une course qu’il désire plus que les autres. Pour un sprinteur, faire ses preuves sur les grands tours n’est pas suffisant. Afin d’éviter les critiques acerbes des spécialistes, il a le devoir de se distinguer sur une course : la Primavera. A l’époque, deux monstres sévissaient en série sur la reine des classiques italiennes, Erik Zabel et Oscar Freire. En 2005, Ale-Jet a atteint sa plénitude. Il sort de deux saisons pleines avec pas moins de 24 étapes de grands tours acquises en dix-huit mois. Il est grandement attendu après son échec de l’année passée, et a prouvé sa forme en remportant trois étapes de Tirreno-Adriatico. La tension monte, la course est mouvementée, les attaques se succèdent dans le Poggio et la Fassa Bortolo doit s’activer pour opérer le regroupement à moins de trois kilomètres de la ligne d’arrivée. Une ultime attaque de Laurent Brochard est avalée par le train bleu et blanc. Les Quick-Step, emmenés par Paolo Bettini, le vainqueur de 2003, et Tom Boonen, sont également présents. Mais soudain, à moins de 150 mètres du but, un éclair surgit sur la Via Roma : Petacchi accélère et laisse sur place ses concurrents. La messe est dite, Sprintor vient de signer son plus beau chef d’œuvre devant des pointures telles qu’Hushovd, Freire et Boonen, tout à coup démunies face à la virtuosité de l’esthète.

Tombeur de Cavendish

L’année 2007 marque un frein dans la carrière jusque là parfaite du Spezian. A nouveau brillant sur le Tour d’Italie, qu’il survole avec cinq victoires d’étapes, les résultats d’analyse de la 11e étape le décrètent soudainement positif au salbutamol ! S’ensuit un imbroglio entre les différentes institutions de la lutte anti-dopage. Le TAS finit par couper la poire en deux en suspendant Petacchi pour une durée de huit mois et en supprimant ses résultats acquis sur le Giro ! Le meilleur sprinteur du monde au tapis, la nouvelle génération, incarnée par Mark Cavendish et André Greipel, les deux sprinteurs vedette de la Team Columbia,  en profitent pour sortir du bois ! L’Anglais glane dix-sept bouquets dont deux sur le Giro et quatre sur le Tour. Il s’impose cette année là comme étant l’Express de Man : un homme intouchable, survolant les sprinteurs avec son train infaillible, qui rappelle beaucoup celui dont jouissait Petacchi à la Fassa Bortolo.

Fin 2008, la suspension de l’Italien s’achève, il signe alors un contrat avec la formation LPR-Brakes, qui a également engagé Danilo Di Luca. Un duo de choc se forme alors dans une équipe sulfureuse mais rafraîchissante ! Petacchi accumule les victoires dès le début de saison et semble retrouver son rythme malgré sa suspension et son âge avancé. Si Cavendish remporte Milan-Sanremo, Petacchi brille avec huit succès, dont le Grand Prix de l’Escaut, semi-classique « pavée » toujours réputée difficile à gagner. Leur duel sur le Tour d’Italie qui partira de Venise est attendu et remplira toutes ses promesses. Vainqueur du chrono par équipes avec la Columbia, le Britannique endosse le maillot rose et part confiant avant d’aborder les premières étapes de plaine : il sera sèchement battu. Le sprint de Trieste est un modèle du genre, Petacchi retrouve son punch et son explosivité pour se défaire d’un Cavendish sûrement trop confiant : c’est la première défaite dans un sprint depuis presque deux ans pour Cav’, qui sera écarté le lendemain vers Valdobbiadene par un final difficile, celui-ci voyant Petacchi s’emparer de la tête du classement général après s’être imposé devant Tyler Farrar. Une revanche, une consécration, aussi.

Le mois de juillet 2010 sera tout aussi marquant. Rappelons nous. Peu en forme tout au long du printemps, Petacchi quitte prématurément le Giro sans avoir pu peser sur les sprints. Son Tour de Suisse est par la suite encourageant, mais les observateurs ne lui donnent plus aucun crédit, on l’annonce sur le déclin.  C’est une formidable leçon que va alors leur donner le champion italien. La 1ère étape en ligne de la Grande Boucle arrive à Bruxelles. Cavendish piégé par une chute survenue aux abords du final, Petacchi s’offre une prestigieuse victoire en devançant Mark Renshaw et Thor Hushovd, pourtant favori. Il récupère le maillot vert. Chavanel, puis Hushovd l’en délogeront pendant de longs jours, et un duel épique s’organise entre l’Italien et le Norvégien, séparés par une marge infime. Les deux luttent à chaque étape pour terminer deuxième derrière un Cavendish retrouvé qui remporte la bagatelle de cinq bouquets. On pense un temps qu’il sera même en mesure de remporter son premier maillot vert mais un dernier sprint musclé sur les Champs Elysées offre à Petacchi, plus régulier tout au long des trois semaines de courses, la tunique du classement par points. Une récompense qui lui permet non seulement de contrecarrer une fois encore les plans du Britannique, mais aussi de devenir le quatrième coureur, après Merckx, Abdoujaparov et Jalabert, à remporter le classement par points des trois grands tours.

Un bilan fantastique 

Quelques chiffres resteront dans les mémoires au moment d’évoquer le nom de Petacchi. Ses 48 victoires – 22 sur le Giro, 6 sur le Tour, 20 sur la Vuelta – le placent en seconde position dans le classement des coureurs les plus prolifiques sur les étapes en ligne des grands tours. Il n’est devancé que par l’illustre Mario Cipollini, mais a dépassé les légendes Merckx, Binda et Van Looy.  Cavendish, avec 36 victoires, semble cependant en mesure de venir le déloger de cette deuxième place. Mais en 2003, Peta est également devenu le premier coureur à remporter la même année plusieurs étapes de chaque épreuve de trois semaines. Une régularité extrême qui sera récompensée par une 3e place au classement mondial, fait rare pour un pur sprinteur. Plus vieux vainqueur du maillot vert sur le Tour de France, il est intéressant de constater qu’il est également deuxième au classement des victoires d’étapes du Tour d’Espagne et du Tour d’Italie.

Véritable lien entre l’ancienne garde des années 90 (Zabel, Cipollini) et la génération actuelle (Cavendish, Greipel), Petacchi s’est imposé en peu de temps comme l’un des meilleurs sprinteurs de l’histoire du cyclisme. Sa domination hors du commun entre 2003 et 2005 a forgé sa légende et lui permettra de laisser une trace indélébile dans l’histoire de notre sport. Indéniablement, c’est un immense champion qui tire sa révérence après plus de seize années de professionnalisme, à cheval sur trois décennies.

Louis Rivas


 

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