Après son historique triplé à Cali, il y a un an, François Pervis était attendu comme le meneur de l’équipe de France pour les Mondiaux de Saint-Quentin, à domicile. Une grosse pancarte et autant d’attentes, cela aurait pu freiner un Pervis qui a connu une préparation tronquée. Mais finalement, même en étant loin de sa forme optimale, le Mayennais a déjà conservé deux de ses trois titres mondiaux. Phénoménal.

Des mois d’angoisse

Après son retour du Japon, où il a désormais pris l’habitude de partir s’entraîner plusieurs mois, François Pervis a connu des fortunes diverses. Il y a eu quelques bonnes nouvelles, comme cette signature avec l’équipe de l’Armée de Terre, qui permettra au Lavallois de retrouver un statut de professionnel, lui qui était sans équipe depuis 2010 et son départ forcé de chez Cofidis. Mais jusqu’à l’ouverture des Mondiaux de Saint-Quentin, c’est bien la seule chose qui a pu réjouir le Français. Sa préparation a en effet été rythmé par des pépins physiques l’empêchant d’emmagasiner une confiance pourtant indispensable sur les manches de Coupe du Monde. Et lorsqu’il semblait revenir en forme, à Cali le mois dernier, il a été victime d’une chute heureusement sans gravité, mais qui l’a encore retardé dans son minutieux programme. Quand on sait l’exposition médiatique assez réduite dont disposent les pistards, faire une croix sur ces Championnats du Monde à domicile aurait été une énorme désillusion pour Pervis.

Pourtant, il y a pensé à plusieurs reprises. Dans L’Equipe ces derniers jours, il confiait même que si l’épreuve n’avait pas lieu à Saint-Quentin, le vélodrome sur lequel il s’entraîne quasiment chaque jour depuis maintenant un an, il aurait déclaré forfait. Et jusqu’au dernier moment, l’entraîneur tricolore, Laurent Gané, et le DTN Vincent Jacquet, ont dû convaincre leur meilleur élément que même sans être à 100 %, il fallait qu’il s’aligne dès jeudi au départ du keirin. Celui qui a passé ses dernières semaines à expliquer à tout le monde qu’il n’était pas aussi bien préparé qu’il le faudrait a donc accepté de parader sur son vélodrome sans ses maillots arc-en-ciel, et sans savoir s’il pourrait les reconquérir. Qu’importe, devant son public, il ne pouvait pas se défiler. D’autant que depuis l’année dernière, François Pervis a profité d’une médiatisation nouvelle, chaque média ou presque y allant de son reportage sur celui qui fait désormais partie des têtes d’affiche du sport hexagonal.

Deux jours de rêve

Après la médaille d’or de ses compatriotes en vitesse par équipes, Pervis est donc entré dans la compétition, jeudi. Entre doutes et sérénité. Il reste le meilleur pistard du monde depuis deux ans, et si l’hypothèse n’était pas à exclure, on l’imaginait mal se rater. Il nous a donc grandement rassuré, en remportant sa finale avec beaucoup de justesse tactique. La première médaille d’or était acquise, le premier titre conservé. Mais c’était peut-être l’épreuve la moins compliquée : pendant six mois, le Français a en effet couru des keirin au Japon, dans des conditions de courses autrement plus compliquées. Vélodromes découverts, pistes en béton, vélos en acier et règles beaucoup plus laxistes : dans le pays qui a inventé la discipline, le keirin n’a pas grand chose à voir avec ce que l’on observe en Europe. Pervis est donc revenu plus fort, aussi bien physiquement que tactiquement, ce qui lui a sans aucun doute permis de remporter l’épreuve mondiale sans trop puiser dans ses réserves.

Mais le kilomètre, vendredi, a été une autre paire de manche. Certes, il a gagné, et ce pour la troisième fois consécutive. Mais il a eu chaud ! L’Allemand Joachim Eilers lui a donné du fil à retordre, et Pervis s’est imposé avec seulement 87 millièmes d’avance. Un matelas dérisoire, et un chrono assez « moyen » (1’00’’207’’’) pour celui qui a fait des kilomètres sous la minute une chose banale. Mais avec ce sacre sur sa discipline de prédilection, et au moment d’entamer la vitesse individuelle, Pervis a donc largement rempli son contrat en conservant deux des trois titres acquis l’an dernier en Colombie. Le public a joué un rôle important, il le confesse volontiers. Mais sa marge énorme sur ses adversaires aussi. Sans être au top, le Français est encore capable de mettre tout le monde d’accord, preuve d’une domination que personne ne peut contester. Et dimanche soir, peut-être réalisera-t-il une deuxième fois ce triplé qu’il est le seul à avoir réussi. Imbattable, ce serait alors le mot juste.

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