C'est dans l'ascension du Jafferau que le déclic semble avoir eu lieu, lorsque Niemiec a lâché son leader - Photo Lampre
C’est dans l’ascension du Jafferau que le déclic semble avoir eu lieu, lorsque Niemiec a lâché son leader – Photo Lampre

Il aura fallu attendre que le Polonais atteigne ses 33 ans pour le voir performer sur les grosses épreuves. Une véritable énigme pour un coureur auquel personne ou presque ne prêtait attention il y a encore trois ans, avant qu’il signe chez Lampre. Mais dans un rôle de gregario pour Damiano Cunego et surtout Michele Scarponi, le grimpeur a pris du galon pour devenir un véritable coureur de grands tours, comme il le montre actuellement sur le Giro.

Un Polonais presque italien

Né à Oswiecim, une ville de la Petite-Pologne qui est en fait Auschwitz lorsqu’on l’écrit en allemand, Niemiec a rapidement quitté la région qui comportait encore les traces de la Seconde Guerre mondiale. Privilégiant l’Italie, c’est donc dans ce pays féru de cyclisme que le jeune homme presque maigre a fait ses débuts sur un vélo. Talentueux, il est passé professionnel à 22 ans, chez Amore e Vita. Ses résultats sont minimes et malgré sa réticence à bouleverser sa vie, il est contraint de changer d’équipe. Direction Miche, une autre équipe transalpine, qui lui permettra d’obtenir un peu de visibilité. Très rapidement, on remarque que le Polonais est un pur grimpeur. Mais à un échelon si lointain du top niveau, difficile pour lui de s’immiscer dans la cour des grands, même lorsqu’il participe à des épreuves réputées. Il semble lui manquer un sens tactique.

Cette petite chose qui lui faisait défaut, il va l’acquérir sur le tard, lorsqu’après sept saisons au sein « son » équipe, la Lampre décide de venir le débaucher. La grosse structure italienne vient de frapper fort en recrutant Michele Scarponi, et si elle veut permettre à son nouveau leader de remporter le Giro, il lui faut des équipiers. Le coureur au prénom aussi difficile à écrire qu’à prononcer – Przemyslaw – est donc choisi par Giuseppe Saronni. Plutôt une bonne pioche puisque dès le mois de mai 2011, Niemiec est d’une précieuse aide à Scarponi, qui termine deuxième du Tour d’Italie avant que celui-ci ne lui soit remis sur tapis vert suite au déclassement de Contador. Scarpo vient de trouver celui qui va rester son fidèle lieutenant, sans forcément le même succès, mais avec le même dévouement.

La Lampre a le cul entre deux chaises

Ne cherchant jamais à prendre la place de son leader, Niemiec ne s’est personnellement illustré que lorsque son équipe lui avait jusque là donné l’autorisation. Mais actuellement, sur le Giro, le Polonais cartonne, presque malgré lui. Aidant son leader pendant deux semaines, Przemyslaw n’a jamais eu à se sacrifier au point de lâcher prise. Du coup, au général, alors que le leader désigné des fuchsia est 4e, le fidèle équipier est juste derrière, à seulement 20 secondes. Se montrant presque meilleur que Scarponi, le Polonais est en train de se détacher de celui qu’il est censé accompagner. Après avoir aidé son leader dans l’ascension du Jafferau, il l’a quitté pour terminer seul, une poignée de secondes devant lui. Conscient qu’il était peut-être le plus fort, le staff de la Lampre a alors donné carte blanche à Niemiec pour les étapes suivantes.

Et l’habituel équipier ne s’est pas fait prier : troisième au Galibier et à Ivrea, il a repris du temps à Scarponi et s’est superbement bien replacé au général. Après être monté en puissance tout au long du début de saison – d’abord sur Tirreno, puis en Catalogne et enfin au Trentin -, le compatriote de Rafal Majka – qui lui aussi fait très bonne impression sur les routes transalpines – pourrait aller chercher le podium en cette dernière semaine de course. Si c’était le cas, Giuseppe Saronni pourrait regretter son choix de départ, celui de donner le leadership à Scarponi, tant le Polonais se montre régulier. Mais si Niemiec parvient à s’offrir ce podium sur une épreuve de trois semaines, à n’en pas douter, il changerait de statut. Terminé le rôle d’équipier, à 33 ans, il deviendrait leader. C’est tard, certes, mais ça lui laisserait quelques années pour aller décrocher, pourquoi pas, une victoire de prestige. Toutefois, avant, il faut terminer ce 96e Tour d’Italie en beauté.

Robin Watt


 

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