Confortablement assied sur son trône, Vincenzo Nibali peut savourer une victoire qu'il mérite amplement - Photo Giro d'Italia
Confortablement assied sur son trône, Vincenzo Nibali peut savourer une victoire qu’il mérite amplement – Photo Giro d’Italia

Il y a trois semaines, on annonçait Vincenzo Nibali parmi les grands favoris du 96e Tour d’Italie. Mais personne n’aurait imaginé une telle domination du Sicilien. Maillot rose pendant deux semaines, le Squale conclut ce Giro avec une victoire de prestige en haut des Tre Cime de Lavaredo. Un vainqueur qui fait l’unanimité.

Parfait physiquement, tactiquement et mentalement

Pour gagner un grand tour, il faut réunir ces trois critères indispensables. Mais pour écraser un grand tour, comme vient de le faire Vincenzo Nibali sur la course rose, il faut être parfait dans tous les domaines. Depuis trois semaines, le transalpin a rempli le contrat, et à la veille de l’arrivée, il peut regarder dans le rétroviseur pour contempler le travail accompli. Sa montée en puissance jusqu’au départ de Naples a été calculée à la perfection, et durant ce Giro, jamais il n’a laissé entrevoir les prémices d’une défaillance. En tête en permanence, dominateur à peu près quand il le voulait, l’Italien a rapidement montré à ses adversaires que pendant ce mois de mai, c’était lui le patron. Le meilleur en montagne, et de loin, il a aussi excellé dans les contre-la-montre sans jamais faiblir dans la plaine. Il avait les jambes comme personne ! Et en plus, il a su les utiliser à la perfection. Se contrôlant en première semaine pour ne pas se découvrir trop tôt, il demeurait présent, juste derrière les leaders successifs, en embuscade. Puis, à la suite du chrono de Saltara, il a pris le maillot rose. Alors qu’on pensait qu’il allait le céder rapidement pour tenter de le reprendre plus tard, il l’a gardé, et l’a défendu à merveille.

Deux semaines avec le maglia rosa sur les épaules n’est jamais simple à gérer. Mais alors que tout le monde doutait de la formation Astana, Nibali a fait confiance à son équipe, et il a eu raison. Gérant la course comme il le fallait, ils ont su se délester d’un peu de pression lorsque c’était possible tout en n’abandonnant jamais leur extrême vigilance. Rarement capables d’emmener leur leader loin dans les cols, c’est alors le sens tactique et mental du Requin qui a fait la différence. Jaugeant ses adversaires et les contrôlant lorsque c’était possible, il n’a pas hésité à prendre lui-même les commandes de la course pour ne pas subir d’attaques sérieuses. Une sorte de spectacle dont en réalité Vincenzo Nibali maîtrisait tout. Laissant un jour la victoire à Santambrogio, ne s’acharnant pas le lendemain à aller chercher Visconti, le natif de Messine a su donner les bons coups de pédale au bon moment. C’est à dire quand les autres étaient à bout de souffle, alors que lui pouvait encore accélérer. C’est ce qui lui a permis de faire la différence au classement général, jour après jour. Ce qui lui a permis de creuser les écarts plutôt que de les contrôler. Alors on peut dire que le cas Wiggins a joué en sa faveur, mais même lorsque l’Anglais était au plus mal, il a su gérer parfaitement la situation, sans se précipiter pour l’éliminer définitivement de la course à la victoire.

Une dose de panache pour rester lui-même

Annoncé comme le grand rival de Bradley Wiggins au départ de Brescia, Vincenzo Nibali se posait en leader complètement opposé. Pas un calculateur né, plutôt un attaquant acharné. Le Sicilien voulait remporter ce Giro, mais avec la manière. Alors que Wiggo comptait bâtir sa victoire sur l’épreuve chronométrée de 55 kilomètres, Nibali voulait mettre à mal son adversaire dans la montagne. Il n’y aura donc pas eu de duel, mais l’Italien aura tout de même souhaité montrer qu’il en était capable. Ainsi, la victoire presque assurée dans les derniers jours de course, il a pu lâcher les chevaux, donner du plaisir aux tifosi et rendre sa victoire encore plus belle qu’elle ne l’était. Vainqueur du cronoscalata de Polsa avec une facilité déconcertante, son premier objectif de victoire d’étape était rempli. Mais voilà que le Squale en voulait encore plus, une victoire en chrono le rapprochant certainement un peu trop de Bradley Wiggins. Il souhaitait gagner une grosse étape de montagne, pour montrer à tous qu’il était le patron, partout. L’étape du Val Martello annulée, il n’en restait qu’une à Nibali pour arriver à ses fins. L’étape phare, celle des Tre Cime de Lavaredo. Et malgré les modifications du jour, la victoire du maillot rose apporte tout le panache escompté.

Rattrapé par sa nature d’attaquant, d’homme qui anime la course, Vincenzo Nibali aura donc marqué cette dernière semaine de deux victoires qui entreront dans les annales. Et avec 4’43’’ d’avance sur son dauphin Rigoberto Uran, le transalpin assoit sa domination. De bout en bout, il aura maîtrisé ce Tour d’Italie, sans en donner l’impression. Après deux podiums sur la course rose, c’était son grand objectif de l’année, et une nouvelle fois, il a prouvé qu’il se rate rarement. Motivé comme personne mais surtout plus fort que tous ses concurrents, il les aura écœuré un à un, éliminant tour à tour tous ceux qui espéraient lui disputer la victoire finale. Pour le plus grand bonheur des tifosi, très nombreux malgré les conditions climatiques dantesques, le Squale inscrit son nom aux côtés des plus grands au palmarès de son Tour national. Lui, l’enfant du pays qui espérait tant connaître le sacre dans la course de ses rêves, s’est donné les moyens d’être le meilleur, et n’a laissé à aucun moment place au doute. Sous la neige omniprésente qui tombait encore abondamment aux Tre Cime de Lavaredo, Vincenzo Nibali a franchi la ligne conscient de sa monstrueuse performance. Le Requin les a tous mangés, et fait un superbe vainqueur.

Robin Watt


 

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