L’hiver dernier, en signant chez Cofidis, Daniel Navarro prenait un tournant important dans sa carrière. Longtemps équipier d’Alberto Contador, plus grand coureur de grands tours des dernières années, l’Asturien, un peu avant la trentaine, souhaitait connaître à son tour le rôle de leader. Au sein de la formation nordiste, il a dû prouver qu’il méritait le leadership. Cela s’est fait rapidement, et naturellement. Neuvième du dernier Tour de France, Navarro a franchi un cap important. Tout en demeurant l’homme humble qu’il est depuis ses débuts.

Augé : « Il est discret, humble »

Directeur sportif depuis quelques saison chez Cofidis, Stéphane Augé a pu observer l’arrivée de Navarro. Sans faire de bruit, le garçon s’est imposé comme le meilleur coureur de la formation d’Yvon Sanquer. Si Jérôme Coppel, arrivé en même temps que l’Espagnol, était pressenti pour assurer le futur des hommes en rouge, la victoire de Navarro sur le Tour de Murcie, puis son Dauphiné de très bonne facture ont fait de lui le leader incontestable en vue du Tour de France. Ce qui n’a absolument pas changé sa manière d’être. « Il est discret, humble, et fait son métier à 200 %. C’est la mentalité des Espagnols. Il ne va pas forcément demander toute une équipe autour de lui, mais quand il dit qu’il est bien pour une course, il ne déçoit pas ! », confie Augé. Le principal intéressé, évidemment, ne veut pas se mettre en avant. Il ajoute simplement qu’il « observe et travaille beaucoup, c’est très important. »

Nicolas Edet, coéquipier privilégié de Navarro en montagne, confirme les dires de son directeur sportif. « Je pense que c’est un bon résumé. J’ai eu l’occasion de rouler pour lui plusieurs fois la saison dernière, et c’est un bonheur ! C’est un leader qui sait remercier ses coéquipiers. » Le meilleur grimpeur du dernier Tour d’Espagne ne manque alors pas de rappeler l’ancien rôle de l’Ibère auprès de Contador : « Il sait ce que ressent un équipier quand il travaille pour son leader. » Celui que le Français décrit comme courageux n’hésite pas à laisser ses lieutenants tenter leur chance. Une aubaine pour des garçons qui savent pouvoir compter sur un leader honnête, qui ne les fera pas travailler dans le vide. Cependant, tactiquement, l’Espagnol demeure parfaitement au point, assure Edet. L’intéressé acquiesce, et note que Contador y est pour beaucoup : « Alberto m’a beaucoup apporté dans la tête. Grâce à sa science de la course et son expérience, il m’a appris à être un bon leader. Lui, quand il n’est pas bien sur une course, il ne le montre pas et fait le maximum. L’état d’esprit, c’est primordial. »

Vasseur : « Les qualités physiques, il les a »

S’émanciper de son rôle d’équipier est forcément un pari, qui ne peut pas réussir à tous. « Quand on est équipier, on n’a pas à se préoccuper de la phase finale de course, on se sacrifie. Alors qu’en tant que leader, il faut se réserver continuellement et produire son effort maximal dans les derniers instants », explique Cédric Vasseur, un ancien de la maison Cofidis. Dani Navarro, lui, a parfaitement opéré la transition, en douceur. Aidé, évidemment, par les deux Espagnols qui l’ont accueilli dans l’équipe nordiste. « C’était important, surtout au début de la saison. Je ne parlais et ne comprenais pas le français. Luis Angel Maté si, et il m’a beaucoup aidé. » Aujourd’hui, s’il place encore quelques mots d’espagnols pour répondre aux interviews, le natif de Gijon s’est adapté à la France et à sa nouvelle formation. Evidemment, ses qualités lui ont permis de légitimer son nouveau statut, et de s’intégrer plus facilement. Vasseur souligne l’importance de ses années passées auprès de Contador : « Quand vous épaulez des coureurs du standing d’Alberto Contador, vous êtes naturellement plus fort. »

2013 a donc été la preuve que Navarro peut être un leader. Reste à confirmer, et à s’améliorer. Pour Cédric Vasseur, cela ne posera pas de problème. « Les qualités physiques, il les a. Il a beaucoup appris en 2013, et va inévitablement progresser en 2014. J’en suis convaincu. » Avec le Tour de France comme principal objectif. C’est la course sur laquelle Cofidis veut briller, et celle où l’Asturien veut montrer qu’il a la carrure pour réaliser de grandes choses. Mais avec quels ambitions ? Augé comme Vasseur sont certains qu’il doit viser une étape. « Il a une idée derrière la tête, c’est une victoire d’étape. Il a le nez fin pour aller dans les échappées », assure son directeur sportif. Pour celui qui est désormais consultant chez France Télévisions et BeIn Sports, c’est également la meilleure chose à faire, d’autant qu’une échappée victorieuse le replacerait du même coup au général. Mais Navarro peut-il faire mieux que sa neuvième place de l’an passé ? « Oui, assurément, à condition que la chance soit un peu plus avec moi. L’année dernière, j’ai chuté trois fois… », estime le grimpeur désormais trentenaire.

Ensuite, bien sûr, viendra la Vuelta. Navarro n’y a participé que deux fois, malgré l’amour qu’il porte aux courses de son pays. Mais en 2009, il avait déjà pris la treizième place ; une performance qu’on l’imagine largement capable d’améliorer. Mais sa participation demeure hypothétique. L’an dernier, il était bien trop fatigué après la Grande Boucle pour se rendre au départ, explique Stéphane Augé : « Après le Tour, on lui a posé la question, mais il ne s’en sentait pas capable. Il avait tellement donné en juillet qu’il était fatigué et voulait récupérer. » L’intéressé abonde dans ce sens, affirmant que la quête du général lui a pompé beaucoup d’énergie, alors qu’il était surtout venu pour glaner une étape. En revanche cette année, la Vuelta pourrait bien être au programme. Navarro, en tout cas, ne ferme pas la porte. « Pourquoi pas. Cette année, je connais presque toutes les étapes, c’est tout prêt de chez moi. » Alors, le top 5 est-il jouable ? Augé ne dit pas non : « Sachant que le niveau et la façon de courir sont différents là-bas, c’est envisageable. » On est déjà pressés d’y être…

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