Forte d’une exposition grandissante d’année en année, la formation sud-africaine se montre chaque intersaison plus active sur le marché des transferts. Après Gerald Ciolek ou Linus Gerdemann, MTN vient de parier sur Edvald Boasson Hagen et Theo Bos. Rien ne dit que cela fonctionnera, mais au moins Douglas Ryder, le manager général, essaie, comme depuis la création de l’équipe. C’est tout à son honneur.
Ciolek a montré la voie
Que des coureurs confirmés mais en manque de résultats redescendent à l’échelon inférieur pour reprendre confiance n’a jamais été une véritable habitude. Il faut dire que pour des garçons annoncés comme des futurs cracks, prédestinés à gagner grands tours et prestigieuses classiques, la deuxième division n’a rien du paradis. Et pourtant, c’est en train de changer, parce que les places dans l’élite se font de plus en plus chères. Pour ces espoirs trop rapidement mis sous le feu des projecteurs, il n’y a donc pas d’innombrables solutions pour se relancer. Soit ils signent dans de grosses écuries et acceptent un rôle de larbin pour des leaders qui n’auront rien à faire de leur statut d’ex future star – c’est ce qu’avait fait Ciolek en signant chez OPQS fin 2011 -, soit ils osent le défi de la deuxième division pour goûter au rôle de leader – le choix de l’Allemand un an plus tard, après son échec chez Patrick Lefevere. Alors quand on a l’exemple de quelques coureurs pour qui l’humilité et la prise de risque a payé, on est tenté de faire pareil.
Gerald Ciolek, à 26 ans, avait besoin d’autre chose que l’exposition permanente qui suscite forcément les questions sur le pourquoi du comment. Pourquoi ce très grand espoir, annoncé comme le futur Zabel, n’a pas réussi ? Champion d’Allemagne à 18 ans, comment a-t-il pu rater la suite ? C’était ça, son quotidien dans l’élite. En signant chez MTN en prévision de la saison 2013, il a fait le choix de la discrétion. L’anonymat est pour lui quelque chose de bien trop illusoire, mais s’éloigner de l’effervescence du World Tour ne pouvait que l’aider. Sans toutefois y perdre sportivement. La meilleur exemple, c’est Milan-Sanremo. En 2012, dans l’ombre de Boonen, il ne peut absolument pas jouer sa carte personnelle et termine à plus de vingt minutes du vainqueur. Un an après, l’équipe MTN-Qhubeka y est invitée presque à la surprise générale, et c’est l’un des principaux objectifs de la saison pour le natif de Cologne. La suite on la connait, il gagne, prouve que redescendre en Continental Pro n’est pas un mauvais pari et même s’il n’a plus été aussi impressionnant depuis ce jour de mars 2013, il a incité de nombreux coureurs en difficulté à franchir le pas.
Entre formation et paris osés
Au départ, la structure d’Afrique du Sud a malgré tout été forcé de se construire sans être en mesure de piocher dans les équipes World Tour. Si David George, ancien de l’US Postal et de la Barloworld, sert en quelque sorte d’ambassadeur au début de l’histoire, en 2008, ce n’est pas grâce à lui que l’équipe devient une référence. En effet, MTN mise davantage sur la formation de coureurs locaux pour se faire une petite réputation, et dès la première année apparaît une révélation : Jay Robert Thomson. Il fait connaître le nom MTN-Qhubeka, et ce qui était alors une équipe composée uniquement de coureurs sud-africains se prend à dénicher les talents dans tout le continent. On fait venir des jeunes du Rwanda, de Zambie et d’Algérie rien qu’au premier hiver. Avec en prime un Allemand de 36 ans pour les accompagner : Sven Teutenberg. Passé par l’US Postal, Festina ou Phonak, il n’a pas le passé le plus transparent que l’on puisse imaginer, mais il apporte une dose d’expérience indispensable. C’est le début d’une philosophie à long terme chez MTN : des jeunes talentueux entourés de plus anciens capables d’accompagner leur éclosion.
L’équipe marque le pas en 2010, la faute au départ de Thomson et à des jeunes encore en phase d’apprentissage. Mais l’année suivante, tout repart très vite. Reinardt Janse van Rensburg commence à émerger et Daryl Impey est la nouvelle figure de l’équipe. Plus que jamais, les hommes de Douglas Ryder s’affirment comme la référence sur le continent africain. En quatre saisons, ils remportent deux fois le classement par équipes de l’UCI Africa Tour, et 2012 est l’année de la véritable révélation. Janse van Rensburg cartonne, au même titre que Brown ou Tewelde. A la fin de la saison, MTN est promue en deuxième division. Il aura fallu pour cela cinq saisons et un gros travail de formation, mais la reconnaissance est enfin là, et cette promotion va tout changer. A l’intersaison, les dirigeants ne font pas de complexes et piochent chez les grosses écuries : Sergio Pardilla et Ignatas Konovalovas, venus de Movistar, viennent s’ajouter à Andreas Stauff, ancien de Quick-Step. Sans oublier Ciolek, puis Linus Gerdemann et Daniel Teklehaimanot recrutés l’année suivante.
Ces garçons là, plus ou moins proches de la trentaine, sont tous venus pour se relancer après des années compliquées. Ciolek et Gerdemann, très grands espoirs de la dernière décennie, n’ont pas eu les résultats qu’on leur prédisait et cherchaient à se relancer. Ca a marché pour le premier, beaucoup moins pour le second. Pour ce qui est de Pardilla ou Teklehaimanot, un temps annoncés comme de futurs grands grimpeurs, ils n’ont jamais vraiment eu la confiance de leurs formations respectives en World Tour, et cherchaient chez MTN un peu plus de reconnaissance en même temps qu’un rôle de coureur protégé voire de leader. Encore une fois, le pari ne peut pas toujours être gagnant, et s’il l’a plutôt été pour l’Espagnol, ça n’a pas changé grand chose pour l’Erythréen. Mais fort de ses quelques beaux succès, MTN s’est fait une place dans le paysage du cyclisme mondial, comme le montre cette invitation pour le Tour d’Espagne. De quoi attirer Boasson Hagen, Bos et peut-être même Matthew Goss, des sprinteurs en manque de confiance et de succès espérant connaître le même destin que Ciolek.
Garder sa philosophie
Si l’équipe sud-africaine se fait chaque année un peu plus remarquée sur le marché des transferts, elle n’en oublie pas comment elle est arrivée à ce niveau. La formation reste le cœur de la structure, comme en témoignent la présence de coureurs venus de tous les horizons comme Louis Meintjes, Merhawi Kudus, Kristian Sbaragli, Johann Van Zyl, Tsgabu Grmay, Songezo Jim ou Bradley Potgieter. Autant de jeunes pousses qui prennent année après année plus d’importante au sein de la structure qui les révèle au grand jour. Meintjes, qui s’affirme comme le patron de cette jeunesse montante, possède d’ailleurs un palmarès des plus garnis pour un garçon de seulement 22 ans mais déjà champion national et médaillé d’argent aux derniers Championnats du Monde espoirs. Ca vous classe un coureur, et légitime en quelque sorte la formation « made in MTN ». Si le World Tour est donc encore loin, et peut-être pas ce qui pourrait arriver de mieux à l’équipe de Douglas Ryder, MTN s’affirme plus que jamais comme une équipe qui compte sur la scène internationale. Qui l’aurait cru, il y a six ans ?