A 31 ans, Maxime Monfort est de retour en Belgique, après huit saisons d’exil. Ce n’est pas que le pays lui manquait, mais Marc Sergeant lui a offert une belle opportunité. Le Wallon ne l’a pas laissé passer, et sera le coureur protégé de sa formation sur le prochain Tour d’Italie. Un rôle qui le satisfait pleinement, même si du coup, il a dû faire une croix sur la Grande Boucle. Après des années à suivre le même programme, ce transfert amène beaucoup de changement pour le Belge, qui s’est confié à la Chronique du Vélo à quatre semaines du Giro.

« Coureur protégé » mais pas « leader »

Changer d’équipe n’était pas réellement prévu pour Monfort. D’autant que malgré la densité de coureurs au profil similaire chez Radioshack, comme Zubeldia et Klöden, tout se passait bien : « On n’avait aucun problème à cohabiter. On n’est pas tout à fait de la même génération, je suis un peu plus jeunes qu’eux. Du coup, je les regardais à la télé quand j’étais encore adolescent, je les admirais. Et il m’ont beaucoup apporté. » Sauf que « chez Radioshack, il y avait plus d’importance donnée aux classiques et un peu moins aux courses par étapes, même pour Frank et Andy. » Trentenaire et après trois saisons au sein de la structure luxembourgeoise, l’heure du départ avait donc sonné pour le natif de Bastogne. Il y avait plusieurs pistes, mais sans agent, le principal intéressé n’a jamais été très loin dans les négociations. Sauf avec Lotto-Belisol. Marc Sergeant lui proposait un statut de coureur protégé. Ou plutôt, un statut d’équipier de luxe de Jurgen Van den Broeck, et de leader unique en l’absence du Flamand. De quoi satisfaire Monfort, et lui permettre de revenir en Belgique.

Toutefois, ce transfert a changé beaucoup de choses dans la vie professionnelle du Belge. Pas de Tour de France au programme, c’est une première depuis 2007 pour l’ancien pensionnaire de l’équipe Cofidis. « Au début, quand je me suis dit que je ne ferai pas le Tour, ça m’a fait bizarre. » Mais doubler Giro et Vuelta est quand même une bonne occasion de briller pour ce spécialiste des courses par étapes qui semblait être entré dans une certaine routine chez HTC puis Radioshack. « Même si j’adore mon métier, ça fait six ans que je faisais exactement la même chose, et ça fait du bien d’apporter un peu de changement », avoue Monfort. Un programme nouveau, mais aussi un statut dont le Wallon n’a pas forcément l’habitude. Sur la course rose, en effet, il sera le leader de l’équipe Lotto-Belisol, même si, très humble, il nous corrige lorsqu’on utilise ce terme. « Leader, je n’aime pas le mot, parce que pour moi ça désigne les coureurs qui sont capables de jouer la victoire, et ce n’est pas mon cas. Je serai juste le seul coureur protégé sur le Tour d’Italie. »

« Je m’attendais à beaucoup mieux »

Le premier grand tour de la saison, justement, approche à grands pas, et le Belge pourrait appréhender compte tenu de sa faible expérience sur les routes transalpines. Pourtant, il ne s’inquiète pas plus que ça : « Chaque course de trois semaines est semblable pour le corps. Pour moi, il n’y a pas tellement de différence entre les trois grands tours. Globalement, ce qui compte, c’est la deuxième partie : c’est là que la fatigue arrive, que les défaillances apparaissent et que les écarts se créent. Je pars donc sur un grand tour, pas spécialement sur le Giro. » Malgré tout, les dernières éditions ont été le théâtre d’étapes incroyables, dans des conditions dantesques. « J’en suis conscient, et s’il faut, on luttera contre les éléments », conçoit Monfort, qui note tout de même que « les offensives ont plus de chances d’aboutir que sur le Tour. » Malheureusement, sa préparation a été un peu compliquée. Au Tour d’Andalousie, sur Paris-Nice puis au Pays-basque, l’ancien champion de Belgique du chrono a terminé 22e. Bien loin de ses attentes. « Ce n’est pas du tout un début de saison réussi, je m’attendais à beaucoup mieux », confie-t-il.

Cependant, si Monfort refuse de se trouver des excuses ou même des circonstances atténuantes, jugeant qu’il n’y en a pas, ces performances peuvent s’expliquer, au moins en partie. « J’ai fait une coupure beaucoup plus longue que d’habitude l’hiver dernier, parce que j’en avais besoin. Et j’ai opté pour un entrainement un peu moins intensif en prévision des deux grands tours qui m’attendent cette année. Cela peut expliquer une forme moyenne jusqu’à Paris-Nice. » D’autant que le parcours de l’épreuve hexagonale ne correspondant pas vraiment aux qualités du Wallon, peu explosif, ne lui a pas permis de se mettre en avant. Mais sur le Tour du Pays-basque, Monfort l’assure, « la condition commençait vraiment à être là, et c’est très important à quatre semaines du Giro. » Alors avant le grand départ de Belfast, il ne restera au Belge que le Tour de Romandie, où son plan est déjà établit. « C’est difficile parce que l’épreuve se termine seulement quatre jours avant le Tour d’Italie. Du coup je vais courir à fond jusqu’au vendredi, et ensuite, si je suis bien placé au général, je poursuivrais. Sinon, je ferais les deux dernières étapes calmement. »

« La pression est là »

Après une campagne de classiques flandriennes décevante, Marc Sergeant compte plus que jamais sur ses coureurs de grands tours, parmi lesquels Monfort, évidemment. « La pression est là parce qu’à la fin de l’année, les licences World Tour sont distribuées, et que pour l’instant, on n’est pas en ballotage favorable », confie-t-il. Conscient que tout peut changer, avec notamment les ardennaises, le Belge sait aussi que « les points World Tour sont le nerf de la guerre » et que son équipe « en manque cruellement. » C’est pour cela que le Giro s’annonce à la fois crucial pour Monfort et pour son équipe.  Cependant, rien ne sera facile, et le principal intéressé ne se le cache pas. « L’objectif annoncé était un top 10, mais c’était à l’intersaison. C’est toujours le cas mais avec un peu plus de réserve, parce qu’il y aura une concurrence énorme, qui selon moi est égale à celle du Tour. » Malgré tout, le Wallon ne part pas vaincu. « J’ai envie de me présenter à 100% et de me battre avec mes armes », lance-t-il comme preuve de sa détermination.

Parce que le garçon est un battant. « J’ai obtenu mes résultats avec beaucoup de caractère et de travail, je sais que c’est ma force. » Mais alors, cette sixième place sur la Vuelta 2011, le meilleur résultat du Belge sur trois semaines : est-ce de nouveau réalisable ? « Sur la Vuelta oui ; sur le Giro, je me surprendrais moi-même. Mais il y a trois ans, je m’étais déjà surpris sur le Tour d’Espagne », répond-il. Comme quoi rien n’est impossible ; en Italie, en Espagne ou ailleurs. Mais Monfort reste un coureur qui joue les places d’honneur. Alors pourquoi ne pas changer son fusil d’épaule pour viser les étapes ou les classiques, et bénéficier d’un peu plus de reconnaissance ? Le Belge, sur ce point, est clair. « D’un côté, je manque d’explosivité, donc pour jouer les classiques ou les étapes, c’est difficile. Et de l’autre, j’adore les courses par étapes. Me battre sur le long terme, faire mes calculs de gains et de pertes de secondes à gauche à droite sur trois semaines, c’est vraiment ça qui me motive. » Nouveau rôle, nouveau programme, mais une ligne de conduite qui reste la même. Celle d’un coureur modeste et ambitieux à la fois, que l’on pourrait redécouvrir sur la course rose.

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