En voici encore une, de victoire surprenante. Même s’il a remporté il y a quelques semaines le Tour de Catalogne, on n’attendait pas Daniel Martin à ce niveau, capable de remporter Liège-Bastogne-Liège. L’Irlandais, qui succède au palmarès national à Sean Kelly, poursuit également la série des vainqueurs surprises, après Kreuziger sur l’Amstel et Moreno sur la Flèche wallonne.
Une course d’attente, comme on le craignait
La Roche aux Faucons retirée du parcours pour cette 99e édition, on savait que la côte de Colonster, sa remplaçante, ne ferait pas la décision. On espérait donc que la course se décante un peu plus tôt, dans la Redoute. Philippe Gilbert, parfait connaisseur de cette côte, aurait pu y bâtir une possible victoire. Sauf que personne ne prit de risque, et comme on s’en doutait secrètement, tout se passa bien des kilomètres plus loin, dans l’ultime difficulté que représente la côte de Saint-Nicolas. Ryder Hesjedal, dernier échappé, se fit alors reprendre par un groupe composé des meilleurs : Alejandro Valverde, Joaquim Rodriguez, Carlos Betancur, Michele Scarponi et son coéquipier Daniel Martin. Dans les derniers hectomètres de la bosse, Rodriguez prit les devants, conscient qu’il n’avait aucune chance au sprint. Seul un coureur est alors en mesure de le suivre – avec un temps de retard – et il s’agit de Martin.
La suite est alors des plus surprenantes. Au moment où l’on pense voir le natif de Birmingham souffler, il contre presque instantanément. Purito, complètement cuit, ne peut pas le suivre et le laisse filer vers la victoire, à moins de 500 mètres de la ligne. A 26 ans et après un long apprentissage très progressif, le coureur formé chez Garmin lève les bras pour la première fois sur une course d’un jour. Après de nombreuses déceptions sur trois semaines, le voilà donc vainqueur de la Doyenne, sûrement la plus belle épreuve qu’il pouvait s’offrir. Et pourtant, une fois la ligne franchie, le lauréat semblait tout juste satisfait de lui, n’exprimant pas sa joie outre-mesure. Peut-être le signe d’une grande modestie envers ses adversaires du jour, ayant déjà tous prouvé de quoi ils étaient capables. Mais peut-être aussi une preuve que le cousin de Nicolas Roche n’était pas spécialement surpris, sûr de ses qualités et sachant ce dont il est capable. Ce qui induit sans doute qu’on le reverra sur les prochaines campagnes ardennaises.
Gilbert et Astana totalement transparents
Si les hommes présents dans le final méritaient leur place, et n’étaient pas des inconnus, les plus attendus n’étaient pas avec eux. Philippe Gilbert, surtout, a lâché prise très tôt, malgré un gros travail réalisé par son équipe. Présent sans grande réussite sur l’Amstel Gold Race, sa performance sur la Flèche wallonne en milieu de semaine aurait du nous alerter. Mais sur les pentes abruptes du Mur de Huy où il n’a gagné que lors de sa meilleure année, on savait que le champion du monde serait en difficulté. Sauf que même sur sa course de prédilection, ce dimanche, Phil a été transparent. Ne pesant pas du tout sur la course, il a cédé dès les premières accélération des cadors. Une énorme déception, et un deuxième printemps consécutif totalement loupé pour l’un des meilleurs puncheurs du monde…
Mais le Belge n’était pas seul dans ce groupe des battus. Les Astana, avec Vincenzo Nibali, Enrico Gasparotto et Maxim Iglinskiy, devaient mener la course de bout en bout. Il n’en a rien été, et seul l’un des trois a été capable de terminer dans les 10 premiers à Ans. Une très mauvaise utilisation de son surnombre aura donc causé la perte de la formation kazakhe, jamais présente à l’avant, mais pas non plus lors des attaques successives dans les derniers kilomètres. Avec le podium complet du dernier Liège-Bastogne-Liège, on pensait les Astana capables de beaucoup mieux. Mais presque logiquement, ni Iglinskiy ni Gasparotto n’ont pu rééditer leurs performances de l’an passé, et Nibali semble encore loin de son pic de forme, qui devrait intervenir dans quelques semaines. Alors finalement, si ces trois ardennaises ont été ponctué de surprises, c’est donc peut-être parce que les gros bras n’ont pas été au niveau…
Robin Watt