A la tête du MPCC depuis juillet 2007, Roger Legeay n’est pas un retraité comme les autres. Le Mouvement Pour un Cyclisme Crédible prend de l’importance au fil des mois, et le Sarthois avec. A l’heure où Brian Cookson et Craig Reedie arrivent aux présidences de l’UCI et de l’AMA, l’ancien manager général du Crédit Agricole et son mouvement s’affirment comme le parfait complément en matière de lutte contre le dopage. Legeay se confie donc à la Chronique du Vélo, nous livre les raisons du succès du MPCC, et sa vision pour les années futures. Et quand ce grand connaisseur commence son explication, il tient à ne rien oublier. Entretien grand format.
Bonjour Roger. Vous êtes aujourd’hui à la tête du Mouvement Pour un Cyclisme Crédible, un mouvement qui a déjà une certaine notoriété…
Effectivement, c’est un mouvement qui prend de l’ampleur. L’an dernier, on comptait dans nos rangs six ou sept managers, et on approche aujourd’hui des cinquante. On se développe aussi au niveau des sponsors avec LCL ou PMU, qui sont très en vue sur le Tour de France. On a désormais un côté international, on est actifs sur tous les plans. En plus des managers qui s’engagent volontairement sur un règlement très strict, et des sponsors qui participent, on a des fédérations nationales qui ont décidé de nous soutenir et d’adhérer, ainsi que des organisateurs, même si de ce point de vue j’aimerais qu’on en ait plus. Mais surtout, on est très actifs avec les médecins responsables qui eux, sur la base du volontariat, nous permettent de faire de belles choses. On en a réuni à l’assemblée générale une vingtaine, c’est très valorisant pour le mouvement, et ça prouve que ce qu’on l’on fait a beaucoup d’intérêt. Le tout sans animosité, en pensant au futur car c’est dans l’avenir que veut s’inscrire le MPCC.
Le futur, ce sont des décisions fortes où les managers, les médecins, les sponsors, les organisateurs, les fédérations, s’engagent chacun dans leur « contingent » en quelque sorte, à faire des choses. Et surtout, ça ne se fait pas en conflit avec l’UCI ou l’AMA, mais en complément. Parce qu’il y a des choses qu’eux ne peuvent pas faire, comme interdire d’embaucher un coureur s’il a fait quelque chose de grave… Donc on fait des choses en plus, en complémentarité avec ces instances. Et c’est pour cela que nos relations sont bonnes, comme on a pu le voir avec les déclarations du nouveau président de l’UCI Brian Cookson qui a affirmé que le MPCC avait son importance dans la lutte contre le dopage. Ca prouve que sur la base du volontariat – une notion que tout le monde a bien intégré – on peut faire de très bonnes choses.
Cela montre aussi a tout le monde que les dirigeants s’engagent formellement, devant tout le monde… Parce que le MPCC est aussi basé sur la transparence : on dit ce qu’on fait, et on fait ce qu’on dit. Jusqu’à maintenant, tout le monde a respecté nos règles, qui ne sont pas faciles, on le voit bien. Au début on s’est dit « ils sont bien gentils le MPCC, mais qu’est-ce qu’ils vont faire de toute façon ? » Maintenant on voit que l’on fait respecter les règles. Et c’est de toute manière ce que demandent les membres actifs de l’assemblée générale : des règlements stricts et des applications de ces règles. C’est une volonté commune. Que ce soient les fédérations ou les sponsors, ils veulent qu’on soit intraitables sur le sujet, et on l’est. On est donc vraiment poussés pour aller de l’avant, continuer dans ce sens.
L’évolution a donc été très forte ces deux dernières années notamment, avec sept équipes membres la première année, et aujourd’hui 46, dont 11 du World Tour. Comment pouvez-vous l’expliquer ?
Je crois que le cyclisme prôné par le MPCC, sur la base du volontariat et de la transparence, de faire plus et de le montrer à tout le monde, c’est ce que les gens attendaient. Et en plus, on le fait sur des choses pas évidentes comme le licenciement, ne pas embaucher, etc… L’affaire Armstrong a déclenché pas mal de choses, beaucoup de monde a pris conscience qu’il fallait s’afficher et dire que nos équipes s’engagent dans un cyclisme futur avec une vraie volonté de renvoyer une belle image.
En 2013 on a pu voir justement que vous faisiez réellement appliquer vos règles avec les cas AG2R, Rusvelo ou encore plus récemment celui de Pellizotti. Est-ce qu’avant ça, vous avez eu des doutes, des craintes, concernant vos capacités à faire respecter le règlement ?
Non parce qu’avec le MPCC, on est sur la base du volontariat, et c’est ça qui est agréable. Quand on est sur une base réglementaire, avec une loi que l’on peut contredire, il peut y avoir des gens qui ont envie de la contourner. Mais quand on est sur la base du volontariat, il n’y a pas d’excuse. Il y a des règles, on est volontaire pour les appliquer et cela implique qu’on soit d’accord avec. Alors à partir de là, il n’y a pas de problème. Et de ce fait, on n’a pas eu de cas compliqué cette année, à chaque fois les règles ont été appliquées. Alors évidemment ce sont des règles dures, et on pouvait émettre des doutes au début, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec certains.
Mais moi, je n’étais pas très inquiet parce que sur la base du volontariat, si on renie sa parole alors qu’on a dit devant tout le monde qu’on s’engageait… (Il se reprend) On ne peut pas se renier ! Donc on applique les règles. Et je crois qu’en plus, les équipes qui ont eu des soucis, en appliquant les règles, en sortiront grandis. Cela va dans le bon sens. Je crois que l’année 2013, ça a surtout été ça. On a eu de nombreux adhérents, on espère en avoir encore plus, en appliquant toujours nos règles. Pour AG2R par exemple, c’est sûr que Vincent Lavenu n’y est pour rien, mais il a eu deux cas positifs donc il s’est auto-suspendu. Et à la sortie, ça valorise le MPCC mais aussi AG2R, qui respecte les règles. Et pour ça, il n’y a même pas eu à discuter. Quand il y a un problème avec un coureur, le manager vient, s’explique, on applique les règles et point barre.
Ce cas d’AG2R, avec un Vincent Lavenu également trésorier du MPCC, n’a donc pas été difficile à gérer ?
Non pas du tout. Et je n’ai même pas eu de gestion à faire. Le règlement est clair, il a été appliqué. Ce n’est pas agréable, mais quand ça arrive, on le fait. Que ce soit Vincent Lavenu ou un autre… Mais en réalité, ce ne sont vraiment pas des dossiers difficiles, même si ce ne sont pas des dossiers agréables. Cependant il faut se le dire, ce sont des dossiers qu’on aura toujours, parce qu’il faut être modeste, on éradiquera jamais complètement le dopage. Il y aura toujours des athlètes qui voudront se doper de leur côté et essayer de passer entre les mailles du filet. Donc il faut appliquer les règles. Parce que je pense qu’un coureur qui se fait prendre aujourd’hui avec un produit très lourd, il n’a plus rien à faire dans notre sport. On souhaite avoir un cyclisme le plus sain possible, et c’est ce qu’on a démontré cette année. Les observateurs ont regardé, ils nous attendaient et ils ont vu ce que l’on pouvait faire. Tout le monde a compris que le MPCC pouvait aller juridiquement plus loin que l’AMA ou l’UCI. On est la petite lumière vigilante et allumée en permanence.
Cependant, avec son importance grandissante, n’avez vous pas peur que certaines équipes rejoignent le mouvement pour faire comme les autres, sans essayer d’éradiquer le dopage dans leur équipe ?
Personnellement je n’ai pas de problème avec ça, parce que l’objectif est d’avoir le maximum d’adhérents possibles qui s’engagent pour avoir un cyclisme le plus propre possible. Alors si certaines ne veulent pas respecter nos règles, ce n’est pas grave, il n’y a pas d’obligation, ils n’adhèrent pas. Mais ceux qui viennent, ils respectent les règles et c’est tout ! Aujourd’hui, on voit bien avec les équipes qu’on a mis en probatoire pendant un an, qu’elles ont été très efficaces et volontaires, c’était très agréable. Et c’est l’objectif, parce qu’avec le MPCC, on ne veut pas parler du passé, qui est le rôle de la police et des instances. Mais on voulait savoir si on était capable au 1er janvier 2013, de faire appliquer des sanctions et décisions sur la base du volontariat. La réponse a été oui, et certains disent même que c’est une vraie solution, en plus du règlement international. On a une philosophie novatrice qui fait son chemin et qui marche.
Vous avez parlé du soutien que vous a accordé Brian Cookson, est-il plus important que celui de son prédécesseur Pat McQuaid ?
Non pas du tout, on a toujours été très bien perçu par l’UCI, que ce soit par McQuaid ou par Cookson désormais. Ce qui est important, c’est qu’il y a un nouveau président, et qu’il a noté l’importance du MPCC. Nous, on a toujours eu une oreille attentive auprès de tous les acteurs du cyclisme, que ce soit d’ASO, la société organisatrice du Tour, ou de l’AMA. Et c’est favorisé par le fait qu’on connait tout le monde dans le cyclisme. Il y a une vingtaine d’équipes World Tour, une vingtaine de Continentales Pro et environ 80 Continentales. Je pense donc que le volontariat a de grands jours devant lui. Et pour ça effectivement, il faut un règlement clair et précis, qui soit appliqué à la lettre. C’est pour ça que le MPCC, je crois, prend une place très sérieuse dans l’organisation de notre sport.
Enfin, comment espérez et voyez-vous l’avenir du cyclisme ?
Le cyclisme a été chahuté c’est évident. Il a tellement été fait de choses, depuis une dizaine d’années… Avant, il n’y avait pas les prises de sang, il n’y avait que l’urine. On a aussi amené le passeport biologique, la géolocalisation, le système Adams… Tout ce que fait le cyclisme pour crédibiliser son sport et ses performances, c’est impressionnant ! Il est novateur et on le voit bien aujourd’hui dans les réunions, les interviews : tout le monde dit que le cyclisme, s’il n’est pas totalement exempt de reproches, est le sport qui fait le plus d’efforts pour lutter contre le dopage. Et avec le MPCC on va plus loin encore. Aujourd’hui, il faut que tout le monde reconnaisse ça au cyclisme, c’est important et ce serait juste de dire qu’il a eu une période sombre et que désormais, il fait tout ce qu’il peut pour en sortir.
Alors évidemment s’il y a d’autres idées, on est preneurs, mais pour l’instant, je n’ai rien reçu. Et quand on voit notre règlement, mis en place sur la base du volontariat, est-ce qu’il n’y une ligne en trop ? En tout cas, personne ne nous l’a dit ; et personne ne nous a dit non plus il faut rajouter une ligne. Donc actuellement, on ne peut pas faire le reproche au cyclisme d’avoir la main qui tremble, ou de laisser passer des choses. L’avenir du cyclisme s’inscrit donc dans la transparence auquel le MPCC participe. Alors il faut rester modestes, il y aura toujours du dopage, on ne peut pas l’éradiquer complètement. Mais le cyclisme est un sport majeur, et il faut montrer une vraie volonté de changer. Je crois que c’est ce qu’on fait.