Le plus dur n’est pas d’atteindre le sommet, mais d’y rester. Créé en 2010 dans le but de dominer le cyclisme mondial et d’installer un anglais sur la plus haute marche du podium des Champs Elysées, le Team Sky a atteint son objectif encore plus rapidement que prévu. Dotée de moyens financiers impressionnants, Sky a construit son succès autour d’un axe fort : matériel de pointe – management efficace. Car faire cohabiter toute une saison de forts caractères comme ceux de Bradley Wiggins, Christopher Froome et Mark Cavendish n’était pas chose aisée. Au final, chacun a su ranger ses ambitions personnelles de coté le temps d’une saison, afin de faire de « Wiggo » l’homme le mieux entouré du monde. L’Express de Man parti sous d’autres cieux, l’équipe semble désormais tournée tout entière vers les courses par étapes. Ce départ déleste la formation du meilleur sprinteur du monde, et donc d’une quinzaine de victoires sur l’année. Mais il pourrait aussi reconsolider la sérénité de la formation britannique, tant Cav semblait parfois au bord de l’implosion.

Le problème majeur sera donc de faire une nouvelle fois cohabiter Wiggins et Froome. Après deux Grands Tours (Vuelta 2011, Grande Boucle 2012) passées dans « l’ombre » du natif de Gand, « Froomey » aura à cœur de s’émanciper une bonne fois pour toutes d’un leader qu’il juge encombrant. Après avoir promis d’aider son ancien équipier sur le Tour 2013, Wiggins semble désormais vouloir défendre son titre ! Le feuilleton de cette rivalité qui rappelle celle qu’entretenaient Hinault et LeMond n’en est certainement qu’à son commencement. Ajoutez à cela les ambitions d’un Boasson Hagen qui ne demande qu’à éclore, les débuts du prodige Joe Dombrowski et les progrès du duo colombien Henao-Uran, et vous obtenez tous les ingrédients d’une saison qui s’annonce plus que mouvementée mais riche en succès pour les Britanniques.

La recrue : Jonathan Tiernan-Locke

Janvier 2012 : Repéré sur le Tour de Grande-Bretagne il y a quelques mois, Tiernan-Locke s’engage avec Endura Racing, la principale équipe continentale anglaise. Alors inconnu du grand public, le puncheur va se révéler et devenir en quelques mois un des coureurs les plus craints du peloton. En état de grâce, il remporte deux victoires sur le prestigieux Tour du Haut-Var, avant de dominer de la tête et des épaules le Tour Méditerranéen. Stoppé dans son élan par une fracture de la clavicule au printemps, « JTL » revient timidement à la compétition sur les routes du Tour du Sud (22e), puis reprend son rythme infernal : les tours d’Alsace et de Grande-Bretagne tombent dans sa besace. Désigné chef de file de sa nation pour les mondiaux de Valkenburg, le coureur de Plymouth répond présent en terminant au sein d’un peloton des favoris piégé par Philippe Gilbert. Pas mal pour un coureur revenu à la route seulement trois années plus tôt !

Délesté de ses problèmes de santé et de la malchance qui l’a sans cesse accompagné pendant ses jeunes années, Tiernan-Locke se voit récompensé de sa formidable saison par une place au sein de la prestigieuse équipe Sky. Désormais gros travailleur, il a gommé ses défauts physique (4 kg perdus) et tactiques qui l’empêchaient autrefois d’exprimer son potentiel immense de puncheur-grimpeur. Taillé pour les classiques aussi bien que pour les courses par étapes courtes, Tiernan-Locke devrait faire fureur au printemps 2013. Il n’aura sans doute pas besoin de temps d’adaptation. Âgé de 27 ans, il a la maturité physique nécessaire pour lutter avec Philippe Gilbert et les autres sur la Flèche Wallonne ou Liège-Bastogne-Liège, dès maintenant.

Le coureur à suivre : Edvald Boasson Hagen

L’ex nouveau-Merckx peine à se faire une vraie place parmi les coureurs de top niveau. Bon rouleur, bon sprinteur, bon puncheur, bon flandrien… Oui Hagen est complet, mais Hagen ne gagne rien d’important. À 25 ans, et après 7 ans de professionnalisme, faut-il s’en inquiéter ? Sans doute, car le coureur norvégien n’a pas fondamentalement progressé depuis 2009, la faute aux blessures, à un statut d’équipier qu’il trimballe sur quelques courses où il aurait pourtant un rôle à jouer… Résultat, le palmarès de ce talent pur n’est rempli que par les courses les plus honteuses du World Tour : Gand-Wevelgem, Classique d’Hambourg, GP de Plouay et Tour du Benelux.

2013 pourrait bien être enfin son année. Les départs de Cavendish et Flecha lui offrent un boulevard incroyable sur les sprints et les classiques peu accidentées, domaines dans lesquels il excelle bien plus que lorsqu’il essaie de jouer au grimpeur qu’il ne peut pas être. Hagen doit prendre de la graisse, prendre du muscle, aller au charbon et devenir le prochain routier-sprinteur dominant, celui qui supplantera la génération Boonen-Cancellara. La montée en puissance de Sagan a des chances de le freiner mais il est capable d’exister au coté de ce dernier, dans ce qui devrait être le duel majeur du milieu des années 10’.

Les points positifs :

– Un effectif blindé de talent, Froome et Wiggins peuvent sur chaque course compter sur des équipiers de haut vol, formant un train imbattable en montagne.
– Les succès en appellent d’autres, après leur année parfaite, les Sky voudront encore faire mieux en 2013. On attend notamment encore plus des Colombiens Uran et Henao.
– Un recrutement malin, avec des coureurs sous-estimés (Kyrienka, Lopez, Cataldo), et des espoirs (Dombrowski, Boswell, Tiernan-Locke).

Les points négatifs :

– L’Express de Man ne pouvait continuer de courir dans une équipe n’étant pas 100% acquise à sa cause, mais il était important dans le groupe et pour la symbolique. Champion du monde made in UK qui courrait pour la nation…
– La rivalité Froome/Wiggins a jusque là permit à l’un et à l’autre de se transcender, mais le courant pourrait bien s’inverser et plonger le duo dans l’abîme. Ce sera aux managers de trouver la recette magique pour satisfaire l’un et l’autre. Pas une mince affaire…

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