Ils sont rares les Italiens évoluant en World Tour pendant plus de dix saisons sans participer une seule fois au Giro, le rêve de la quasi-totalité des coureurs transalpins résidant dans le port du maillot rose. Luca Paolini fait partie de ceux-là, et il a remis les choses en ordre après l’avènement prononcé des étrangers sur la course rose, qui a empêché quelques locaux de porter la fameuse tunique. A 36 ans, le Lombard vit l’une de ses plus belles saisons, suscitant le plus grand étonnement chez les observateurs.
Il préfère la France et l’Espagne
Luca Paolini n’est pas un coureur qui aime les grands tours. Spécialiste des classiques, sur lesquelles il a eu le plus grand mal à lever les bras, il a même réussi à décrocher un podium sur les Championnats du Monde 2004, au sein d’une formation italienne pléthorique à l’époque. Du coup, les épreuves de trois semaines ont toujours été anecdotiques pour le Milanais, toujours en quête de victoires au printemps. Avec trois participations au Tour de France et autant à la Vuelta, le vainqueur de la Flèche brabançonne – également en 2004 – ne s’y rendait pas très ambitieux. Souvent dans un rôle de sprinteur, il y a décroché des places d’honneur dans les dix premiers de nombreuses étapes, accompagnées d’une seule victoire en Espagne, à Guadalajara en 2006. Un bilan loin d’être mauvais mais qui correspondait parfaitement au coureur : souvent placé mais vainqueur très sporadiquement. D’autant qu’avec l’âge, le Transalpin semblait sur le déclin, parvenant de moins en moins à s’immiscer parmi les meilleurs.
Durant trois saisons, et après avoir connu les joies des grosses formations comme Mapei et Liquigas, Paolini a même dû redescendre à l’échelon inférieur, chez Acqua e Sapone. Trois années qui ne le changent pas vraiment, mais trois années qui lui font prendre conscience qu’il va falloir faire vite pour décrocher quelques belles victoires. De retour dans l’élite en 2011, chez Katusha, l’Italien passe plusieurs fois tout proche de la victoire, sur des courses de seconde zone. La saison dernière marque donc son retour au premier plan sur les grandes classiques, où il termine souvent juste derrière les meilleurs. Puis vint 2013, la saison, enfin, des grandes victoires. Lui qui n’a pas l’habitude de lever les bras l’a déjà fait deux fois cette saison, et sur deux épreuves importantes : en Belgique tout d’abord, sur l’Omloop Het Nieuwsblad. Puis chez lui, en Italie, sur la troisième étape de son Tour national. Le voilà donc en rose pour sa première participation, une découverte que beaucoup aurait aimé connaître.
Il ne devait même pas venir…
Mais si l’Italie a pu voir Paolini porter le rose, c’est parce que la France ne l’a pas vu à son avantage. Il l’explique lui-même : « Il n’était pas prévu que je fasse le Giro, mais après Paris-Roubaix, j’étais un peu déçu et je voulais me fixer un nouvel objectif. » Le Milanais est donc venu uniquement pour quelques étapes pouvant lui convenir. Mais surtout, il s’est rendu au départ de Naples « sans pression particulière, juste avec l’envie de bien faire. » Une décontraction qui est peut-être à l’origine de ce bon début de Giro, et plus généralement de cette saison. Le principal intéressé, lui, y trouve cependant d’autres explications : « J’ai une équipe qui me supporte et au sein de laquelle je me sens vraiment bien. Le groupe est vraiment très bon, il y a une grande cohésion. […] Nous sommes tous très motivés et c’est quelque chose qui donne de la confiance. »
Ce maillot rose, Paolini risque donc de le garder encore un peu. Jusqu’au chrono de Saltara, samedi, où il lui sera impossible de résister à ceux qui le suivent au classement général, à commencer par Bradley Wiggins. Mais déjà, l’ancien lieutenant de Paolo Bettini peut être satisfait. Si tout se passe comme prévu, il aura gardé le maglia rosa cinq jours. Un joli coup de projecteurs sur un coureur trop souvent dans l’ombre. Après avoir couru des années dans les plus grandes équipes du circuit, le voilà au sein d’une Katusha sans leader pour le général sur ce Giro. Aujourd’hui, il ne se soucie donc que d’une chose : profiter. « Je savoure beaucoup ce maillot rose. Mon seul regret est d’avoir attendu mes 36 ans pour l’obtenir, mais j’ai fait des choix de carrière différents. » confie-t-il. Et clairement, on ne peut pas lui en vouloir. Ce maillot rose, il ne l’a pas volé.
Robin Watt