Lance Armstrong continue de hanter le monde du cyclisme.  Qu’on le veuille ou non, il a marqué l’histoire de ce sport et du Tour de France. Mais au moment de regarder le palmarès de la Grande Boucle, le nom de l’Américain n’apparaît plus, rayé des tablettes. Ses Tours n’ont pas été réattribué, et il est encore temps de se demander : pourquoi ? De quel droit subit-il un traitement différent de ses homologues eux aussi dopés, et eux aussi vainqueurs de la plus grande course au monde ? Dans l’Histoire, il y a eu plusieurs types de cas. Mais celui du Texan est inédit. Comme toujours, le Boss est à part.

Les aveux où on ne déclasse pas

Jacques Anquetil était un grand champion, un très grand même. Un homme qui a marqué le sport français par ses performances, le premier coureur à avoir remporté cinq fois le Tour. Oui mais voilà, quelques décennies plus tard, « Maître Jacques » s’est délesté d’un poids moral et a avoué ses fautes : « Oui je me suis dopé. Un champion ne peut pas faire autrement. Ceux qui disent le contraire sont des hypocrites. » A l’époque, le Normand affirmait même qu’il suffisait de regarder ses fesses et ses cuisses pour avoir les preuves de son dopage passé. Ces déclarations ne rappellent-elles pas celles d’Armstrong il y a quelques mois, pour qui il était impossible – du moins à son époque – de monter sur la plus haute marche du podium à Paris sans se doper ? Si Armstrong a sali notre sport, alors Anquetil aussi. Pourtant, vainqueur en 1957 puis de 1961 à 1964, Anquetil l’est toujours. Et il n’est pas le seul dans ce cas…

Bjarne Riis, vainqueur du Tour 1996, a lui aussi avoué quelques années après sa victoires. « J’ai pris des produits prohibés, notamment de l’EPO, pendant le Tour 1996. Cela faisait partie de la vie quotidienne des coureurs cyclistes. » Encore une fois, les déclarations rejoignent celles plus récentes du Texan. Pour le Danois, il y a donc eu discussion, et lui aussi avait été retiré du palmarès, laissant un blanc, le premier de l’histoire. Mais un an plus tard, il s’est vu réintégré, avec une simple mention rappelant son passage aux aveux. Il suffirait alors de ça ? Son coéquipier de l’époque, Jan Ullrich, en a profité pour lui aussi se libérer l’esprit. Il aura attendu quelques années supplémentaires mais voilà l’Allemand entré dans le cercle des dopés ayant avoués. Toutefois, pas touche au Tour 1997, il est la propriété de celui qu’on surnommait « Ulle ». La Telekom a donc volé deux titres sur les Champs-Elysées. Mais visiblement, ça ne choque pas plus que ça, pas plus que pour Anquetil. Donc on leur laisse…

Les flagrants délits où on déclasse

Pour les cas suivants, pas d’aveux. Du moins pas dans un premier temps, puisque Floyd Landis, vainqueur en 2006 puis déclassé, a finalement décidé de lui aussi dire ce qu’il savait. En n’oubliant pas d’égratigner son ancien coéquipier Armstrong au passage, il ne fallait surtout pas être le seul à se faire avoir. Dans l’esprit de Landis, si lui devait rendre son titre, LA devait rendre les sept. Il aura finalement réussi, avec l’aide de nombreux autres témoins, mais à quel prix ! Le concernant, il a déjà fait le deuil de sa victoire depuis longtemps. Après avoir eu droit à la gloire, il a cédé la ligne du palmarès à Oscar Pereiro, un vainqueur dont finalement le grand public ne sait pas grand chose, voire ne connait même pas. Malgré un peu plus de renommée, Andy Schleck doit aussi se mordre les doigts de n’avoir pu conquérir le Tour 2010 comme il l’aurait souhaité.

Après une longue bataille avec Alberto Contador, le Luxembourgeois a perdu, pour 39 petites secondes. Avant que finalement, le Madrilène ne soit contrôlé positif au clenbutérol. Résultat, le cadet de la fratrie est désigné vainqueur de cette 97e édition, qu’il n’estime pas du tout au niveau d’une victoire acquise sur le terrain. Une nouvelle fois, la gloire n’est pas revenue au véritable gagnant. Toutefois, Pereiro en 2006 et Schleck en 2010 ont tout de même eu droit à leur part du gâteau et figurent au palmarès. Les différents dauphins d’Anquetil, Riis et Ullrich n’ont pas cette chance. Ceux d’Armstrong non plus… L’explication ? Il n’y en a pas vraiment, mais il semblerait qu’un contrôle positif soit plus destructeur que des aveux pour le simple intéressé. Il suffirait donc de gagner puis de faire son mea culpa pour n’avoir rien à craindre ? Et bien non, puisque là encore, Armstrong brise les codes.

Le cas particulier d’un homme particulier

Aucun contrôle positif, c’est le bilan que Lance Armstrong s’est tué à défendre de longues années durant. Bon, ça n’a pas suffit, et l’Américain, forcé, a dû passer aux aveux. Comme Anquetil, comme Landis. Mais le résultat est différent. Aujourd’hui, entre 1999 et 2005, c’est comme si personne n’avait gagné le Tour de France. Un blanc de sept ans dans le palmarès qui fait paradoxalement tâche. Parce qu’il avait gagné plus que les autres, parce que sa personnalité pouvait déranger, parce que sa traque avait durée plus de dix ans, parce que tout simplement il était un vainqueur à part, Armstrong a donc eu droit à un traitement des plus durs. Les voix ont beau eu se lever contre lui et le condamner des centaines de fois pour ses actes, l’Américain n’a pas écopé des mêmes sanctions que ses prédécesseurs. Les instances ont mélangé les sanctions habituelles, pas établies clairement, pour sanctionner Armstrong différemment. Mais pourquoi ?

Armstrong s’est dopé, comme Anquetil, Riis, Ullrich, Landis et Contador. Alors pour ces six là, pourquoi la décision n’est pas la même ? Il ne s’agit pas là de dire qu’il faut déclasser à chaque fois ou au contraire ne jamais toucher au palmarès. Mais un dopé est un dopé, peu importe son nom. Désigné depuis des années et encore plus depuis ses aveux comme l’ennemi public numéro un du cyclisme, le Texan n’est-il pas victime d’une injustice ? Alors certes, il y a des prescriptions différentes selon les pays, mais A.S.O, organisateur du Tour, ne devrait-il pas être seul maître des décisions ? C’est leur course et c’est à eux, en quelque sorte, qu’appartient le palmarès. A condition que la règle soit la même pour tous, il serait donc bien plus logique que ce soit à l’organisateur de trancher. Car à n’en pas douter, depuis les premiers aveux et les premiers contrôles positifs, les sanctions se décident à la tête et à la réputation du client. On connait celle d’Armstrong…

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