La Ruta del Sol n’était pour Alberto Contador et Christopher Froome qu’une course de reprise. En plein mois de février, ils n’imaginaient pas que leur retour à la compétition serait épié à tel point. Mais les deux larrons se sont retrouvés sur la même épreuve, et ont déjà offert au monde du cyclisme un premier affrontement épique. Ca promet !

Au dessus de la concurrence

Dès le contre-la-montre initial, la performance de Contador était saluée. Quatrième du jour, il prenait déjà huit secondes à son rival britannique. Un écart qu’il était aussi anecdotique qu’amusant de souligner. Ca ne faisait aucune doute, ce Tour d’Andalousie se jouerait plus tard dans la semaine, lors de l’enchaînement des deux arrivées au sommet, vendredi et samedi. Ca n’a pas manqué. En haut de du col de Hazallanas, le Pistolero marquait les esprits. Parti à plus de sept kilomètres du sommet, l’Espagnol a bravé le froid et l’altitude pour s’imposer en solitaire. Une victoire au panache, comme il nous y a si souvent habitué. Pourtant, à l’arrivée, il expliquait avoir fait l’ascension en grande partie dans l’inconnue. Les motos de télévision et l’altitude ont en effet interféré avec son capteur de puissance, qui ne lui communiquait plus aucune information. « J’ai fait la montée à l’aveugle. Tout ce que je savais, c’est qu’à l’allure où j’allais, ce serait difficile pour les autres de me rattraper », expliquait-il alors au journal L’Equipe.

Il avait raison. Après avoir franchi la ligne avec dix-neuf secondes de retard, Chris Froome a été pris d’une quinte de toux, nécessitant l’aide d’un membre de son staff pour descendre de son vélo et prendre quelques minutes de repos. Mais ça n’a pas empêché le vainqueur du Tour 2013 de se remobiliser. Samedi, vers l’Alto de Allanadas, il a rendu la monnaie de sa pièce à son rival hispanique. Maillot rouge sur le dos, Contador a entamé la montée esseulé, à la merci d’une équipe Sky bien en place. Après le travail de Roche, Kennaugh et Nieve, Froome a donc démarré, à un peu moins de deux kilomètres du sommet. Le Madrilène a tenté de s’accrocher, avant de craquer. A l’arrivée, il concède vingt-neuf secondes, et le maillot de leader pour seulement deux petites secondes. Oui, le Britannique a donc bien renversé la course, et le duel entre deux des meilleurs coureurs du peloton est lancé. Mais surtout, l’avance que comptent ces deux-là sur Beñat Intxausti, troisième à plus de deux minutes et trente secondes, témoigne de l’infime écart de niveau entre Froome et Contador. Ils sont dans une forme similaire, et déjà tellement au dessus des autres.

Un duel surtout psychologique

Se livrer une telle bataille au mois de février, quand la neige n’a pas encore fondu sur les talus des cols espagnols, est assez rare pour que l’on s’y attarde. Alors les deux hommes tentent de minimiser les résultats, avancent qu’ils ne sont qu’en reprise et que leur entraînement a été bien différent. « C’est très dur de rivaliser avec Alberto. […] J’ai encore beaucoup de progrès à faire, mon objectif est d’être vraiment bon plus tard », avançait Froome au soir du coup de force de l’Espagnol. Vingt quatre heures plus tard, son discours était déjà différent : « Mentalement, c’est bien sûr un plus pour moi et mes équipiers », expliquait le Britannique, sans oublier de noter qu’il ne savait « pas du tout quoi [s’]attendre en reprenant la compétition ici ». Une façon de laisser planer le doute sur sa forme actuelle. Bien sûr, son grand objectif qu’est le Tour de France demeure lointain, et Contador, qui vise le Giro, a sans doute intérêt à être un peu plus en avance dans sa préparation. Mais de là à imaginer qu’il ait pu dominer son rival sur une seule jambe…

S’il a d’ailleurs avancé n’avoir pas encore fait de séances en intensité, Froomey n’est pas le seul à vouloir faire croire qu’il n’est pas prêt. Contador affirme haut et fort qu’il a travaillé moins dur cet hiver, dans l’objectif d’être plus frais au départ du Giro, et de pouvoir enchaîner correctement sur le Tour de France. Entre info et intox, difficile de faire la distinction, et ça devrait durer jusqu’à juillet, pour la grande messe de juillet qui verra s’affronter les deux favoris malheureux de la dernière édition. Il n’en reste pas moins qu’au delà de la victoire finale relativement anecdotique, Froome a montré cette semaine sa capacité à renverser une course. Une qualité que l’on connaissait à Alberto Contador, mais beaucoup moins au Kenyan blanc, qui a incontestablement marqué des points sur les routes hispaniques. Au petit jeu des statistiques, sur les courses par étapes que les deux spécialistes ont terminé ensemble, l’Anglais mène d’ailleurs cinq à quatre. Rendez-vous sur Tirreno-Adriatico, dans un peu plus de deux semaines, pour la prochaine manche.

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