Les ardennaises terminées, et il est l’heure de tirer le bilan de ces classique printanières, marquées par les victoires de Philippe Gilbert sur l’Amstel, d’Alejandro Valverde en haut du Mur de Huy, et de Simon Gerrans sur Liège-Bastogne-Liège. Trois vainqueurs différents, mais au terme de courses souvent fades et décevantes. Cependant, en plus des nombreuses déceptions, on trouve quelques satisfactions au terme de cette semaine disputée dans les Ardennes belges et dans le Limbourg néerlandais.

Ils ont fait mieux que prévu

Simon Gerrans : Après avoir remporté Milan-Sanremo au nez et à la barbe de Fabian Cancellara en 2012, l’Australien a remporté son second monument ce dimanche dernier, un peu à la surprise générale. Son meilleur résultat sur la Doyenne était une sixième place en 2009, sans pour autant jouer un rôle et peser sur le déroulement de l’épreuve. C’est d’ailleurs la première fois que le champion d’Australie était réellement en position de remporter le monument liégeois. Souvent considéré comme trop court pour pouvoir jouer la gagner au sommet de la côte d’Ans, le coureur a fait du chemin depuis son passage au sein de l’équipe Crédit Agricole, où il n’était considéré que comme un simple équipier. Au fil des années, Simon Gerrans a étoffé son palmarès d’une manière inattendue, jamais ou presque apprécié à sa juste valeur. Avec en plus une troisième place sur l’Amstel, le leader de l’équipe Orica-GreenEdge a réalisé une campagne ardennaise plus que complète. Il ne lui manque peut-être plus qu’un titre de champion du monde ou une victoire sur la classique néerlandaise pour définitivement rentrer dans le panthéon du cyclisme australien, et mondial. Car Gerro en est bien à cette étape là.

Jelle Vanendert : Après une saison et demie catastrophique – depuis fin 2012 -, peu de personnes croyaient encore au retour de l’ancien lieutenant de Philippe Gilbert. Pour beaucoup d’ailleurs, le voir à l’avant du peloton lors de l’Amstel Gold Race était déjà un exploit. Mais lors de la dernière ligne droite, quand le leader de la Lotto-Belisol rejoint puis lâche le groupe de poursuite, tout le monde tombe des nues. Trois jours plus tard, il réalise une bonne performance sur la Flèche en terminant à une bonne sixième place, malgré une attaque sûrement lancée trop tôt. Qu’importe, le Flamand a accompli une campagne de classiques assez similaire à celle qu’il avait effectuée lors de la saison 2012. Même s’il semble encore trop court pour jouer la gagne sur la Doyenne, revoir Jelle Vanendert à un tel niveau est un motif de satisfaction à part entière pour tous les supporters belges. Reste, pour le coéquipier de Jürgen Van den Broeck, a franchir ce pallier supplémentaire qui lui permettrait de s’imposer comme l’un des cadors des ardennaises. Et pour cela, il faudra peser, ces prochaines années, sur la Doyenne.

Ils ont tenu leur rang

Alejandro Valverde : Avec une victoire sur la Flèche wallonne, une deuxième place à Liège et une quatrième place à Valkenburg, l’Espagnol a fait ce qu’on attendait de lui : remporter une classique et être présent sur les deux autres. À l’instar de l’année dernière, il a pesé sur chaque course, mais cette fois-ci, il en a bel et bien remporté une, chose qu’il n’avait pas fait depuis 2008. Connaissant la montée du Mur de Huy par cœur, il est sorti au meilleur moment, le plus propice. Mais Valverde n’en a pas pour autant fini avec ses vieux démons, puisqu’on peut encore une fois lui reprocher son attentisme. Trop discret sur l’Amstel, il n’a accéléré qu’a une seule reprise sur Liège, dans la descente de la côte de Saint-Nicolas, trop timidement pour mettre en difficulté ses adversaires. Mais cette critique peut s’appliqué à la majorité des favoris et il serait malhonnête de le blâmer sur ce point. Le véritable reproche qu’on pourrait lui faire, c’est qu’il a trouvé plus rapide que lui, qu’il n’est plus la référence dans les sprints en petit comité. Gerrans et Kwiatkowski ont montré le bout de leur nez et il faudra qu’il change de stratégie dans le futur s’il veut remporter un troisième monument. Malgré tout, Valverde a brisé le mauvais sort, en regagnant enfin une classique au niveau World Tour : c’est déjà pas mal !

Philippe Gilbert : A l’instar de Vanendert, on ne l’attendait plus. Plus au niveau sur les classiques depuis son triplé historique en 2011, le leader de la BMC a fait dans le classique, en remportant l’Amstel. Avec son championnat du monde remporté en 2012, c’est la quatrième fois qu’il gagne à Valkenburg. La classique pourrait même être renommée la “Gilbert Gold Race” vu sa domination. Mais outre cette victoire, il n’a pas atteint tous ses objectifs. Très mal placé au pied du Mur de Huy, il n’a pu faire mieux que neuvième sur Liège-Bastogne-Liège, qui était son principal objectif. Mais si l’on y regarde de plus près, outre ses deux meilleures saisons en 2010 et 2011, il n’a jamais été en mesure, physiquement, de remporter le monument wallon. Et pourtant, trop surveillé par les autres favoris, il lui est impossible d’anticiper, à l’instar de son ami Vinokourov en 2005 et 2010. Le bilan du Remoucastrien est donc satisfaisant, mais il lui manque ce petit plus pour être entièrement comblé. Rendez-vous en 2015.

Michal Kwiatkowski : On attendait énormément du champion de Pologne après sa première très bonne campagne de classiques en 2013, et son fabuleux début de saison, déjà ponctué par sept victoires. Il n’a pas déçu. Très à l’aise et rarement mis en difficulté, le jeune champion a été présent sur les trois épreuves de la semaine. Cinquième de l’Amstel, troisième de la Flèche et de Liège, il n’a pourtant pu en remporter aucune. La principale raison ? Son manque d’expérience. Répondant à la seconde près à l’accélération de Samuel Sanchez sur le Cauberg, il s’est grillé tout seul. Pareil sur la Flèche wallonne, où il a directement contré l’offensive de Jelle Vanendert et s’est retrouvé cuit dans les derniers hectomètres, comme ça avait été le cas pour Alberto Contador en 2010. Sur la Doyenne cependant, il ne peut rien se reprocher. Gêné par la malheureuse chute de Dan Martin, il est aussi celui qui a fait le plus d’effort pour recoller sur Caruso et ses poursuivants. De quoi entamer le sprint en mauvaise posture. Toutefois, il a confirmé en une semaine les nombreuses attentes placées en lui, ce qui est souvent le plus difficile à faire.

Ils ont déçu

Joaquim Rodriguez : Il ne peut malheureusement rien se reprocher, mais ses résultats ont été très éloignés de ses attentes. La faute à un pépin physique, comme en 2013. Une blessure à la poitrine, survenue par lors d’chute dès les premiers kilomètres de l’Amstel, a tué tous ses espoirs de victoire sur le triptyque ardennais. Malgré ses déclarations assez optimistes, il n’a pas su retrouver son niveau à temps, au contraire de la saison précédente où il avait été capable de finir à une excellente deuxième position sur Liège, derrière Martin. 70ème de la Flèche et abandonnant sur les deux autres épreuves, après avoir été entre autre lâché dans le Mur de Stockeu, il n’a à aucun moment retrouvé les jambes de son Tour de Catalogne. Ses larmes dans les alentours du bus Katusha après Liège-Bastogne-Liège montrent sa déception de ne pas avoir été en mesure d’être à 100 %, malgré sa préparation minutieuse. Espérons pour le triple vainqueur du classement World Tour que la suite de sa saison soit d’un meilleur acabit.

Les autres favoris : Ces classiques ardennaises ont été le témoin de nombreuses contre-performances de favoris ou d’outsiders, qui n’ont pas été capables de réaliser la moindre bonne performance lors de cette semaine. Le premier d’entre eux est le champion du monde Rui Costa. Loin des meilleurs sur le Cauberg et absent des débats sur le Mur Huy, il a même dû abandonner sur chute sur le monument liégeois. Notons aussi la contre-performance générale de l’équipe Astana. Pourtant habitués à performer sur ces classiques, Vincenzo Nibali, Jakob Fuglsang ou encore Maxim Iglinskiy auront été complètement inexistants, et seul l’italien Enrico Gasparotto a sauvé l’honneur – 8e de l’Amstel, 15e de Liège.  Viennent ensuite les frères Schleck, qui ont été en dessous de tout. Criant aux médias leur amour des classiques ardennaises, ils auront été invisibles et dépassés dans leur propre hiérarchie par le jeune colombien Julian Arredondo. Frank finissant à une piètre 18e place sur la Doyenne, Andy a lui abandonné sur chacune des classiques, la cause à un genou des plus douloureux. Pour finir, c’est Carlos Betancur qui a aussi très fortement déçu. Éblouissant la course par ses accélérations en 2013, c’est un tout autre Betancur qu’on a vu en 2014. Diminué et malade, il n’a rien tenté et fut décroché sur l’Amstel et sur la Flèche, avant de déclarer forfait sur la Doyenne en raison d’une fièvre. On attend que ces coureurs se remettent en question.

Le parcours de l’Amstel Gold Race : Attention, ce n’est pas la montée du Cauberg qui est remise en cause, mais ce qui la précède. Avant les championnats du monde en 2012 à Valkenburg, le duo Geulhemmerberg/Bemelerberg se retrouvait à un peu plus de 60 kilomètres de l’arrivée, alors que le trio final Eyserbosweg/Fromberg/Keutenberg était lui tout proche du but pour servir d’écrémage décisif. Mais tout cela appartient au passé et le trio se trouve depuis l’édition 2013 à plus de 30 km de l’arrivée, alors que le duo Geulhemmerberg/Bemelerberg a pris placejuste avant le Cauberg. Un changement qui bride complètement la course et empêche un écrémage pourtant nécessaire sur une classique pour puncheurs. Face aux 17% du Keutenberg, le Bemelberg et ses 3% fait peine à voir. Pire encore, l’Eyserbosweg, qui était une côte très importante à l’approche du finale, a été remplacé par un Geulhemmerberg, sympathique mais sans plus. C’était, par le passé, la côte où débutait la sélection, à 22 bornes de l’arrivée. Autrement dit le moment idéal pour que les outsiders tentent leur chance. Avec un pourcentage moyen de 7,3% sur 1,1 km avec des passages à 21%, la montée a pourtant de beaux atouts, mais elle est maintenant placée à plus de 40 km de l’arrivée, avant le Fromberg, le Keutenberg, le Cauberg, le Geulhemmerberg et le Bemelberg, ce qui lui ôte tout intérêt. Le tout compromet donc la sélection naturelle et nous amène au pied du Cauberg avait un peloton de cinquante coureurs. En espérant que ce parcours soit revu par les organisateurs, au risque de tout perdre de l’intérêt de la course. Il suffira alors de regarder les trois derniers kilomètres en vidéo…

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