Après maintes polémiques, le final du premier monument de la saison ne sera finalement pas modifié. La Pompeiana, qui aurait dû être la nouveauté du parcours, a vu son revêtement considéré comme trop dangereux par le gouvernement local. Un changement de dernière minute qui devrait re-redistribuer les cartes parmi les candidats à la victoire d’un premier monument de l’année, d’ores et déjà chamboulé.

Retour en arrière

Le parcours de la Primavera n’a connu que deux changements majeurs depuis sa création en 1907, ce qui reste une exception dans le monde du cyclisme. Le premier changement consista d’abord en l’instauration, en 1960, du Poggio comme côte finale, avant de plonger vers la Via Roma. 20 ans plus tard, c’est au tour de la Cipressa de faire son entrée. Mais à la fin des années 90, le parcours commence à faire débat. La suprématie des sprinteurs, et notamment d’Erik Zabel a ses plus belles heures, dérange. La classique serait devenue trop prévisible à en croire ses principaux détracteurs. C’est à ce moment-là qu’on pense à introduire la Pompeiana pour la première fois. La fameuse difficulté fait plus de cinq kilomètres de long, à 5 % de moyenne. À mi-parcours, elle atteint même un maximum de 14 %. Une nouveauté intéressante sur le papier, puisqu’après de multiples observations, les organisateurs ont en tête de remplacer la mythique Cipressa par ladite Pompeiana, qui donnerait une autre dimension au monument italien. Ces pourcentages élevés ne serviraient alors plus uniquement à durcir la course, mais bel et bien à faire la différence, ce qui permettrait aux attaquants de ne plus attendre le Poggio pour tenter leur chance.

Il faut néanmoins attendre onze années pour que les organisateurs ont enfin décidé d’ajouter la Pompeiana, à la place du Manie et sa descente jugée dangereuse, mais aussi responsable des écrémages principaux de ces dernières années, tout en maintenant la Cipressa, au plus grand plaisir des puncheurs. Le money time se concentrerait dans ce nouveau triptyque, sans répit, qui n’aurait laissé aucune chance aux sprinters tels que Cavendish, Greipel ou encore Kittel, et qui aurait forcément entamé les réserves des plus courageux d’entre eux. Mais on assistera bien à un énième coup de théâtre, puisque les pouvoirs publics de la province d’Imperia s’inquiètent de la sécurité des routes et ne peuvent pas garantir la sécurité des coureurs. Des risques de glissements de terrain, provoqués par des fortes pluies sur la Riviera Ligure , y sont pour quelques chose, et ne sont pas sans conséquences.

Casse-tête pour les managers et les coureurs

Le retour au tracé de la saison précédente va rendre fou la majorité des managers, à un mois seulement de l’échéance. Le principal problème de ce retournement de situation concerne la gestion des états de forme et lines-up respectifs. À chaque début de saison, le programme et les objectifs des coureurs sont minutieusement préparés. Les sprinteurs, qui avaient dans un premier temps décidé de faire l’impasse, vont finalement vouloir jouer leur carte, ce qui oblige les équipes à revoir leurs plans et à s’adapter. Des changements qui vont perturber de nombreuses formations, comme l’a affirmé Tom Boonen au micro du Het Laatste Nieuws : “Avec quel type de coureurs les équipes doivent-elles faire leur sélection? Comment doivent-elles mener leur plan tactique ?” Les managers vont devoir faire un choix cornélien entre s’appuyer sur les coureurs initialement prévus, ou bien chambouler la sélection en prenant les éléments les plus à même de briller.

Mais du côté des protagonistes, le retrait de la Pompeiana fait tout autant débat, d’autant plus que la nouvelle difficulté avait suscité la controverse lors de son insertion durant l’hiver. Souvent surnommée  la “Petite Doyenne”,  sa suppression du parcours peut décevoir de nombreux coureurs, notamment les puncheurs. L’exemple le plus frappant est celui du coureur wallon, Philippe Gilbert. Très enthousiaste à l’annonce du nouveau final, le Remoucastrien était déjà parti en reconnaissance la semaine suivante. L’ancien champion du monde a alors eu du mal à cacher sa déception face à la presse ces derniers jours. “Trop de risques ? Trop dangereux pour un peloton de 200 coureurs ? Non. La route est parfaitement praticable, je ne vois pas de raison de changer le parcours.” Outre Gilbert, d’autres coureurs ont été déçu et ont même décidé de renoncer à la Primavera, comme le Britannique Christopher Froome : “Je pensais tenter ma chance car les organisateurs avaient décidé de durcir la course en ajoutant une côte dans le final. Mais finalement, le parcours habituel, moins difficile, est maintenu. Cela n’a plus de sens pour moi de m’aligner au départ à Milan.”

Un quiproquo général qui aura tout du moins le mérite d’entretenir le suspense. Souvent caricaturée comme l’épreuve reine pour un sprinteur, Milan-Sanremo reste une course imprévisible, où chaque effort se paye. Depuis la victoire d’Oscar Freire en 2010, le monument transalpin n’a jamais vu la victoire d’un homme s’imposant au sein d’un groupe conséquent. Le retour tardif de l’enchainement Cipressa-Poggio, avec comme première difficulté la Manie, serait donc peut-être un mal pour un bien. Ce parcours a prouvé par le passé qu’il était le parfait équilibre entre les ambitions des sprinteurs et celles des attaquants qui voudraient jouer les troubles fêtes. Les organisateurs auront une saison supplémentaire pour s’en convaincre, avant de prendre une décision définitive sur le futur de la Primavera.

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