C’est l’un des symboles de la nouvelle école allemande du sprint. John Degenkolb a déjà crevé l’écran à de nombreuses reprises, du Critérium du Dauphiné et ses deux victoires d’étapes en 2011, à Gand-Wevelgem, sa première grande classique acquise en mars dernier. Le natif de Gera a pris le temps de répondre aux questions de la Chronique du Vélo, pour nous expliquer de quoi serait fait son avenir.
Bonjour John. Tout d’abord, revenons sur la meilleure performance que vous avez jusqu’à présent réalisé, c’est à dire votre victoire sur Gand – Wevelgem, que représente-t-elle pour vous ?
Gagner à Wevelgem, cela m’a tiré vers le haut pour la fin de la campagne des classiques en me donnant une confiance maximale. Cela m’a convaincu que je pouvais concurrencer les plus grands spécialistes de ces courses d’un jour, et les résultats étaient évidemment très satisfaisants. Mais c’est aussi une victoire que je dois à l’énorme travail que nous avons produit en équipe durant notre préparation hivernale, où nous avons cherché à atteindre la meilleure voie possible.
Course après course, mois après mois, et année après année, la plupart des observateurs s’accorde à dire que vous êtes davantage un spécialiste des classiques qu’un sprinteur pur. Êtes-vous d’accord ?
Je ne suis pas un sprinteur à la Cavendish, Greipel voire Marcel (Kittel, ndlr). Je me considère comme bien plus qu’un sprinteur. Dans un bon jour, je peux les concurrencer, mais les étapes difficiles qui peuvent se terminer par un sprint en petit comité me conviennent bien mieux que les finals de course où c’est la puissance qui fait la différence. Une partie de mes qualités repose sur le fait que je peux viser la gagne sur des épreuves comme Gand-Wevelgem ou Paris-Roubaix, mais je peux aussi emmener Marcel pour une victoire.
Pourtant, sur les grands tours que vous avez disputé, vous avez remporté de nombreuses étapes…
Je préfère tout de même les classiques. Pour avoir disputé un Tour de France l’an passé, j’ai pris conscience des exigences de cette course, qui est assurément la plus dure du calendrier. Il faut un mental d’acier et s’être préparé spécifiquement. Ce n’est pas un grand souvenir.
Connaissant vos qualités et vos ambitions, le Milan-Sanremo 2014 amputé des difficultés annoncées aurait dû vous convenir, mais finalement, vous avez terminé 39e. Une déception ?
Les circonstances de ce Milan-Sanremo ont conduit à une certaine déception, oui, car lorsqu’on est placé à l’avant du peloton sur la totalité de la plus longue épreuve du calendrier, il est rageant de crever au plus mauvais moment. Cela peut ruiner les derniers kilomètres, et évidemment je n’étais pas heureux à l’arrivée, mais c’est la course, et j’ai su rebondir par la suite.
En 2014, vous avez décidé de prendre part à un maximum de courses se déroulant en France, comme le GP la Marseillaise, le Tour Méditerranéen, celui du Haut-Var, avant d’entamer Paris-Nice. Pourquoi ?
J’ai décidé de courir en France pour préparer la période des classiques. Les routes et les conditions étaient assez similaires à ce dont je devais m’attendre et j’ai surtout pu disputer ces courses avec les coéquipiers qui étaient autour de moi sur les classiques en question. Il est important de pouvoir se rôder entre nous et d’être organisés du mieux possible dans les moments clés.
Aujourd’hui, vous êtes aux côtés d’André Greipel ou encore Alejandro Valverde l’un des coureurs ayant le plus gagné depuis le mois de janvier. Pensez-vous pouvoir atteindre la barre des 20 succès cette saison ?
Je pense que c’est possible, mais ce n’est pas du tout quelque chose qui me préoccupe. Avec l’équipe, je cible les objectifs au jour le jour et cherche le meilleur moyen pour être en grande forme au bon moment, plutôt que d’être un sprinteur sur toute la saison. Le nombre de victoires au compteur est un motif de satisfaction, mais il est loin d’être essentiel.
Pensez-vous être capable de remporter un Monument dans les années à venir ?
J’ai montré cette année en prenant la deuxième place de Paris-Roubaix, et en étant compétitif sur la plupart des classiques majeures, que je pouvais m’imposer sur l’une d’entre elles. C’est d’ailleurs mon rêve. Mais je suis encore jeune et j’ai le temps d’y arriver, d’autant que j’ai un grand soutien en interne. L’équipe sait tout ce dont j’ai besoin pour y parvenir, au niveau physique notamment. J’ai encore beaucoup appris cette année, en me positionnant par exemple le plus possible à l’avant, et mon printemps 2014 sera bénéfique pour les prochaines saisons.
Vous avez aussi terminé quatrième d’un Championnat du Monde à Valkenburg en 2012, avec un final difficile. Est-ce possible de vous voir lutter pour la gagne sur l’Amstel Gold Race, ou sur Liège-Bastogne-Liège à long terme ?
Je pense que viser la gagne sur l’Amstel n’est pas impossible, c’est même clairement réalisable avec une condition optimale, mais ce n’est pas possible selon moi d’être au top depuis Milan-Sanremo jusqu’à l’Amstel. Ou alors il faudrait faire l’impasse sur le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, qui sont des courses beaucoup trop importantes pour moi.
Avant de vous engager dans la filière Giant, anciennement Argos et Skil, vous avez connu la structure HTC Columbia. En quoi votre environnement actuel vous apporte-t-il la meilleure approche possible quant à vos objectifs ?
J’ai en réalité appris un maximum de choses avec le projet Argos. Chez HTC, nous n’avions pas les mêmes préoccupations, et c’était ma première équipe professionnelle, je me concentrais plutôt sur les valeurrs sportives, l’esprit d’équipe, le relationnel… Si j’ai choisi fin 2011 le projet d’Iwan Spekenbrink, pour qui j’ai beaucoup d’estime, c’est bien pour le caractère du projet qui ressemble énormément à ce qui me correspond. Il est assez proche du modèle HTC, mais en plus enrichissant en ce qui me concerne.
Une cohabitation entre grands noms du cyclisme est toujours compliquée. Mais entre vous et Marcel Kittel, on a l’impression que tout se passe à merveille, aussi bien en course qu’en dehors. Qu’en est-il ?
Nous réussissons tous individuellement bien, et nous nous connaissons parfaitement. On sait si l’un est capable de tirer son épingle du jeu lors d’un final de course particulier, aussi bien pour lui que moi. Nous évoluons pour les mêmes couleurs depuis quelques années, et nous nous comprenons vraiment bien, c’est l’essentiel. Sans ça, je ne pense pas qu’on en serait arrivé à un tel stade d’amitié et de succès.
Le début de saison a justement été difficile pour Kittel. Dans quelle mesure pouvez-vous l’aider dans la compétition, malgré une opposition de style ?
Nous n’avons que très peu couru ensemble cette année, mais nous nous côtoyons et entraînons ensemble quelque fois. L’entraide est de rigueur entre nous, on doit stimuler l’autre, c’est comme ça que je vois mon rôle dans l’équipe, et vis-à-vis de Marcel.
Giant-Shimano doit donc faire avec deux têtes d’affiche du sprint mondial. Mais n’avez-vous jamais eu l’envie de vous lancer en tant que leader unique ?
La manière dont nous travaillons chez Giant est la même pour tous et nous essayons d’adapter la méthode à chacun de nous en fonction des qualités individuelles. Gagner suite à une performance collective est aussi plaisant qu’une victoire en solo, et cela sert à souder le collectif.
Pour finir, vous avez 25 ans. Quels sont vos priorités pour les années futures, s’imposer sur un Monument, un Mondial, remporter un classement par points sur un grand tour ?
Pour être honnête, entre les Mondiaux et les Monuments, je ne fais pas de distinction, ce sont mes plus grands objectifs. Je n’étais pas loin de gagner au Vélodrome de Roubaix cette année et je peux encore faire mieux. Je dois saisir les opportunités qui se présenteront encore, et répondre aux attentes.