Il y a trois semaines, celui qui aurait ne serait-ce qu’émis l’hypothèse de voir deux Français sur le podium du Tour de France aurait été pris pour un fou. Légitimement. Pourtant, au terme du contre-la-montre final entre Bergerac et Périgueux, Jean-Christophe Péraud et Thibaut Pinot ont réussi l’exploit. Ce dimanche, ils accompagneront Vincenzo Nibali sur la boîte, à Paris. Chapeau messieurs.
30 ans après
Deux tricolores sur le podium de la Grande Boucle, ce n’était plus arrivé depuis 1984, quand Bernard Hinault avait décroché son cinquième Tour devant Laurent Fignon. Du coup, on se retrouve à en oublier que Romain Bardet vient de terminer sixième, et que sans une crevaison malvenue à deux kilomètres de l’arrivée du chrono, il aurait sauvé sa cinquième place. Une performance pour laquelle on se serait enthousiasmé avec joie et démesure il y a encore quelques années, et qui finalement, est éclipsée par le duo Péraud-Pinot. Un incroyable duo, qui n’a jamais faibli, passant Vosges, Alpes et Pyrénées sans encombre quand les rivaux lâchaient un à un de précieuses minutes. Alors oui, Froome et Contador ont abandonné et le haut du classement est devenu un peu plus accessible. Mais encore fallait-il mettre à mal Mollema, Van Garderen et Valverde, plus habitués que nos Français aux places d’honneur. Et ils l’ont fait !
Jusqu’au bout, on a retenu notre souffle, car on n’imaginait pas Pinot résister à Valverde sur les 54 kilomètres au programme ce samedi, parce qu’aussi Péraud a crevé, ajoutant un peu de tension dans cette fin d’épreuve. Mais finalement, ils sont bien là. Le Toulousain deuxième, le Franc-Comtois juste derrière, ils n’ont rien à se reprocher sur ces trois semaines de course. Chacun leur tour, dans la montagne, ils ont même réussi à accrocher la roue du roi Vincenzo Nibali. Qui l’aurait cru, il y a trois semaines ? Même pas les principaux intéressés, presque surpris eux-mêmes d’avoir décroché ce podium tant inespéré. Alors de là à dire qu’on a trouvé les successeurs de Hinault et Fignon, il y a un pas qu’il ne faut surtout pas franchir trop vite. Mais la France a au moins retrouvé des coureurs capables de jouer le podium sur un grand tour, et rien que ça, ça faisait très longtemps qu’on l’attendait.
13 ans d’écart, le même podium
Sur les Champs-Elysées, on trouvera donc Jicé à la droite de Nibali, et Pinot à la gauche du Sicilien. Entre les deux Français, treize ans d’écart, des qualités différentes, mais un même rêve qui se sera réalisé en ce mois de juillet. Comme quoi le cyclisme tricolore ne compte pas que sur ses jeunes : tout le monde a son rôle à jouer dans ce renouveau si longtemps annoncé, et qui enfin pointe le bout de son nez. Parce que la France est un pays de vélo, et que ne pas voir de coureur représenter la nation sur le podium du Tour depuis dix-sept ans semblait être une anomalie. Alors oui, on nous parle de « nouvelle génération », ou de « génération sacrifiée » durant les années noires. Tout est-il si beau, on ne le sait pas vraiment, il faut attendre d’avoir un peu plus de recul pour se prononcer. Mais en tout cas, le bonheur ne peut que nous envahir, adeptes de la Petite Reine, lorsqu’on vit un tel Tour de France. Car quoi qu’on en dise et malgré les absents, on a vibré. Grâce à Nibali, c’est vrai. Mais aussi et surtout grâce aux Français. Alors merci à Thibaut et Jean-Christophe. Et aux autres, Romain en tête, parce qu’il mérite tout autant qu’on se souvienne de son résultat, même si la dure réalité du sport fait que malheureusement, ce ne sera pas aussi vrai que pour les deux autres.