Il y a quelques années, on parlait de lui comme d’un grand espoir du cyclisme français. Thibaut Pinot, depuis, a répondu présent, se faisant une place parmi les patrons du peloton quand la route s’élève. Ainsi, même s’il a réussi un bon début de saison, le meilleur grimpeur français nourrit de plus grandes ambitions pour l’année 2016. Ses progrès en contre-la-montre, ses rivaux pour le Tour, son avenir alors qu’il est en fin de contrat et son amour pour les courses italiennes, il dit tout à la Chronique du Vélo.

Sur Tirreno, vous avez terminé à une belle cinquième place. Mais il y de quoi avoir quelques regrets avec l’annulation de l’étape reine…

Oui forcement, il y a des regrets. J’étais en très bonne forme et il y avait vraiment de quoi faire mieux que la cinquième place. Je pense que le podium était largement accessible. Il y aurait certainement eu une belle bataille avec Nibali, Van Garderen et Valverde.

On a pu remarquer sur cette semaine vos progrès dans l’effort solitaire. Au niveau du placement et en descente, il y a aussi du mieux depuis un moment. Peut-on vous attendre aussi complet qu’un Contador ou un Nibali dès cette année ?

Que Contador ou Nibali peut-être pas, ils ont déjà la trentaine et une certaine expérience. Mais petit à petit j’efface mes défauts, je deviens plus complet. Que ce soit sur les contre-la-montre ou dans les étapes faites pour les puncheurs, c’était un peu plus compliqué pour moi les années précédentes. Pour autant, même si je progresse dans ces domaines, je ne pense pas perdre mes qualités de grimpeur. Surtout que pour le chrono et la descente, je pense qu’au-delà du travail, c’est aussi une question de mental et de constance. Quand j’enchaîne les bons résultats, ça m’aide à être plus serein dans ces exercices.

Votre très bon Tour de Lombardie en fin de saison dernière, où vous avez terminé troisième, va-t-il vous pousser à tenter les classiques ardennaises dans les années à venir ?

Pour cette année je n’ai pas changé de programme : l’objectif du mois d’avril, c’est le Tour de Romandie. Surtout que cette saison, il y a de belles arrivées au sommet, parfaites pour moi. Après, pour le futur, je suis tenté d’aller sur Liège Bastogne Liège. C’est une course bien adaptée à mes caractéristiques.

Gagner Liège, ce serait un rêve ?

Non, j’ai toujours davantage rêvé des courses par étapes. Et puis, au niveau des classiques, je suis plutôt Tour de Lombardie. Après, Liège, c’est l’une des très grandes classiques, un des cinq Monuments de la saison, donc j’espère vraiment y briller avant la fin de ma carrière.

Après deux belles années, vous n’avez pas peur de vous relâcher un peu, inconsciemment ?

Ce n’est pas dans mon caractère de me relâcher. Je cherche toujours à faire mieux. Le jour où je me relâche, j’arrête le sport de haut niveau ! Donc ça ne risque pas d’arriver, ce n’est vraiment pas dans mon tempérament.

Alors quels seront vos adversaires cette année sur le Tour ?

C’est toujours les mêmes. Si Nibali vient, il faudra composer avec le « quatuor des favoris ». Quintana sera là, Contador sera très fort et Froome reste incontournable. Ces quatre coureurs là sont encore au-dessus de moi et du reste du peloton. Et parmi eux, Froome est celui qui fait le plus peur. C’est le meilleur coureur du monde en ce moment et il roule dans la meilleure équipe du monde donc forcément, tout le monde le craint. Ce qui n’empêche pas que pour cette année, j’espère l’embêter davantage en montagne que l’été dernier, où j’avais été très gêné par la chaleur. D’ailleurs, ça serait idéal d’avoir un mois de juillet un peu plus frais. Si tout va bien, j’espère accrocher le podium, comme en 2014, avec pourquoi pas une victoire d’étape. Il faut avoir de l’ambition.

Et en plus de ce podium sur les Champs, il y a d’autres objectifs dans votre esprit ?

Cette année je veux continuer à progresser sur les courses d’une semaine et j’aimerais beaucoup aller à Rio pour faire les Jeux Olympiques. C’est vraiment important pour moi car ça ne se déroule qu’une fois tous les quatre ans et en plus cette année, c’est un parcours pour grimpeur. Je pense avoir ma chance. En tout cas, si je suis sélectionné, ce sera une superbe opportunité pour rencontrer d’autres sportifs.

Dans les années à venir, la génération 90 (Aru, Quintana, Dumoulin, Bardet…) semble être amenée à dominer les grands tours. Une hiérarchie est-elle déjà établie ?

Le meilleur pour l’instant, c’est Quintana. Il a le plus gros palmarès, il a gagné un grand tour et il est au dessus de nous pour le moment. Derrière c’est assez ouvert. Même si Aru a gagné une Vuelta. Parce qu’il faut quand même rappeler que Quintana et Aru ont eu la chance d’avoir pour objectif principal le Giro ou la Vuelta. C’est quand même plus accessible que le Tour. On verra ce qu’ils vont réaliser en juillet cette année mais à l’avenir, c’est sûr, ce seront des concurrents de choix. Avec Romain (Bardet, ndlr) on est rivaux sur les courses mais en dehors on s’entend vraiment bien, lui c’est un bon adversaire comme on dit. Enfin, Tom Dumoulin sera sûrement un bon concurrent sur certaines éditions. Sur la Grande Boucle, où le contre-la-montre a souvent un rôle à jouer, il sera l’un des adversaires les plus dangereux. L’an passé, sur le Tour de Suisse, il m’a battu grâce à ses qualités de rouleurs donc je m’en méfie.

Vous parlez de « chance » d’avoir pour objectif le Giro, en avez-vous discuté avec Marc Madiot ?

On en a parlé, il sait que j’apprécie de courir en Italie. J’aime le Giro car cette course représente le vélo que j’affectionne. Mais attention, c’est très spécial, avec beaucoup de pièges et je pense qu’il faut la faire plusieurs fois pour vraiment s’imprégner de ses routes et être compétitif. On sait que le Giro est très éprouvant, donc il est difficile de doubler Giro-Tour. Et de toute façon, je ne peux pas contester les choix de l’équipe, je suis un coureur français dans une équipe française donc mon objectif est naturellement d’être sur le Tour de France. Et puis bon, le Tour de France reste la plus grande épreuve du monde. Mais peut-être que dans l’avenir je pourrais aller sur le Giro pour y chercher un résultat.

En parlant d’avenir, vous êtes en fin de contrat cette année. Pourrions-nous, un jour, voir Thibaut Pinot dans une équipe étrangère, comme Pierre Rolland cette année ?

C’est une question d’opportunités et d’objectifs, donc pourquoi pas. Je ne ferme aucune porte, aucune. Mais pour l’instant, j’ai une saison importante à faire donc j’essaie de ne pas perdre mon énergie à penser à ça.

Partir pour devenir équipier de luxe dans une très grande équipe, est-ce une option ?

Non, j’ai pris goût à mon rôle de leader, c’est dans ce rôle que j’ai envie d’évoluer, de progresser. Il y a quelques années, j’aurais bien aimé être un équipier de luxe auprès d’un grand leader, mais aujourd’hui je suis dans une optique différente. Je veux avoir des résultats moi-même.

La FDJ a une génération dorée avec vous, Arthur Vichot ou Arnaud Démare. Jusqu’à maintenant, vous avez le plus beau palmarès (l’entretien a été réalisé avant Milan-Sanremo). Le trio va t-il se mettre à briller ensemble ?

Pour l’instant j’ai une belle carrière, je réponds aux attentes. Mais Arnaud Démare va vite confirmer, vous allez voir (il ne croyait pas si bien dire, ndlr). Quant à Arthur, il a eu des soucis de santé mais il revient très fort. Que ce soit moi ou l’équipe, personne ne s’inquiète de leur niveau. La FDJ est bien partie cette année, on est sur une belle dynamique pour faire une belle saison. Et nous trois, une belle carrière.

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