On s’y attendait depuis quelques mois déjà, Juan Antonio Flecha, 36 ans, a décidé de prendre sa retraite. C’est une figure importante et un coureur au profil atypique qui quitte la planète cyclisme. Retour sur une carrière où les places d’honneurs furent légions.

Un attaquant né

Né en Argentine, c’est au début des années 2000 que Juan Antonio Flecha commence sa carrière professionnelle au sein de l’équipe Fuenlabadra. Ce fut pour lui une entrée en matière progressive avec une équipe aux consonances très latines, des coureurs qui se connaissent et qui s’apprécient. parmi eux, le jeune ibère se révèle comme un attaquant né. Discret mais talentueux, il n’hésite pas à braver les idéaux du XXIè siècle instaurés par l’oreillette, en attaquant à des moments inattendus, et ce non sans intelligence de course. Il s’impose en 2000 sur le Tour d’Aragon, et sur la Bicyclette Basque, course révélatrice de talents – souvent espagnols – tels que Roberto Heras ou Haimar Zubeldia. Il ira gagner une étape, comme à son habitude, en solitaire.

Juan Antonio Flecha prend alors la poudre d’escampette et s’en va chez iBanesto.com, à l’échelon supérieur. Une bonne nouvelle puisqu’il peut coupler son rôle d’équipier avec celui de classicmen, et d’attaquant naturel. C’est en 2003, il y a plus de 10 ans, que la Flèche se révèlera être un sacré coureur de classiques. 25è de Paris-Rouabix, il montre ainsi des prédispositions sur les épreuves pavées, alors qu’on l’attendait plutôt sur les classiques vallonnées. Ces qualités tranches avec sa pointe de vitesse au sprint réputée ridicule, et son manque de tact lorsqu’il s’agit de battre quelqu’un en échappée. Cette limite dans son panel de qualités lui coûtera une victoire sur la Vuelta 2002, battu par son équipier Santiago Blanco. Heureusement, l’année suivante, il parviendra à s’adjuger une étape sur le Tour de France, la seule qu’il obtiendra sur une course de trois semaines.

Classicmen et équipier à la fois

Le natif de Junin rejoint en 2004 Fassa Bartolo, aux côtés des futures stars du cyclisme que sont Fabian Cancellara ou Filippo Pozzato. Il confirme à leur côté qu’il est un grand coureur de classiques, terminant septième puis deuxième de Gand Wevelgem en 2004 et 2005 et surtout troisième de Paris Roubaix, également en 2005. L’Espagnol ne peut plus se cacher, et a un grand avenir devant lui. Avec une cinquième place en Coupe du Monde lors de cette saison aboutie, Flecha affiche une régularité rare dans ce genre de courses, même si ses exploits sont cette année là occultés par la toute puissance de Fabian Cancellara.

Parce que ce qu’il lui manque, c’est cette culture de la gagne qu’il ne s’est jamais forgé dans les catégories de jeunes. Exemple simple avec ce Gand Wevelgem 2005 où il sera battu sur la ligne, au sprint, par Nico Mattan. La Flèche, bien que longue, a toujours manqué de ce piquant, de cette méchanceté qui fait un bon coureur un très grand. Il reste cependant un coureur très régulier et sympathique, avec un caractère bien présent. En 2008 il pique le drapeau américain d’un fan qui est en train de courir avec lui. Même s’il est voué à un rôle d’équipier à vie (qu’il acceptera volontiers chez Rabobank, dès 2006), le garçon est donc une personnalité du peloton, un homme qu’on respecte.

Malgré tout, de Fuenlabrada à Vacansoleil, Flecha a toujours obtenu des résultats. Paris-Roubaix était son paradis à lui, il y termina quatrième en 2006, second en 2007, sixième en 2009, troisième en 2010, neuvième en 2011, quatrième en 2012 et huitième cette année. Un palmarès auquel il manque une victoire, comme souvent chez l’Espagnol. Abandonnant au fil des ans ses qualités lorsque la route se cabrait au profit de sa capacité à tenir sur les pavés, il est devenu l’un des spécialistes des flandriennes, chaque année annoncé comme rival de Boonen et Cancellara. Mais manquant de punch, il n’a jamais pu lâcher le Belge et le Suisse pour aller s’imposer sur le vélodrome du Nord, et ne restera sûrement pas dans les annales à long terme. Qu’importe, nous, on se souviendra d’un coureur très vaillant, qui s’est éteint peu à peu pour laisser le souvenir d’un baroudeur talentueux, équipier modèle et surtout, au mental exemplaire.

Etienne Jacob

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