Les Pays-Bas attendaient Niki Terpstra, Cannondale soutenait Sebastian Langeveld, les apôtres du jeunisme espéraient le Belge Tiesj Benoot. Pourtant, c’est bien Dylan van Baarle, 23 ans, néerlandais et de l’équipe américaine qui a terminé à la sixième place du Ronde. De quoi faire de l’espoir batave un sérieux outsider sur les pavés.
Un éclair dans la nuit de Cannondale
« Je savais que je réussirais sur cette course. » A Audenaarde, Dylan van Baarle avait peut-être oublié sa modestie sur le parcours du 100e Tour des Flandres, mais pas son talent hors norme. A seulement 23 ans, le Néerlandais a impressionné pour sa deuxième participation seulement. Il a fini assez frais pour disputer le sprint du troisième groupe, uniquement devancé par le tenant du titre Alexander Kristoff et l’étonnant Luke Rowe. Une véritable surprise au regard du début des flandriennes de la Cannondale, car il y a une semaine seulement, toute l’équipe ou presque était malade. Un virus a empêché la formation américaine de jouer son va-tout sur le GP E3 puis sur Gand-Wevelgem. Illustration du désarroi : aucun des coureurs de Jonathan Vaughters n’a rallié l’arrivée à Wevelgem. L’écurie Yankee avait de quoi être dépitée par ce début de printemps. Même les leaders Matti Breschel et Sebastian Langeveld, cinq tops 10 à tous les deux sur le Tour des Flandres, étaient touchés au point d’hésiter à prendre le départ. Finalement, l’un a abandonné, l’autre a terminé 114e. Il fallait donc un miracle, il a été signé Dylan van Baarle. Mais si le gamin souriait à l’arrivée, il n’oubliait pas le dur labeur effectué par ses coéquipiers malgré la maladie : « Nous avons bien réussi à nous regrouper, nous ressouder malgré tout pour attaquer le monument. » Un hommage appuyé, alors même qu’il s’est trouvé isolé avant les derniers secteurs pavés. Le jeune homme a l’esprit d’équipe, et ses coéquipiers le lui ont bien rendu après la course, chacun s’arrêtant pour le féliciter.
Retrouver l’enfant de Voorburg (en Hollande) à ce niveau s’inscrit malgré tout dans une certaine logique. Quand il passe pro en 2014, le Néerlandais de 1m87 est déjà considéré comme un crack. Il a accroché à son palmarès de nombreuses victoires chez les jeunes puis sous le maillot de l’équipe réserve de Rabobank, entre 2011 et 2013. Il domine la catégorie espoir du pays en cumulant titre national sur route et sur l’épreuve chronométrée. Sa polyvalence et sa puissance éclatent au grand jour. Mais il est à l’époque davantage considéré comme un bon rouleur que comme un homme de classique. Rien d’étonnant alors à ce qu’il signe chez Garmin, équipe de contre-la-montre par excellence. Et dès 2014 il surprend. Il rentre dans les dix premiers du Tour de Dubaï, sa première course en tant que professionnel, puis remporte sept mois plus tard le Tour de Grande-Bretagne devant le futur champion du monde Michal Kwiatkowski et le tenant du titre Bradley Wiggins. Rien que ça. Une victoire qui tient autant de sa malice (il s’offre presque une minute d’avance grâce à une bonne échappée) que de son talent dans l’effort solitaire (il termine onzième du chrono final). Au championnat du monde de la spécialité, il se classe d’ailleurs dizième, une performance rare pour un coureur de 21 ans. Puis c’est en 2015 que les pavés découvrent le talent du batave. Sur A Travers la Flandre, le Hollandais termine à une brillante troisième place. Son bon comportement sur l’Eneco Tour ensuite (avec encore un podium d’étape) force l’admiration de son manager, Jonathan Vaughters, qui au moment de dresser le bilan en fin de saison, lâchait sûr de lui et avec simplicité que « Dylan est un talent exceptionnel. » De quoi nourrir quelques espoirs pour 2016, où la maladie qui a touché ses leaders a terminé de le propulser en haut de l’affiche.
Le futur pavé des Pays-Bas ?
Pays spécialiste s’il en est, les Pays-Bas n’ont, depuis 30 ans, remporté que deux monuments pavés : Roubaix par deux fois, avec Knaven en 2001 et Terpstra en 2014. Loin de l’âge d’or orangé qui avait vu les bataves remporter cinq Tours des Flandres entre 1979 et 1986. Reste à savoir si ce trou générationnel pourrait prendre fin avec Dylan van Baarle. Sa performance de dimanche, aussi belle soit-elle, est à relativiser. En anticipant les débats, il est rentré dans un top 10 déjà plein de surprises, avec Erviti et Claeys. Ne pas s’enflammer doit dès lors s’ériger en maître-mot. Attendons Paris-Roubaix pour le voir confirmer, au moins un peu. D’autant que l’Enfer du Nord, pour l’instant, ne lui réussit pas du tout. L’an dernier, il avait terminé 133e. Faire mieux ne sera pas trop difficile, faire bien nécessitera d’accrocher les meilleurs. Pourquoi pas être au niveau de ses compatriotes habitués de la Trouée d’Arenberg ? Niki Terpstra (31 ans) et Lars Boom (30 ans) ne sont pas encore des vieux briscards, mais si van Baarle tient le rythme de ces deux ténors du peloton, le relais du pavé hollandais pourra être donné sereinement dans les années à venir. Loin de ces considérations nationales, Cannondale, qui a prolongé son coureur cet hiver, perçoit en tout cas ce résultat comme la genèse de la prophétie faite par Vaughters le jour de ce renouvellement : « Il va continuer à progresser et nous savons qu’il a un grand avenir. »