En 2013, le Pistolero avait buté sur un Christopher Froome imbattable. A force de tenter, il avait même fini par tout perdre, achevant le 100e Tour de France au pied du podium. Mais cette fois, les conditions sont bien différentes. Plus fort et donc plus en confiance, il a légitimement l’ambition de faire tomber le Britannique. Il en a les capacités.
Pourquoi il gagnera le Tour
Parce qu’il a déjà battu Froome. Si les outsiders ne sont pas à oublier dans la course au maillot jaune, on s’attend assez logiquement à un duel entre l’Anglais et l’Espagnol. Et à ce jeu là, Alberto Contador part avec un petit avantage conquis sur le dernier Dauphiné. Une situation totalement contraire à celle d’il y a un an. En effet, sur l’épreuve savoyarde, le leader de la Sky a chuté, puis a craqué. Alors si le Madrilène n’est pas monté sur la plus haute marche du podium à Couchevel, il a poussé Froomey dans ses retranchements, et pu s’apercevoir que le Kenyan blanc était vulnérable. Presque une révélation, qui confirme l’épisode catalan du printemps dernier, où déjà, Contador avait devancé son rival britannique. Si ces performances ne garantissent rien, elles prouvent au moins à l’Espagnol que personne n’est imbattable.
Il a pris goût à la victoire. A l’instar de son compatriote Alejandro Valverde, le Pistolero a beaucoup levé les bras depuis le début de saison : six fois en tout. Vainqueur de Tirreno-Adriatico et du Tour du Pays-basque, il a aussi décroché des étapes sur les autres épreuves d’une semaine auxquelles il a participé. Et surtout, il a toujours été présent pour jouer la gagne. Deuxième du Tour d’Algarve, comme en Catalogne et ensuite sur le Dauphiné, il n’a donc pas connu autre chose que la première ou la deuxième place en 2014. Et les statistiques peuvent rendre le Madrilène plutôt confiant : il alterne avec une parfaite régularité depuis janvier entre deuxième et premier. Dauphin d’Andrew Talansky sur le Critérium du Dauphiné, il peut espérer le meilleur sur la Grande Boucle…
Il a mieux couru. Sa préparation a été parfaite. Même ses relatifs échecs sont bénéfiques, car ils l’ont forcés à se remettre en question, à s’améliorer encore pour arriver au grand départ de Leeds au top de sa forme, en ayant mis toutes les chances de son côté. De janvier à juin, l’Espagnol a donc été impeccable, régulier dans la performance de haut niveau sans être en forme trop tôt. Faisant l’impasse sur des ardennaises qui lui ont trop souvent pompé de l’énergie, et acceptant enfin de dormir en altitude pour bénéficier un peu plus des bienfaits des stages en montagne, Contador a accepté cette remise en question. A 31 ans, il n’a pas hésité à chambouler ses habitudes. Peut-être ce qui lui permettra de faire la différence au moment décisif.
Pourquoi il ne gagnera pas
Il a perdu Roman Kreuziger. Certes, Contador aura au départ de Leeds une grosse équipe autour de lui avec des coureurs comme Roche, Rogers ou Majka. Mais pas de Kreuziger, qui aurait été son plus fidèle lieutenant. Cinquième en 2013, le Tchèque avait accompagné son leader jusque très tard dans les cols, se montrant parfois même meilleur sans toutefois revendiquer quoi que ce soit. Alors même s’il possèdera une garde rapprochée de très haut niveau, perdre le meilleur de ses équipiers est forcément un coup dur. Surtout que chez Sky, Froome aura bien Richie Porte à ses côtés, alors que ce n’était pas prévu en début de saison. Encore plus que l’année dernière, Contador devra donc avant tout compter sur lui-même. Chose à laquelle il a été habitué, sur le Dauphiné notamment. Mais sur le Tour, on le sait, tout est démultiplié.
Le Tour lui fait défaut. Officiellement double vainqueur seulement, Contador a tout vécu sur le Tour. Le succès, d’abord. Les difficultés, ensuite. Un sacre annulé en 2010, une cinquième place – elle aussi annulée – en 2011, et un échec au pied du podium il y a un an. La Grande Boucle ne réussit plus à l’Espagnol comme ça a pu être le cas dans les premières années de sa carrière. Le grand grimpeur qu’il est ne parvient même plus, depuis deux éditions, à glaner ne serait-ce qu’une étape. Si la confiance emmagasinée sur les courses de la première partie de saison aidera donc le coureur ibérique, une certaine appréhension va forcément se mettre en place au moment d’entamer une épreuve qui ne lui réussit plus comme par le passé.
Les pavés ont de quoi lui faire peur. C’est la grande énigme. En 2010, il avait perdu du temps sur Evans et Schleck sur l’étape d’Arenberg, ce qui ne l’avait pas empêché de lever les bras à Paris. Mais cette fois, qu’en sera-t-il ? Froome, parfaitement entouré, mais aussi Valverde ou Nibali, sur le papier les plus à l’aise sur les pavés, pourraient lui reprendre du temps sur cette si redoutée étape passant par la Belgique. Neuf secteurs pavés, cela ne représente pas un Paris-Roubaix, loin de là. Mais c’est largement assez pour faire perdre le Tour à un Alberto Contador qui n’aura pas pour l’entourer de grands spécialistes, mais simplement quelques gregarii comme Morkov ou Tosatto. Alors même si le Pistolero est toujours très solide mentalement, le jour où tu peux se jouer sur un virage, il sera sans doute encore plus vulnérable que les autres.