Cinq mois. C’est le temps qu’il aura fallu à Chris Horner pour trouver une équipe après son sacre sur la Vuelta. Presque une éternité. Pendant ses longues heures d’attente, l’Américain a montré à de nombreuses reprises sa frustration pour le manque de considération que le monde du cyclisme avait à son égard. Et finalement, c’est donc l’équipe Lampre qui a pris le risque de recruter le vétéran de 42 ans. Un pari que beaucoup d’équipes n’ont pas osé tenter.

Les raisons d’une attente insoutenable

La situation dans laquelle se trouvait le nouveau coureur de la Lampre est en effet assez inédite. Il faut d’abord rappeler que cette intersaison fut très compliquée pour la majorité des coureurs en fin de contrat. Avec le retrait de nombreux gros sponsors ces dernières années, le marché s’est fortement rétréci, et les places coûtent inexorablement de plus en plus cher. Dans un sport en crise, l’écart entre les grosses écuries et le reste se creuse de plus en plus, et cela a fortement joué dans le cas de Chris Horner. L’arrivée d’un coureur du pédigree de l’Américain est difficile dans une équipe de très haut niveau, tel que Sky ou Omega-Pharma Quick-Step. Ces formations ont déjà bouclé leur effectif depuis fin août, et ces sont logiquement réticentes à offrir un gros contrat à un garçon qui ne pourra pas bénéficier d’un statut particulier. Offrir ce rôle à un grimpeur venu en cours de préparation est aussi mal interprété, surtout que ce recrutement peut bouleverser le programme et les objectifs d’une équipe. Sans oublier que ces structures n’ont pas nécessairement besoin d’un leader, ceux-ci étant déjà recrutés quelques mois auparavant. Pour les “petites” équipes World Tour ou Pro Continental, c’est une toute autre affaire. La majorité de ces équipes manquent et rêvent d’un meneur de cette envergure, mais c’est en coulisses que cela coince…

Un coureur du calibre de l’étasunien se doit d’être rémunéré, et ces petites écuries sont à la limite du rouge financier, incapable d’investir autant  sur un homme de 42 ans. C’est ce qu’avait expliqué Gianni Savio, manager d’Androni, à Velonews. “Mon budget est de 2,5 millions d’euros, vous comprenez alors que je ne peux pas signer un coureur pareil. Il faut rester réaliste…” Tandis qu’à une époque pas si lointaine, des coureurs de haut niveau étaient capables de redescendre en seconde division, Horner n’a pas voulu – ou pu – franchir le pas à cause de ses prétentions salariale,s et d’un manque de sponsor supplémentaire afin d’aider la transaction. Son ancien manager chez Lotto, Marc Sergent, a tenté expliquer la situation actuelle du marché récemment. “Nous avons travaillé ensemble pendant deux ans, mais désormais, du point de vue financier, et aussi à cause de son âge, il ne rentre pas dans la stratégie de l’équipe. Nous préférons donner la chance aux jeunes.” La politique choisie par la formation belge est de plus en plus courante dans un circuit World Tour en quête du renouveau. On n’hésite plus à miser gros sur des jeunes coureurs, recrutés à moindre coût, dont la plus-value peut être énorme. Chris Horner s’est donc retrouvé le cul entre deux chaises. D’un côté, il n’était pas assez fort pour pouvoir prétendre à un rôle de leader chez les grosses écuries et de l’autre, il était trop coûteux pour les petites formations. Sans oublier son âge avancé… Heureusement pour lui, l’équipe Lampre-Merida l’a sauvée sur le gong, lui le natif d’Okinawa.

Objectif Giro

Recruté par les fuchsias alors que les premières courses ont déjà eu lieu, Chris Horner arrive dans une formation en pleine reconstruction après quelques saisons en demi-teinte. Suite au pari semi-raté de Pozzato et à l’implantation de la filiale en Ukraine qui n’a rien amené de bon, la formation historique a été particulièrement active sur le marché des agents libres pour enfin sortir du ventre mou du circuit World Tour. Outre le recrutement du coureur américain, la Lampre a attiré dans ses filets le champion du monde Rui Costa et le sprinteur transalpin Sacha Modolo. En manque de réelle alternative au leader portugais sur les courses par étapes, Chris Horner était un choix à saisir, le jeune Ulissi étant encore trop tendre pour prétendre à un rôle important sur les grands tours. Selon son nouveau manager général, Brent Copeland, Horner aura pour objectif de doubler Giro et Vuelta. Avec des ambitions ! “Il s’intègrera certainement très bien à notre équipe pour viser le classement général sur le Giro et la Vuelta, avec d’autres potentiels leaders.” Le rôle d’Horner chez Lampre sera donc de compenser le départ de Michele Scarponi, parti chez Astana cet hiver, mais aussi les carences de Damiano Cunego, rarement au niveau. Pour ce qui est du programme de courses, rien de nouveau pour l’expérimenté américain, qui avait déjà réalisé ce doublé en 2009.

Alors, un sacré coup sportif, Horner ? L’inconnue plane, mais en tout cas, sur le plan marketing, sa venue n’est point négligeable et le manager sud-africain ne s’en cache pas. “Chris sera le premier Américain à courir dans cette équipe historique. C’est un pas de plus vers l’internationalisation de notre équipe, qui est très importante dans le monde actuel. Je suis sûr que cela nous permettra d’attirer l’attention des Etats-Unis.” L’équipementier et co-sponsor Merida est mondialement connu et mise sur l’expansion croissante du cyclisme pour toucher le plus de consommateurs possibles, à l’instar de son homologue Cannondale. Cet hiver, la formation italienne a ainsi recruté pas moins de cinq coureurs étrangers, dont l’ancien champion de Chine, Xu Gang. Mais finalement, peu importe la raison de la venue de Chris Horner, le vétéran américain devra vite confirmer son nouveau statut et faire mentir ceux qui n’ont pas cru en lui. Il reprendra dès ce week-end, au Challenge de Majorque, une course de préparation en vue de son premier objectif, le Tirreno-Adriatico, et tentera de déjouer les pronostics, comme il a déjà su le faire par le passé.

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