Toujours riche en champions, la nation italienne a triomphé à maintes reprises au cours de l’histoire, sans jamais connaitre un véritable passage à vide. Tandis que la France ou la Belgique peinent à conserver leur lustre d’antan sur certaines épreuves, les coureurs de la Botte n’ont jamais perdu pied.

Une suprématie totale sur le plan local

Le premier des campioni, Constante Girardengo, triompha à deux reprises sur le Giro. Lui qui leva six fois les bras dans Milan- Sanremo fut pourtant bridé par une concurrence féroce au tournant des années 20, représentée par Alfredo Binda, le premier quintuple vainqueur de l’épreuve. Une légende d’un autre temps, qui domina de la tête et des épaules le cyclisme de son époque. On regrettera que le futur directeur technique de l’équipe d’Italie ne s’exporta que rarement hors de ses frontières, gardant une rancœur énorme contre la France qui ne monnaya pas à sa juste valeur le jeune Binda, qui quitta Nice pour regagner son pays natal en 1923.

En avance sur son temps, Fausto Coppi apporta lui une nouvelle facette à son sport. Il en est le premier véritable professionnel. En totale opposition avec Gino Bartali, le duo formé par ces deux hommes fut probablement le plus beau qu’on n’ait jamais connu, chacun apportant à l’autre l’étincelle manquante. Pour chaque minute perdue à s’’observer, ils en récupéraient dix en unissant leurs efforts. Une image marquante ressortira de ce duel : un passage de bidon lors de l’ascension du Galibier. On ne saura jamais lequel des deux fit l’offrande à l’autre, entretenant encore un peu plus la légende entourant ces deux coureurs mythiques.

Quelques années plus tard vint l’avènement de Felice Gimondi. Maître tacticien, à son aise sur tous les terrains, il souffrit cependant de sa rivalité avec le cannibale Eddy Merckx qui le priva d’un nombre important de victoires. Les principaux succès de Gimondi furent ainsi conquis avant l’arrivée à maturité du Belge (Tour de France 65, Giro 67, Paris-Roubaix 66). Il profita toutefois de l’entente cauchemardesque des leaders flamands pour devenir champion du monde à Barcelone en 1973. D’une longévité exceptionnelle, Gimondi parvint à remporter un troisième Giro en toute fin de carrière.

Enfin, dernier de cette longue lignée de champions, le pirate Marco Pantani reste à ce jour le dernier coureur à avoir doublé victorieusement Giro et Tour de France. Grimpeur explosif, il dut attendre longtemps avant de connaitre cette consécration de 1998. Une année magique qui restera sans suite : Pantani entama sa longue descente aux enfers dès 99 après avoir été exclu d’un Giro dont il détenait fermement le maillot rose. Il mourut dans un hôtel misérable à Rimini en février 2004. Triste fin…

Bilan de l’Italie sur les grands tours : 9 Tours de France, 68 Tours d’Italie, 5 Tours d’Espagne. Soit un total de 33 % de succès sur l’ensemble des courses de trois semaines mises en jeu au cours de l’Histoire.

Orientation Alpine

Jamais les coureurs italiens ne furent attirés par Paris-Nice, principalement en raison de l’organisation dans le même temps d’épreuves locales telles que Tirreno-Adriatico. Seuls Dario Frigo et Davide Rebellin y effectuèrent des passages victorieux en 2001 et 2008. La règle s’applique également au Critérium du Dauphiné, qui ne possède aucun vainqueur transalpin, ces derniers étant clairement orientés vers la conquête d’un Tour de Suisse qui leur a toujours réussi.

Épreuve au caractère assez international, Tirreno-Adriatico, contrairement à son grand-frère qu’est le Giro, reste ouvert aux étrangers. Le gratin mondial se présentant chaque année au départ de la course des deux mers avec l’ambition de préparer Milan-Sanremo. Si De Vlaeminck est grandement responsable du « faible » 48 % de victoires italiennes sur l’épreuve, des champions récents comme Erik et Thomas Dekker, Cancellara, Freire ou Evans n’y sont pas étrangers non plus.

Bilan de l’Italie sur les tours d’une semaine : 3 Paris-Nice, 0 Critérium du Dauphiné, 22 Tirreno-Adriatico, 10 Tours de Catalogne, 6 Tours du Pays-Basque, 13 Tours de Romandie et 20 Tours de Suisse. Soit un total de 16 % de succès sur l’ensemble des courses d’une semaine mises en jeu au cours de l’Histoire.

Polyvalence classique

Premier champion du monde sur le légendaire et exigeant circuit du Nurburgring en 1927, Binda récidiva deux fois en 1930 et 1932. Un triplé qui fut égalé plus tard par Eddy Merckx et Oscar Freire. Il fallu attendre 20 ans pour revoir un Italien à ce niveau, Fiorenzo Magni échouant face à Ferdi Kubler lors du mondial de Varèse en 1951, celui qui devait permettre la reconquête du maillot irisé. Comme de coutume, c’est finalement deux ans plus tard, en Suisse, à Lugano, que Fausto Coppi disposa de l’armée belge pour enfin remporter le seul succès majeur manquant à son immense palmarès. On notera également le doublé de Gianni Bugno qui priva d’abord Indurain puis Jalabert d’un sacre mondial au début des années 90, ou le titre du revenant Mario Cipollini à Zolder en 2002 devant McEwen et Zabel. Dominatrice sur cette course entre 2006 et 2008, la Squadra de Paolo Bettini (double vainqueur) permit au plus fantastique des gregario, Alessandro Ballan, d’atteindre sa consécration personnelle à Varèse.

Véritable mythe italien, Milan-Sanremo reste la course que tout coureur transalpin rêve de remporter un jour. Lever les bras sur la Primavera octroie gloire, honneur et reconnaissance éternelle. C’est donc le passage obligé pour tout grand champion, même étranger. Depuis le sextuplé de Girardengo dans les années 20, tous se sont succédés au palmarès de la classique mère. Pénalisés par l’internationalisation massive de la classique au tournant des années 50, les Italiens connurent une période d’échec de 17 ans entre 1953 et 1970. Un mal pour un bien, car c’est bien cette faillite qui entraîna la création de Tirreno-Adriatico. Créé pour remédier à cette disette, il ne fallu attendre que quatre année pour que le succès de cette entreprise se confirme, Michele Dancelli succédant enfin au grand Loretto Petrucci sur le premier monument de la saison. Gimondi, Saronni et Moser par leurs coups d’éclats successifs comblèrent le léger vide de cette période, avant l’éclosion d’une vague de talents exceptionnels au cœur des années 90. Aidés il est vrai par le dopage massif en vigueur à l’époque, symbolisé par le Docteur Ferrari et la sulfureuse équipe Gewiss, Bugno, Chiappucci, Fondriest, Furlan et Colombo participèrent à l’hégémonie du pays sur la “Classicissima.”

Même son de cloche sur la classique des feuilles mortes, qui compte 64 % de victoires italiennes, les deux dernières étant l’œuvre du petit prince Damiano Cunego. C’est sur cette course que Francesco Moser a démontré qu’il était capable de passer décemment la montagne, ou qu’Andrea Tafi démontra qu’on pouvait à la fois être un bon grimpeur et un bon flandrien en 1996. Danilo Di Luca y remporta la première de ses nombreuses classiques, et lança une série de huit victoires italiennes consécutives, marquée par les larmes de Paolo Bettini qui remporta cette course en 2006, quelques jours après le décès de son frère.

Sur Paris-Roubaix, le salut italien est venu de Francesco Moser, auteur d’un triplé inédit entre 78 et 80, puis par le regretté Franco Ballerini, vainqueur émouvant en 1995, après des années d’échecs difficiles à avaler. On dit de cette course qu’elle finit toujours par s’offrir aux coureurs la désirant vraiment, ce fut le cas pour Ballerini. Autre triplé flandrien, celui du lion Fiorenzo Magni entre 1949 et 1951 sur le Tour des Flandres, remporté également par les puncheurs Argentin, Bugno, Bartoli et Bortolami, prouvant la polyvalence de ces coureurs capable de briller sur plusieurs types de courses même en pleine ère de l’ultra-spécialisation.

L’Italie a en revanche mis du temps avant de commencer à apprivoiser Liège-Bastogne-Liège, mais tout vient à point à qui sait attendre, et la suite fut glorieuse pour eux. Moreno Argentin, surnommé « l’homme bionique » en raison des nombreuses suspicions de dopage pesant sur lui, échoua à une unité du record d’Eddy Merckx sur la “Doyenne”. Bartoli puis Bettini, les deux rivaux de la Mapei, eurent eux raison de Jalabert, Rebellin et Basso au cours de leurs années de domination. Auteur d’un triplé Amstel-Flèche-Liège en 2004, ce même Rebellin entra dans la légende du cyclisme en accomplissant une performance jamais réalisée jusque là, et que seul Philippe Gilbert a égalé depuis.

Bilan de lItalie sur les Monuments : 10 Paris-Roubaix, 10 Tours des Flandres, 50 Milan-San Remo, 67 Tours de Lombardie, 12 Liège-Bastogne-Liège et 19 Championnats du Monde. Soit un total de 28 % de succès sur lensemble des courses dites « monuments » mises en jeu au cours de lHistoire.

Spécialistes de la Flèche Wallonne, Argentin et Rebellin l’ont emporté trois fois au sommet du Mur du Huy. Moins adeptes de l’Amstel Gold Race, les Italiens restent en retrait sur cette classique. Idem pour Gand-Wevelgem et Paris-Tours, sur lesquelles les plus grands de la Botte ne se sont pas attardés, principalement en raison de leur proximité au calendrier avec les évènements majeurs que sont le Tour des Flandres, Paris-Roubaix et le Tour de Lombardie. Malgré tout, en 2012, les Transalpins se sont adjugés, par deux coureurs inattendus, l’Amstel puis Paris-Tours.

Bilan de l’Italie sur les classiques non-monuments : 7 Paris-Tours, 17 Flèches Wallonne, 6 Gand-Wevelgem, 6 Amstel Gold Race. Soit un total de 11 % de succès sur l’ensemble des courses d’un jour « historiques » mises en jeu au cours de l’Histoire.

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