Par leurs champions, leurs courses, leurs légendes, ces quatre pays ont marqué l’histoire de notre sport. Par les chiffres, revenons-y en détails. Et commençons par la Belgique, premier à passer sur le gril. Le plat pays, fort d’un vivier de coureurs inépuisable a de tout temps su dompter classiques et courses par étapes, avec une régularité impressionnante.
En perte de vitesse sur les grands tours
Bien avant Eddy Merckx et ses cinq succès sur le Tour de France, la Belgique disposait déjà de coureurs somptueux. Pour preuve, ces douze victoires acquises avant-guerre sur la Grande Boucle, période faste pendant laquelle Wallons et Flamands rivalisèrent avec les meilleurs Français. Trop méconnu, le regretté Phillipe Thys est même devenu le premier coureur à remporter trois fois celle qui est aujourd’hui présentée comme la plus grande course du monde. Un exploit d’autant plus remarquable que la dernière de ses couronnes fut décrochée deux ans seulement après son retour du front. Improbable quand on sait dans quel état physique et psychologique revenaient les « poilus », héros d’une guerre abominable qui marqua l’Europe entière.
Mais si les Belges dominèrent le Tour de France jusqu’au début des années 80 et l’ultime baroud du grimpeur Lucien Van Impe, il n’en fut pas de même sur le Giro. Chasse gardée des Italiens, il fallut attendre ce diable de Merckx en 1969 pour enfin débloquer le compteur. Un Merckx qui outre ses quatre autres succès fit des émules, car dès le déclin du Bruxellois, Michel Pollentier et Johan de Muynck prirent le relais – en 77 et 78. Comme sur la Vuelta, que Freddy Maertens domina de la tête et des épaules en 1977. Un Tour d’Espagne historiquement marqué par la Belgique qui imposa sa loi lors des deux premières éditions de la course autrefois printanière – en 1935 et 1936, grâce à Gustaaf Deloor.
En définitive, si les tout premiers grands tours (particulièrement français) furent parfaitement abordés par les Belges, la suite fut beaucoup moins glorieuse. Lucien Van Impe attend toujours son successeur, que ce soit en France, en Espagne ou Italie. Voilà bientôt 32 ans que l’état noir-jaune-rouge reste muet.
Bilan de la Belgique sur les grands tours : 18 Tours de France, 7 Tours d’Italie, 7 Tours d’Espagne. Soit un Total de 12 % de succès sur l’ensemble des courses de trois semaines mises en jeu au cours de l’Histoire.
Même constat pour les courses par étapes
Puissance majeure sur Paris-Nice avec la bagatelle de quatorze succès (20 %), la Belgique est loin d’avoir eu la même réussite sur les autres tours d’une semaine. Le Critérium du Dauphiné ne compte en effet que trois vainqueurs belges : encore Merckx et Pollentier ! Expatrié en Italie, le « gitan » Roger de Vlaeminck assure six des sept succès de son pays sur Tirreno-Adriatico, tous acquis consécutivement (de 1972 à 1977). Pendant cette période, il domina chacun des mastodontes de la Botte, de Gimondi à Saronni en passant par Panizza, Baronchelli et Moser. De quoi avancer que le potentiel de De Vlaeminck aurait pu (dû ?) s’exprimer autrement, car pour ce qui est des courses par étapes, seul un Tour de Suisse est à ajouter au palmarès de ce coureur orienté vers les classiques – qu’il remporta toutes.
Le dernier vainqueur belge d’une course d’une semaine n’est autre que Frank Vandenbroucke, autre talent gâché par les blessures, la dépression et la drogue. C’était Paris-Nice 1998. Et ça fait déjà long.
Bilan de la Belgique sur les tours d’une semaine : 14 Paris-Nice, 3 Critériums du Dauphiné, 7 Tirreno-Adriatico, 3 Tours de Catalogne, 3 Tours du Pays-Basque, 6 Tours de Romandie et 8 Tours de Suisse. Soit un total de 9 % de succès sur l’ensemble des courses d’une semaine mises en jeu au cours de l’Histoire.
Domination classique
Monstre sacré des rendez-vous d’un jour, la Belgique n’a laissé que des miettes aux autres sur les plus grandes classiques de la saison. Sur le Championnat du Monde, d’abord. La course au maillot irisé a toujours été un objectif majeur pour les plus grands coureurs belges, parfois même une source de tensions (Merckx / Maertens à Barcelone). Le premier doublé de George Ronse (1928-1929) ouvrit la voie, il fut suivit de ceux d’Alberic Shotte (48-50), Rik Van Looy (60-61) et Freddy Maertens (76-81). Les géants Rik Van Steenbergen (49-56-57) et Eddy Merckx (67-71-74) sont allés encore plus loin dans le génie en remportant trois médailles d’or mondiales. Et cette année encore, c’est le Wallon Philippe Gilbert qui portera le maillot arc-en-ciel. On retiendra aussi la triste histoire du jeune Jean Pierre Monséré, mort dans un accident l’année suivant sa victoire de Leicester.
Mais la spécialité de ces flahutes reste les classiques flamandes. Paris-Roubaix est depuis toujours écrasée par les Belges, dont la force de frappe est tellement large qu’ils arrivent parfois à placer en première position des « inconnus » comme Dirk Demol au vélodrome de Roubaix. La science des pavés est en eux, ils en sont imprégnés. Plus que les Italiens, plus que les Français, les Belges apprécient, vivent pour les classiques du Nord. Roger de Vlaeminck, encore lui, détient le record de victoires sur « l’Enfer du Nord » avec 4 succès, à égalité avec son compatriote Tom Boonen.
Mythe national, le Ronde n’échappe pas aux standards : c’est la classique que tout belge rêve un jour de remporter. Résultat, un chiffre écrasant : 68 victoires sur 96 éditions (70 %). C’est le chiffre absolu, aucun pays ne peut se vanter d’avoir autant éteint la concurrence étrangère sur un de ses monuments. Tout comme aucun pays n’a autant dominé sur une course étrangère (Paris-Roubaix). Alors certes, la spécificité de ces courses pavées favorise des Belges ultra-spécialisés, mais l’exploit est tout de même retentissant. Le ticket Flandres-Roubaix est un gage de succès d’Outre-Quiévrain.
Il n’y a toutefois pas qu’au nord que la magie belge opère : propulsé par les sept succès de Merckx, le royaume d’Albert II ne compte pas moins de 20 bouquets sur Milan-Sanremo, le rêve de Phillipe Gilbert, dernier descendant de cette lignée de grands chasseurs de courses d’un jour. Chaque année plus proche de son but, le Remoucastrien a tout pour rejoindre ses glorieux prédécesseurs au palmarès de la « Classicissima », qui fuit depuis longtemps Tom Boonen et quelques autres belges, récemment venus se frotter au gratin mondial de cette course très ouverte dont seul Andrei Tchmil a trouvé le bon chemin lors des 20 dernières années.
Gilbert, en revanche, a déjà remporté à deux reprises la classique des feuilles mortes : le Tour de Lombardie. Celle qui réussi le moins à ses compatriotes, car placée tard dans la saison, elle ne peut convenir aux différents flandriens et ardennais fatigués par un exercice qui traîne en longueur. Les inusables Merckx et De Vlaeminck y comptent toutefois deux succès chacun. Qui leurs ont permis de devenir les seuls coureurs – avec leur compatriote Van Looy – à avoir mis la main sur les cinq monuments du cyclisme.
Bilan de la Belgique sur les Monuments : 55 Paris-Roubaix, 68 Tours des Flandres, 20 Milan-Sanremo, 12 Tours de Lombardie, 58 Liège-Bastogne-Liège et 25 Championnats du Monde. Soit un total de 40 % de succès sur l’ensemble des courses dites « Monuments » mises en jeu au cours de l’Histoire.
Forte d’un gros contingent de routiers-sprinteurs, la Belgique n’éprouve aucune difficulté non plus sur des classiques historiques telles que Paris-Tours (10 victoires de plus que la France) et Gand-Wevelgem (47 succès). Quant aux deux autres ardennaises (Amstel Gold Race et Flèche Wallonne), après avoir été longuement dominées par Merckx et Cie, elles ne réussissent plus autant aux jeunes belges, essentiellement cantonnés à des rôles de sprinteurs-flandriens.
Enfin ça, c’était avant la montée en puissance de Phillipe Gilbert, qui à lui seul représente l’avenir de son pays sur l’intégralité des classiques pour puncheurs. Une aubaine pour un peuple qui attendait ce type de coureur depuis la retraite de Claudy Criquelion, un coureur dont le palmarès pourtant ronflant fait déjà pale figure face à celui du Liégeois, homme du futur.
Bilan de la Belgique sur les classiques non-monuments : 40 Paris-Tours, 37 Flèches Wallonne, 47 Gand-Wevelgem, 11 Amstels Gold Race. Soit un total de 44 % de succès sur l’ensemble des courses d’un jour « historiques » mises en jeu au cours de l’Histoire.