Il va quitter la FDJ.fr à la fin de cette saison, et connaît déjà son futur employeur, de quoi évacuer toute pression au moment de disputer la Vuelta. Qu’il gagne ou non ne changera pas grand chose pour son avenir, il ne s’agit là que d’une question d’honneur et de prestige. Et sur le premier sprint de ce 69e Tour d’Espagne, il a devancé – facilement – l’ensemble du peloton. Parce que c’est un guerrier, et qu’il est vraisemblablement le plus fort.

Légitimement ambitieux

Ce n’était donc pas des paroles en l’air. Ce dimanche dans L’Equipe, Nacer Bouhanni affirmait avoir « des objectifs de victoires », et dès la première occasion offerte aux sprinteurs, il s’est montré le plus fort. Pourtant, les concurrents ne manquent pas, avec des hommes qui ont connu à de multiples reprises le succès sur le Tour d’Espagne – Sagan, Boonen, Degenkolb, Matthews -, parmi lesquels des habitués aux maillots distinctifs. Mais pas de quoi effrayer un Bouhanni qui ne cache plus ses ambitions depuis un triplé retentissant accompagné d’un maillot rouge en mai dernier, sur le Giro. Désormais, l’ancien champion de France est conscient de sa capacité à aller chercher des étapes sur des courses de trois semaines. Alors bien sûr, le gratin du sprint mondial n’est pas présent en cette fin d’été, on pense notamment à Cav’, Kittel ou Greipel. Mais le principal intéressé le regretterait presque : « Dommage que Mark Cavendish ne soit pas là. »

En effet, le Britannique avait prévu de disputer la Vuelta, et a dû renoncer au dernier moment. Se confronter à lui aurait été pour Bouhanni un sacré test, même si certains y voient une certaine forme de provocation voire d’arrogance. Pour faire taire les sceptiques, il n’y a donc qu’une chose à faire : gagner le plus possible, toutes les étapes au terme desquelles il pourra disputer le sprint, à l’instar de ce qu’avait pu réaliser il y a deux ans un John Degenkolb tout feu tout flamme. Et justement, le fait que l’Allemand soit sur le papier le principal adversaire du boxeur-sprinteur apporte un challenge supplémentaire, car en 2012, Bouhanni avait souvent décroché les places d’honneur, toujours battu au moins par le sprinteur de l’équipe Giant. L’heure d’un nouveau duel a donc sonné, et le premier round a été remporté sans contestation possible par le Français, impressionnant de puissance. Preuve que le garçon, en deux années, a véritablement progressé.

Rassurant pour 2015

En offrant un nouveau succès à la FDJ.fr, Bouhanni rassure. Car en effet, douter était permis, même s’il avait déjà décroché une étape sur l’Eneco Tour, en étant à 80% de sa forme si l’on en croit ses propos. Le garçon est encore jeune (24 ans depuis un mois) et son choix de signer pour Cofidis l’an prochain a surpris. Lui qui s’affirme course après course comme l’un des tous meilleurs sprinteurs du peloton va devoir courir en deuxième division, c’est à n’y rien comprendre. Mais Bouhanni, lui, a l’air de trouver ça logique : on ne lui en voudra pas s’il continue de gagner sur les grandes épreuves, comme c’est le cas cette saison. Pour cela, il pourra compter sur quelques coéquipiers bien choisis, parmi lesquels l’indispensable Geoffrey Soupe, son poisson-pilote. Ce dimanche vers San Fernando, on a pu observer son importance. Soupe a roulé comme un chevronné sur plusieurs hectomètres, lâchant Bouhanni à pleine vitesse en tête du peloton à 200 mètres de la ligne. Du travail d’orfèvre.

Pourtant il y a deux ans, rien ne dit qu’avec une telle préparation, le Lorrain aurait concrétisé. Le signe que le train s’est perfectionné, avec aujourd’hui Fisher et Soupe qui ont œuvré pour Bouhanni dans le dernier kilomètre. Après sa victoire, Bouhanni le concédait donc, c’était « le sprint idéal. » Mais c’est le cas de plus en plus fréquemment, et c’est ce qui amène cette régularité cruciale chez les sprinteurs. Avec dix victoires au compteur cette saison, le protégé de Marc Madiot est le quatrième homme le plus prolifique du peloton derrière Kristoff, Kittel et Greipel. Alors il reste un effort à faire pour être véritablement au niveau de ce trio d’enfer : concrétiser les nombreux podiums (neuf au total cette saison) en victoires. Mais de l’aveu même de Bouhanni, l’appétit vient en mangeant. De quoi rendre la suite de cette Vuelta des plus salivantes…

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.