En remportant ce lundi sa deuxième étape sur la Vuelta 2013, Warren Barguil a forcément changé de statut. Ils sont rares les coureurs à gagner plusieurs étapes sur un même grand tour, et lui en fait déjà partie. A son si jeune âge, s’il convient de ne pas s’emballer, il faut avouer que ses capacités nous laissent rêveurs.
Pas une loterie
Gagner à la suite d’une échappée au long cours peut relever d’une certaine loterie. En effet, les facteurs à réunir sont nombreux, et une part de hasard vient souvent forcer la décision. Mais lorsqu’on y gagne deux fois en seulement trois jours, impossible de compter uniquement sur le hasard. Une thèse « Merckxiste », le Belge affirmant de son temps que « Milan-San Remo n’est pas une loterie. Si c’était le cas, je devrais jouer plus souvent au Lotto. Je pense qu’il est impossible de gagner sept fois le gros lot avec le même ticket gagnant.» Mais si la comparaison est flatteuse, elle n’est pas incongrue. Il y a au moins un point commun entre le plus grand coureur de tous les temps et le prodige français : le talent.
Alors évidemment, on n’a pas attendu ce 68e Tour d’Espagne pour découvrir les qualités de Barguil. Vainqueur du dernier Tour de l’Avenir, c’est à ce moment-là que la majorité des observateurs l’avaient découvert. Avant, bien sûr, de le suivre tout au long de sa première saison professionnelle, chez Argos-Shimano. Une formation pas forcément vouée aux grimpeurs comme l’est le garçon d’aujourd’hui 21 ans. Chez les Néerlandais, la part belle est aux sprinteurs, Kittel et Degenkolb notamment. Les autres ont la vie dure, mais Barguil a su profiter des opportunités. Sur cette Vuelta, aucun sprinteur phare de l’écurie n’est aligné, et le Français a carte blanche pour tenter sa chance à l’avant. Il ne se fait donc pas prier, et après quelques jours difficiles, n’a pas hésité à jouer son va-tout dans les Pyrénées. Pour un bilan fantastique.
La deuxième, encore plus belle ?
Emotionnellement, difficile de savoir quelle victoire a le plus fait vibrer Warren Barguil. La première avait sûrement une saveur plus particulière et nouvelle. Mais de l’extérieur, la deuxième, acquise ce lundi, dans un style bien différent, nous a fait passer par tous les états. D’abord, parce que cette fois, c’est en haute montagne que le Breton est allé la chercher. Mais aussi et surtout parce que le scénario a été assez spectaculaire. S’envolant d’abord à environ neuf kilomètres de l’arrivée, Barguil avait alors creusé un sacré trou, et on l’imaginait aisément vainqueur – comme vendredi à Castelldefels, où il s’était imposé en solitaire – au sommet de Sallent de Gallego. C’était sans compter sur un Rigoberto Uran revanchard après avoir perdu toutes chances de bien figurer au général, et qui donnait tout pour revenir.
Pour beaucoup, si le Colombien revenait, il allait déposer le natif de Hennebont et aller chercher la victoire. Mais jouant parfaitement le coup tactiquement, Barguil a su contrecarrer les plans du coureur de la Sky. Lorsqu’il a compris qu’il serait rejoint, il s’est relevé, et a attendu le retour d’Uran. Légèrement reposé, il a alors été en mesure de garder la roue du grimpeur qui souhaitait pourtant le lâcher. Puis il a laissé le sud-américain gérer la course dans les derniers hectomètres, lui mettant une pression supplémentaire avant de lancer le sprint et de le sauter sur la ligne. Une victoire tout en maîtrise qui peut surprendre de la part d’un garçon disputant là son premier grand tour. Mais finalement, c’est peut-être ça, un surdoué. Un homme qui n’a peur de rien ni personne, surtout pas de la victoire.