27 avril 2014, Liège-Bastogne-Liège. Carlos Betancur reste dans le bus et ne démarre pas l’épreuve ; c’est la dernière fois qu’on l’a vu. Depuis, plus de nouvelles. Même son équipe a longtemps été dans l’attente d’un signe de vie de la part de son leader colombien. Bien trop négligeant, son comportement n’a pas plu à Vincent Lavenu, qui a donc accepté de le libérer de son contrat. La fin d’une histoire comme on n’en fait plus. Et peut-être le début d’une autre, plus longue.
Trois mois d’attente
Cinquième du Tour d’Italie en 2013, l’histoire entre Betancur et AG2R La Mondiale avait bien débutée. Et la victoire du natif de Bolivar sur Paris-Nice en mars dernier laissait présager une fructueuse collaboration à long terme. En effet, à 24 ans et après quelques années relativement discrètes chez Acqua e Sapone, un cap semblait réellement franchi. Mais comme si l’ascension avait été trop rapide, les projecteurs braqués trop vite sur lui, le Colombien est reparti au pays se ressourcer, faisant vraisemblablement une croix sur l’entraînement durant quelques semaines. Il était attendu pour disputer le Tour de France, avec Romain Bardet et Jean-Christophe Péraud. Finalement, au moment de la préparation, en juin, Betancur n’est pas là, et Vincent Lavenu n’a toujours pas de nouvelles de son coureur. Même son entraineur personnel, Michele Bartoli, n’arrive pas à joindre le coureur. Le divorce est alors consommé. « On ne sait pas ce qu’il s’est passé dans sa tête », confiera le manager général de la formation savoyarde.
En effet, l’étonnement est de taille, tant chez les observateurs que chez ses coéquipiers. Ce n’est donc que très récemment, après le Tour réussi des AG2R, que Carlos Betancur a redonné signe de vie. Avec la fin de saison en ligne de mire, sans doute convaincu par son agent que se montrer à son avantage en cette fin d’été était primordial pour décrocher un beau contrat en vue de la saison prochaine. Car en effet, Lavenu a accepté de mettre un terme au contrat du Colombien, alors que celui-ci courait jusqu’en 2016. Chose rare et qui prouve bien que le manager briançonnais ne comptait plus sur un coureur au comportement imprévisible, loin du professionnalisme requis dans les grandes écuries World Tour. Pourtant, Vincent Lavenu concède volontiers que le talent de son grimpeur-puncheur est énorme. Mais il n’a pas pu faire abstraction du reste : «Il faisait partie de notre projet mais il a annoncé de manière unilatérale qu’il voulait partir de l’équipe. La façon dont on a travaillé ensemble jusqu’à présent ne m’intéresse pas. On ne peut pas travailler comme ça. »
Vuelta, Mondiaux et transfert
Carlos Betancur a donc encore quelques semaines pour se montrer et décrocher le contrat qu’il cherche. Son agent, Giuseppe Acquadro, est cependant confiant :« Nous avons quelques propositions pour l’envoyer dans une autre équipe l’année prochaine », confiait-il au journalEl Tiempo. En attendant, il va donc falloir continuer sous les couleurs d’AG2R La Mondiale, de quoi se félicité d’avoir trouvé un accord à l’amiable. Cependant, Vincent Lavenu ne pourra sans doute pas compter sur un Betancur en pleine possession de ses moyens, qui a visiblement davantage profité du relief colombien pour passer quelques semaines au soleil que pour s’entraîner en vue d’une fin de saison qui semble pourtant lui correspondre. « Il n’est pas en grande forme. Il ne courra pas pour le général (sur la Vuelta) », a confié son agent. Comme si la saison de l’ancien meilleur jeune du Giro n’avait durée que de janvier à avril, de San Luis à Liège. Alors on peut croire à son excuse de la maladie, mais de là à gober que son cytomégalovirus l’a empêché de monter sur un vélo durant trois mois, il y a un fossé.
Chez son prochain employeur, quel qu’il soit, Betancur aura donc l’obligation de changer ses habitudes. Les retours en Colombie en pleine saison, il va falloir oublier. Le talent du jeune homme est tel que son équipe comptera forcément sur lui pour de nombreuses échéances, des classiques aux grands tours. Cela nécessitera de sa part un entraînement sérieux et une collaboration bien plus seine avec son encadrement. Pas sûr que le Colombien y soit réellement préparé. Car s’il a craqué sous les exigences de l’équipe AG2R, on l’imagine mal tenir la distance chez Sky, Omega, Movistar ou Tinkoff, des équipes qui lui permettraient de franchir un cap en quittant une formation savoyarde qui fait déjà partie des meilleures du peloton actuel. Là où Quintana et Uran, notamment, ont parfaitement réussi, Carlos Betancur pourrait ainsi connaître des difficultés inédites. Pas forcément moins talentueux que ses compatriotes, son manque de professionnalisme pourrait cependant lui coûter cher. Attention au gâchis.