Au départ du Tour des Flandres ce dimanche, personne ne voulait sous-estimer Alexander Kristoff, impérial depuis l’ouverture des classiques. Mais ceux qui misaient sur lui imaginaient le voir triompher au sprint. Finalement, tellement fort, le Norvégien s’est payé le luxe de sortir avant le dernier enchaînement Vieux Quaremont – Paterberg. Inattendu, mais aussi terriblement bien senti.

Plus le même coureur

L’histoire de Kristoff avec le Ronde est particulière. C’est là qu’il a décroché, en 2013, son premier top 5 sur un Monument, dans une relative discrétion. C’était en effet dans un sprint à une vingtaine de coureurs, plusieurs minutes après le passage de Cancellara, Sagan et Roelandts. Alors cette quatrième place du Norvégien, on l’avait grandement relativisé. Il n’était jusque là qu’un opportuniste capable de régler le sprint du peloton derrière les vrais cadors qui s’étaient joués la victoire. Ca avait été le cas à Londres, lors de la course en ligne des Jeux Olympiques, et ce Tour des Flandres 2013 s’inscrivait alors dans la continuité. Le natif de Stavanger, dans l’Ouest de la Norvège, était alors un sprinteur capable d’assumer de longues épreuves et quelques difficultés. Mais en deux saisons, l’homme de 27 ans est devenu quelqu’un d’autre : un coureur qui a remporté deux Monuments et deux étapes du Tour de France. Du coup, cette quatrième place à Audenarde en 2013, on a appris à y voir autre chose qu’un accessit décroché presque par hasard.

Surtout que Kristoff a récidivé l’année dernière sur la fameuse ligne droite d’Audenarde. Mais cette fois, dans une configuration totalement différente. Au terme d’une course beaucoup plus débridée que l’édition précédente, il avait terminé en solitaire, sur les talons du quatuor de tête mais devant des spécialistes comme Boonen, Sagan, Terpstra ou Thomas. Conjugué à sa victoire sur Milan-Sanremo deux semaines auparavant, ce résultat a fait changer la perception que le monde du vélo avait du Norvégien. Exit le sprinteur opportuniste, Kristoff est devenu en 2014 un chasseur de classiques qui compte. Et comme depuis deux ans, il ne cesse de nous surprendre, il a continué ce dimanche, en montrant à tous que malgré son profil, il n’était pas contraint d’espérer une arrivée groupée pour l’emporter. Au contraire, le leader de l’équipe Katusha a prouvé qu’il pouvait être l’acteur principal d’une course comme le Tour des Flandres.

Opportuniste mais surtout trop fort

Malgré tout, l’opportunisme n’a pas quitté Alexander Kristoff, et c’est aussi à ça qu’on reconnaît les grands chasseurs de classiques. Compte tenu de ses qualités de sprinteur, il n’avait sans doute pas prévu de prendre la poudre d’escampette à 25 kilomètres de l’arrivée, mais quand Niki Terpstra a tranquillement accéléré, il n’a pas hésité bien longtemps avant de sauter dans la roue. Il a été le seul à le faire, et avant l’enchaînement Vieux Quaremont – Paterberg, le duo s’est donc définitivement envolé. Le Néerlandais aurait sans doute aimé amener n’importe qui d’autre sur son porte-bagage, mais c’est bien le Norvégien qui a saisi l’occasion. Pourtant, ce dernier aurait pu ne pas réagir. Seul, le leader de l’équipe Etixx se serait cramé, ou alors serait revenu à la raison en coupant son effort. Mais non, Kristoff y est allé, et ce fut le bon choix. Dans le Vieux Quaremont comme après le Paterberg, les poursuivants ont eu beau se mettre à plat ventre pour revenir, personne n’y est parvenu.

Monstrueux de puissance, le Norvégien a empêché Terpstra de ne placer ne serait-ce qu’un début d’attaque, et a su maintenir l’écart avec les poursuivants presque à lui tout seul dans les derniers kilomètres. Une gestion de course parfaite, qui a permis à Kristoff d’arriver au sprint avec son compagnon néerlandais, et de logiquement s’imposer. A plusieurs reprise, tout aurait pu capoter, mais le protégé de Viacheslav Ekimov a couru avec certitude et panache pour inscrire son nom à un deuxième monument en autant de saisons. Une performance aussi impressionnante qu’inattendue il y a encore un an et demi. Mais Kristoff, il faut s’y faire, est un coureur ambitieux et qui a tendance à atteindre ses objectifs. Il y a quelques années, il déclarait que ses deux plus grands rêves étaient de gagner Milan-Sanremo et le Tour des Flandres. Aujourd’hui, c’est fait. Et avec la manière.

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