Évoluant en troisième division au sein de l’équipe belge Colba–Superano Ham, Quentin Tanis est un jeune coureur français parti tenter sa chance Outre-Quiévrain pour vivre son rêve ! Il se confie à la Chronique du Vélo sur son quotidien de cycliste expatrié, ainsi que sur le monde qui l’entoure. Portrait très complet d’un coureur attachant à découvrir.

Bonjour Quentin. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et plus généralement au grand public qui ne vous connaît pas forcément ?

Je suis né le 27 mars 1990, à proximité de la ville de Fourmies, dans le Nord. Une ville bien connue pour son GP ! J’ai commencé le vélo à l’Union Vélocipédique Fourmisienne, en 1995. J’ai ensuite porté les couleurs de l’UC La Capelle jusqu’en 2009, avant de m’installer en Belgique l’année suivante. Cela a débuté avec l’équipe Multisport en compagnie de mon frère Kévin. Puis en 2011, j’ai signé pour la Royale Pédale Saint-Martin de la ville de Tournai, avant de changer à nouveau pour le Vélo Club d’Ottignies-Perwez, et d’être repéré par mon ancien directeur sportif, Thierry Descamps, avec qui je suis passé stagiaire au sein de Geofco–Ville d’Alger. Voila donc les étapes de mon cheminement vers ma structure actuelle, Colba.

Cette ascension au niveau professionnel s’est-elle faite dans une certaine logique ?

Rien n’est jamais facile ! Tout compte fait, je pense être dans une progression constante. Mon rêve a toujours été de passer pro, je me suis énormément investi, et le travail a payé. Je suis maintenant professionnel aux yeux des français, bien qu’en Belgique à proprement parler, on nous appelle Elites sans contrat, nous coureurs de division Continental.

Comment le goût du vélo vous est venu durant votre jeunesse ? De manière naturelle, ou grâce à des idoles ou modèles de sportivité ?

Déjà, dans ma famille, tout le monde fait du vélo ! Mon frère a couru avec moi en Belgique, et je suis en quelque sorte né dans le cyclisme. La plupart de mon entourage le pratique, je n’ai jamais eu une autre envie que de m’adonner au vélo. Au niveau des idoles, chez moi, ça ne marche pas sur quelqu’un en particulier. Je suis plutôt la vague de quelqu’un qui marche bien, cela donne envie de faire aussi bien que lui. Il n’y a pas vraiment de coureurs ou d’autres sportifs qui ont marqué mon enfance si particulièrement.

Aujourd’hui en Belgique, pourquoi avoir choisi de vous expatrier de l’autre côté de la frontière ?

Je dirais d’abord que quand vous vous rendez, et surtout vous courez en Belgique, vous sentez immédiatement que les gens, là-bas, vivent pour ce sport ! La ferveur que présente la Belgique envers le vélo est comparable à celle des français pour le foot. Je ne dirais pas qu’en France, on n’aime pas le vélo, mais il y a une énorme différence avec la situation en Belgique. Quand vous y prenez le départ d’une course amateur, il y a la plupart du temps au moins une centaine de coureurs sur la liste de départ, tandis que dans notre pays, on dispute souvent des courses à trente ! Ce n’est donc pas toujours intéressant, alors que de l’autre côté , il y a toujours une ambiance populaire, une foule de spectateurs. La Belgique vit à fond le cyclisme, et c’est ce que j’aime avant tout.

Ressent-on quelque chose de spécial en tant que coureur français expatrié ?

Malgré tout ce que l’on peut raconter sur la Belgique, il n’y a pas tant de problème de langues que ça. Le milieu cycliste parle dans une grande majorité le français. Et puis, je suis arrivé en Belgique lors de la saison 2010. J’ai rencontré progressivement pas mal de coureurs, managers… Je me suis très bien adapté aux spécificités locales. De plus, quand on regarde de manière détaillée, la plupart des hommes des staffs d’équipes continentales belges que j’ai eu l’occasion de côtoyer faisaient également partie du monde des amateurs. Mon intégration a été facilitée. Et puis il y a aussi quelques coureurs français chez Colba, notamment mon ami Clément Lhotellerie ou Denis Flahaut.

Vous nous avez dit que vous êtes nordiste dans l’âme, mais existe-il des liens entre les clubs français et ses équivalents belges ?

Je pense qu’il n’y a pas forcément de lien direct franco-belge. C’est surtout de manière volontaire que les coureurs français choisissent de s’exiler du côté du plat pays. Je ferais remarquer que si on va souvent tâter chez nos voisins, on voit moins souvent l’inverse. Ce qui charme les expatriés comme moi, c’est aussi le niveau et les caractéristiques des courses typiquement belges, à mes yeux, beaucoup plus relevées. Les liens directs sont moins présents qu’on le pense, c’est surtout les cyclistes eux-mêmes qui s’occupent et font les démarches.

En parlant des courses belges, en partie inscrites dans l’histoire du cyclisme, est-ce que les classiques pavées vous attirent ?

Évidemment, ces courses me plaisent, mais elles sont très dures. Et je n’ai pas encore eu la chance de disputer des courses comme Kuurne-Brussel-Kuurne par exemple. Mais j’aime ces classiques. L’an dernier, j’avais découvert le GP Impagnis ainsi que Putte Kapellen, en fin de saison. Cette année, j’ai fait la Druivenkoers d’Overijse, même si cela reste extrêmement compliqué pour un coureur de mon profil. J’ai aussi couru le Samyn, l’IWT d’Oetingen ainsi que le Championnat des Flandres. Ce type de course est très intéressant et enrichissant, mais est très complexe dans la manière dont on doit la gérer. Je suis beaucoup plus taillé pour le sprint…

Le sprint, c’est donc dans ce domaine que vous souhaitez briller ?

Oui, le sprint me convient parfaitement. Quand le moment clé approche, je n’ai peur de rien. Il suffit de se débrancher le cerveau, de trouver la bonne roue tout en restant concentré. Je suis capable de faire des belles choses en cas d’arrivée massive et je pense pas qu’on puisse choisir ce que l’on sait faire. Je suis fait pour frotter dans le final, ce qui m’aidera aussi pour les classiques, c’est sûr. Je me considère sprinteur au fond de moi, c’est dans ce domaine que je me suis le mieux exprimé pour le moment, et c’est ce qu’il faudra que j’exploite dans le futur.

Votre équipe à présent, la Colba, possède un effectif restreint de quinze coureurs. Cela vous permet-il de vivre des moments plus forts avec vos coéquipiers ?

C’est clair qu’en étant peu nombreux, on se voit souvent, réunis tous ensemble. Notre terrain de jeu, c’est aussi les kermesses. Ces événements sont une particularité du système belge, et sont ouverts à tous. On partage des moments supplémentaires au sein de l’équipe, qui permettent de se retrouver aussi entre cultures différentes.

Les méthodes d’entraînement sont elles radicalement différentes d’un pays à l’autre ?

A notre niveau, pas tant que ça. Déjà, dans l’équipe, nous n’avons pas d’entraîneur au sens propre du terme. Nous avons la chance d’avoir quelques coureurs expérimentés afin de conseiller les jeunes. Pour ma part je m’appuie sur Lhotellerie et Flahaut, qui possèdent une science de la course supérieure à la mienne. Globalement, on s’entraîne un petit peu plus pour palier le niveau des courses, mais nous ne fonctionnons pas avec un coach nous disant de faire tel ou tel exercice de manière spécifique…

Pouvez vous nous parler de votre programme de courses d’ici la fin de saison ?

Cette semaine, j’ai été sur la kermesse de Berlare. Désormais, je vais faire quelques kermesses en plus ainsi que Putte–Kapellen, mon grand objectif pour la fin de saison !

Parlons désormais d’un sujet un peu plus délicat. Quel est votre avis sur le traitement médiatique et sur la suspicion en terme de dopage, omniprésente ces derniers mois ?

Je pense simplement que suspecter un coureur car il gagne une course, c’est purement stupide. Il faut qu’on nous laisse faire notre métier sur le vélo. Il y a des tricheurs, mais nous on s’y fie pas, c’est pas notre but et on n’a aucun d’intérêt à rentrer là-dedans. Le dopage est présent dans n’importe quel sport, il ne faut pas rêver ! On a énormément parlé de Chris Froome, mais il a gagné le Tour de France, et point barre. Des instances anti-dopage existent depuis maintenant de nombreuses années, et personne n’a prouvé qu’il était dopé. Il faut arrêter avec tout cela.

Certains en font-ils trop à ce sujet ?

Pas vraiment. Quand une affaire éclate, c’est normal qu’elle sorte au grand jour et qu’on en parle, mais il ne faut pas parler de machin contrôlé positif au mois de juillet six mois après. Pourquoi remuer le passé trouble pour enfoncer la nouvelle génération ?

Qu’aimeriez-vous dire de façon générale aux observateurs qui critiquent le cyclisme à cause du dopage ?

Qu’ils regardent le vélo ! Ce qui compte, c’est appuyer sur les pédales, voir des sprints, ressentir quelque chose en voyant des moments forts… Ils ont le droit d’avoir un avis, il n’y a pas de problème là-dessus, et de le défendre, c’est certain. Mais arrêtez de venir sur les course à reculons en sous-entendant qu’on assiste au passage d’un peloton de dopés. Sinon, on tuera le vélo. Il faut qu’ils prennent du plaisir à voir des courses.

Pour en revenir à vous, quelles sont vos ambitions pour la saison prochaine et la suite de votre carrière ?

La saison prochaine, il faudra vraiment que toute l’équipe se concentre sur son début de saison, ce qu’on a raté cette année. Après pour la suite, découvrir une équipe Continentale Pro me ferait énormément plaisir, mais je suis bien où je suis pour le moment, même si revenir en France ne me dérangerait pas non plus. Je suis ouvert, prêt à découvrir d’autres courses. Je rêve forcément de participer à des épreuves World Tour. Mais je préfère prendre petit à petit ce qui vient et obtenir des résultats. Pourquoi pas être un des équipiers des sprinteurs de renom ? Le rôle de poisson pilote ne me gênerait absolument pas. Si j’ai des contacts avec d’autres équipes ? Il y en a toujours, mais je ne peux pas trop vous dire où je serai l’année prochaine.

Le mot de la fin ? Que vous voulez vous ajouter afin que les lecteurs cernent définitivement mieux votre personnalité ?

Je dirais que travailler pour n’importe qui ne me dérange pas. Je sais que le travail finira pas payer, et que je pourrais forcément arriver à jouer ma carte. En clair, je veux simplement vivre mon rêve, faire ce que j’adore, réaliser ma passion sans me prendre la tête. Je vivrais très bien une carrière sans avoir disputé le Tour de France. C’est une épreuve géniale, mais se situant actuellement à des années-lumière de mes capacités.

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