Sur le 73ème Paris-Nice, l’équipe Cofidis était déterminée à mener à bien son unique objectif de la semaine : débloquer son compteur, et par la même occasion, celui de son sprinteur Nacer Bouhanni. Mais le Vosgien est resté muet sur la Course au Soleil, malgré de nombreuses places d’honneur. Faut-il pour autant s’inquiéter ? Car si au départ de l’épreuve, le manager général Yvon Sanquer se livrait confiant à la Chronique du Vélo, la construction d’un train sur-mesure pour le champion tricolore s’avère ne pas être aussi simple qu’il n’y paraît…

« Ca ne se fait pas en un claquement de doigts »

A regarder le parcours de la semaine passée, on se dit qu’il y avait moyen pour Bouhanni de lever les bras. Car hormis l’arrivée au sommet du Col de la Croix de Chaubouret, les deux contre-la-montre et le toboggan niçois rendu chaotique par les conditions météorologiques, le reste du menu proposé était franchement accessible aux sprinteurs les plus costauds. Et Yvon Sanquer, coordinateur des troupes, ne s’en cachait pas à l’heure du prologue. « Il y a au moins trois arrivées qui lui sont favorables. La stratégie est donc simple, on va jouer au maximum sa carte dans ces étapes là. » Et en effet, Nacer Bouhanni s’est mêlé à la bataille des sprinteurs les plus féroces ayant choisi de s’aligner en France. Deuxième à Contres, sixième à Saint-Amand-Montrond, huitième à Saint-Pourçain-sur-Sioule, avant de se classer quatrième à Rasteau, il aura manqué à chaque fois un petit quelque chose pour la nouvelle vedette de l’équipe nordiste, évoluant pourtant en terrain conquis. « Ce sont des routes qui lui ont bien convenues ces dernières années. […] Je pense qu’il va claquer une étape sur ce Paris-Nice et ouvrir son compteur de bien belle manière », assurait Sanquer il y a une semaine. Mais en 2015, l’ancien sprinteur de la FDJ a toujours buté sur plus fort que lui. Sur la première étape, Alexander Kristoff et son sprint asphyxiant était tout simplement imbattable, alors qu’à Saint-Amand, Bouhanni n’a pas réussi à se faufiler comme il en a l’habitude. Submergé par l’émotion suite au tragique crash d’hélicoptère en Argentine ou simplement moins bien emmené que ses rivaux, il n’a pas non plus tiré son épingle du jeu à Saint-Pourçain.

La mise au point de son nouveau train, grande garantie de son transfert pour Cofidis, semble devoir prendre un peu plus de temps qu’on aurait pu l’imaginer. Pour Yvon Sanquer malgré tout, le besoin de s’acclimater à un nouvel environnement est logique. « Ça se met en place petit à petit, mais ce n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. On a travaillé aux stages de pré-saison, nos gars ont les jambes et le potentiel pour réaliser le travail attendu, mais la transition entre les répétitions de l’entraînement et le terrain de la course est compliqué. » La réorganisation de l’effectif lors de la dernière intersaison, que l’on savait importante, confirme qu’il est indispensable de prendre son temps. Les premiers stages de décembre et janvier, en Espagne, étaient axés sur le travail et les relations des membres du train de Bouhanni, ce que confirme la recrue suédoise Jonas Ahlstrand. « J’ai désormais la chance d’être aux côtés de Nacer. C’est quelqu’un de très sympathique avec qui il est agréable de travailler. Mais il est évident que le travail collectif ne peut pas se faire en un claquement de doigts. »

« On arrive à un moment où il faut concrétiser »

En compagnie de Geoffrey Soupe, son poisson-pilote attitré, des Belges Michael van Staeyen et Kenneth Vanbilsen, mais aussi de coureurs complets comme Florian Sénéchal, Nacer Bouhanni a rapidement trouvé sa place dans sa nouvelle écurie. Toutefois, quand les pointures de la discipline ont déjà pratiquement toutes levé les bras au moins à une reprise, l’ex-champion de France cumule neuf top dix, mais aucun bouquet. Sur la tournée du Moyen-Orient, il était en rodage, avant de disputer sa première classique, Kuurne-Bruxelles-Kuurne. Sa dix-huitième place finale, la faute à un petit écart au moment de déboîter Tom van Asbroeck pour le podium, a été l’occasion de constater l’avancée du collectif qui doit le mettre sur orbite. Amené dans les meilleures positions peu avant la flamme rouge, Bouhanni a toutefois été rapidement esseulé dès lors que l’emballage final s’est lancé, alors que Cavendish, vainqueur du jour, était tranquillement dans la roue de ses coéquipiers. C’est une question de temps, affirme Yvon Sanquer, pointant du doigt la difficulté de posséder une réelle maîtrise de l’exercice en trois mois. « Cela demande plus de temps à passer ensemble, plus de travail. Il faut chercher de meilleurs automatismes entre nos coureurs, mais après, il ne faut pas oublier que parier sur un train, c’est viser sur le long terme. » Alors certains soulignent que, même isolé, Bouhanni parvenait à gagner très tôt dans la saison avec la FDJ. Mais ça n’inquiète pas Sanquer, qui note qu’« aujourd’hui, les trains les plus efficaces du peloton sont en place depuis des années. »

Le train Giant, actuelle référence en la matière, n’a réellement pris le pouvoir que durant le Tour de France 2013, après de nombreuses années de préparation et de choix d’avenir misant sur des espoirs devenus stars, à l’image de Kittel, Degenkolb. Ahlstrand, justement, est arrivé cet hiver en provenance de la formation néerlandaise, et se doit de transmettre l’expérience qu’il a pu engranger. « Nous sommes beaucoup de recrues cette saison, mais nous nous entendons très bien et nous arrivons désormais à bien fonctionner ensemble. Le train devient de plus en plus réglé, cela progresse rapidement. », rassure-t-il. Malgré tout, la première victoire de la saison se fait attendre. « Là, on arrive à un moment ou il devient temps de concrétiser toute la charge de travail effectuée tant en course qu’à l’entraînement », reconnaît Sanquer. Mais il l’assurait au départ de Paris-Nice, une victoire sur l’épreuve hexagonale aurait surtout été symbolique. Les grandes échéances ne sont en effet pas encore passées. Il est donc presque anecdotique, au final, que Bouhanni n’ait pas encore gagné, puisque s’il parvient à réaliser un exploit sur la Primavera par exemple, on oubliera les deux mois précédents. Attendons donc quelques semaines encore avant de tirer la sonnette d’alarme…

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