Le public est parfois ingrat. Il suffit de quelques révélations, même sans preuves de culpabilité, pour qu’il perde toute admiration envers un sportif qu’il a parfois adulé. Sans parler de dopage ou de triche, les simples suspicions suffisent à détruire une réputation. Bradley Wiggins, au cœur de l’affaire du colis mystérieux depuis plusieurs mois, l’expérimente à ses dépends.

Le Tour, les AUT…

Déjà, en 2012, « Wiggo » n’est pas un champion qui fait l’unanimité. A l’époque, lui l’ancien pistard médaillé à Pékin vient s’immiscer là où personne ne l’attend : dans la bagarre pour le maillot jaune. La stupéfaction se mêle alors aux douloureux souvenirs. Dans l’esprit de beaucoup, il est question de Lance Armstrong, le dernier à avoir opéré une telle mue pour remporter le Tour. La suspicion est palpable. L’équipe Sky débute sa période de domination, Wiggins en est le fer de lance, et ça ne plaît pas. Surtout que l’armada britannique ne respecte pas la loi de la course. Dans la montée de Peyragudes, Chris Froome est plus fort que son leader. Mais Dave Brailsford est catégorique, il faut attendre « Wiggo ». C’est lui qui doit gagner ce Tour 2012. Aux yeux de tous, la victoire a donc un goût particulier. Sauf Outre-Manche, où Wiggins est le héros de la nation, bientôt anobli par la reine et dont tout le pays est tombé amoureux. Lorsqu’il s’agit de parler de l’Anglais, il y a donc ses compatriotes et les autres. Question de patriotisme, sans doute.

Sauf que bientôt cinq ans plus tard, autre chose est venu ternir l’image de Bradley Wiggins. Et on ne parle plus là d’un manque de panache ou de mérite. En septembre dernier, à quelques semaines de sa retraite, il était cité par les hackers de Fancy Bears parmi les sportifs ayant eu recours à des autorisations à usage thérapeutique (AUT). Rien d’illégal, mais les dates interrogent. Chaque fois, « Wiggo » s’en fait prescrire à quelques jours des départs de grands tours – en 2011, 2012 et 2013. Le Britannique se défendra, arguant des allergies – desquelles il n’avait jusque-là jamais parlé. Comme à l’époque où il gagnait le Tour de France, il est question de suspicions. Il a respecté le règlement et rien ne peut lui être reproché. Sauf que sa réputation en prend un coup que toutes ses médailles olympiques ramenées pour le compte du Royaume ne suffisent pas à compenser – du moins en dehors des frontières anglaises.

…et maintenant le colis

Quand survient l’histoire du colis, en décembre, c’est donc un nouveau coup de massue pour le Britannique. Sur le Dauphiné 2011, Simon Cope, entraineur de l’équipe féminine de Grande-Bretagne, a fait un long voyage, de Londres à La Toussuire en passant par Genève, pour apporter un colis à Bradley Wiggins. Dans le paquet, selon Dave Brailsford, du Fluimucil. Un produit autorisé par l’agence mondiale antidopage (AMA), disponible en pharmacie pour quelques euros et censé soigner la toux. Alors plus que jamais, la logistique mise en place par l’équipe Sky pose question. Plus de cinq ans et demi après les faits, l’agence britannique anti-dopage se saisit de l’affaire. Ce mercredi a lieu l’audition des derniers témoins devant la commission parlementaire. Histoire de faire la lumière cet épisode, si c’est possible. Mais quel que soit le résultat – les conclusions seront dévoilées fin mars -, une nouvelle fois, l’image de « Wiggo » a morflé. Les éditos de journalistes, même Outre-Manche, ont été parfois virulents. Le pays n’est plus autant unanime. Au milieu de ce mélodrame, Wiggins, lui, fait le dos rond. Il parle peu, se montre beaucoup, comme dans l’émission de télé-réalité The Jump sur Channel 4.

Mais même de son propre clan, la Sky, il a reçu peu de soutien. Chris Froome n’a pas voulu se mouiller, et c’est logique. Le triple vainqueur du Tour a bien assez de travail avec sa propre image pour ne pas se soucier de celle de son ancien leader. Surtout que les relations entre les deux hommes n’ont jamais été au beau fixe. Après son titre olympique, à Rio, Wiggins n’avait eu aucun contact avec Froome, pas même un message de félicitations. « Pour être honnête, je ne m’attendais pas à autre chose. Nous ne sommes pas vraiment proches », avait-il confié au Guardian. Mais alors quid du staff, et notamment du manager Dave Brailsford ? Et bien il est dans la logique de son nouveau leader. Plus occupé à soigner la réputation de l’équipe actuelle que de sauver celle de ses anciens pensionnaires. Ses explications dans cette affaire n’ont jamais semblé totalement convaincantes. Pourtant, de la réputation de Wiggins dépend en partie la crédibilité de Sky. Et ces temps-ci, « Wiggo » aurait bien besoin d’un coup de pouce. Sinon, même aux yeux des Britanniques, l’icône va prendre du plomb dans l’aile.

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