Il y avait embouteillage chez Astana. Vincenzo Nibali et Fabio Aru se marchaient dessus et il fallait que l’un des deux prenne la décision de partir. C’est finalement l’aîné qui a signé pour une nouvelle aventure, quittant le Kazakhstan pour Bahreïn. Où il va redevenir le vrai patron de toute une équipe.

Une bonne idée, par Robin Watt

En quatre saisons, la collaboration aura été fructueuse. Un Tour de France, deux Tours d’Italie, un Tour de Lombardie, Vincenzo Nibali est devenu sous les couleurs de la formation kazakhe l’un des cadors du peloton. Il méritait donc une équipe qui puise lui offrir les garanties qui vont avec ce statut. Ce n’était plus possible chez Astana, où la concurrence interne devenait trop importante. Avec Fabio Aru surtout, qui s’est invité dans le cercle des vainqueurs de grands tours. Entre les deux transalpins, c’était à qui va prendre les rênes de l’armada bleue ciel. Sans oublier que derrière devrait rapidement pousser le jeune Miguel Angel Lopez, vainqueur du Tour de Suisse cette saison et qui pourrait vite nourrir de plus grandes ambitions. Mais le Squale n’a pas cédé face au Sarde. Il a juste fait un choix de raison, après avoir apporté tout ce qu’il pouvait à son manager Alexandre Vinokourov.

Restait à trouver le point de chute idéal. Un endroit où l’Italien serait l’unique leader, le véritable patron, pour les quelques années qu’il lui reste à passer au plus haut niveau. Ce que l’équipe Trek, qui avait pourtant fait du transalpin sa priorité, n’a pas pu lui promettre. Alors quoi de mieux, pour ça, qu’une équipe en pleine construction ? La toute nouvelle Bahraïn-Merida semble une solution parfaite. En plus de pouvoir signer à Nibali un chèque avec beaucoup de zéros, elle lui a offert une équipe entièrement à son service. Si le Sicilien regrette de ne pas avoir pu amener dans ses bagages son ami et ancien coéquipier Michele Scarponi, il disposera d’une vraie armada pour l’accompagner en montagne. Brajkovic, Izagirre, Gasparotto, Moreno, Siutsou, Visconti, Pellizotti et bien sûr son frère Antonio, ils sont tous venus pour assister l’enfant de Messine. Ailleurs, Vincenzo Nibali n’aurait jamais pu trouver pareille considération.

Une mauvaise idée, par Jean-Baptiste Caillet

L’annonce du départ de Vincenzo Nibali vers Bahrain-Merida sonne comme un renoncement. Ce n’est pas un échec sportif évidemment car le Requin de Messine a tout gagné avec la formation kazakhe. C’est un échec personnel. En laissant la place aux jeunes loups que sont Fabio Aru et Miguel Angel Lopez, il admet que sa carrière est sur le déclin. Pourtant, le Sarde sort d’une saison en demi-teinte et le Colombien, convalescent depuis novembre, n’a pas encore prouvé sa valeur sur un grand tour. A sa décharge, la cohabitation avec Aru était exécrable et il fallait probablement qu’un des deux Italiens quitte le navire. Dans ce cas, pourquoi rejoindre Bahraïn-Merida ? Les formations sorties de nulle part avec des castings XXL connaissent toujours des soucis de coordination au départ, sinon pire. L’équipe Trek-Segafredo a récemment reconnu que le Sicilien était son choix n°1. Accompagné de quelques ex-lieutenants d’Astana, ça aurait eu aussi fière allure.

Son aspiration à être l’unique leader au sein d’une formation paraît quelque peu mégalomane. Dans une moindre mesure, cela rappelle Lance Armstrong avec la création de la Radioshack, consécutive à la prise de pouvoir d’Alberto Contador chez Astana en 2009. L’Américain, depuis condamné pour dopage, avait eu au moins le mérite d’affronter son challenger en face-à-face sur le Tour de France avant de lever le camp. La référence à Armstrong est peut-être douteuse. Mais sa personnalité sera toujours moins sujette à controverse que celle de Nasser ben Hamed al-Khalifa, accusé de torture et à l’initiative du projet dont Nibali a accepté d’être la caution sportive et le porte-étendard médiatique. Ce transfert est une prise de risque inutile. Certes, l’argent a dû peser dans la balance. Il gagnera beaucoup grâce à Bahraïn, mais sur le plan sportif et humain, ça reste du gagne-petit.

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