Comme beaucoup d’autres, la Clasica San Sebastian s’est mise en tête de modifier le cours de son parcours historique, en repoussant la ligne d’arrivée au terme d’une nouvelle boucle contenant un vrai mur, la Bordako Tontorra. Si l’on peut toujours espérer voir un authentique audacieux tenter le diable dans le Jaizkibel ou l’Arkale, les kilomètres de plat suivant ces difficultés ont vraisemblablement condamné toute course de mouvement. Ainsi, comme en 2014, tout devrait se jouer dans la montée finale, et éventuellement sa descente, technique. Du pain béni pour Alejandro Valverde et Joaquim Rodriguez.

Les favoris

**** Alejandro Valverde : Au moment de prendre le départ de la classique espagnole, le puncheur de Movistar est le grand favori. Non rassasié d’avoir dominé le printemps cycliste en remportant coup sur coup Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, le champion d’Espagne 2015 a réalisé le meilleur Tour de France de sa longue carrière. Un podium final en guise de consécration, qui devrait totalement le libérer à l’approche de la fin de saison. Vainqueur sans contestation l’an passé à San Sebastian, Alejandro Valverde est avantagé par la nouvelle configuration de course, lui permettant de lâcher les chevaux au meilleur des moments, sans se poser de questions. Une troisième victoire au palmarès le positionnerait aux côtés du recordman Marino Lejaretta.

**** Joaquim Rodriguez : On risque bien d’être spectateur d’un duel de poids plumes espagnols samedi devant notre téléviseur. Le Catalan Joaquim Rodriguez, surnommé “Purito”, défiera le Murcian Valverde sur les gros pourcentages proches des 20% de l’ultime difficulté, étroite et raide à souhait. Double vainqueur d’étape sur la Grande Boucle, le vieux briscard de la Katusha a systématiquement fait parler son explosivité, en haut du Mur de Huy, et sur les pentes rudes du Plateau de Beille. Visant lui aussi à court terme le Tour d’Espagne, il s’agit sans doute de ses ultimes occasions pour fournir encore un peu plus son palmarès, alors, ne le sous-estimons pas. Il sera inévitablement présent dans son style caractéristique.

Les outsiders

*** Philippe Gilbert : L’an dernier, Philippe Gilbert avait abandonné sur la Clasica San Sebastian. Cuit après avoir disputé un Tour de France déjà éprouvant, le Wallon n’a pas souhaité s’engager dans un nouveau schéma similaire, et réussit plutôt bien sa saison 2015. Bien que bredouille sur les classiques ardennaises, Gilbert a remporté une étape en vrai puncheur sur le Giro, et vient de s’adjuger le GP Cerami ainsi que l’étape reine du Tour de Wallonie, au sommet de la Citadelle de Namur. Lauréat en 2011 en plein cœur d’une dynamique folle, Gilbert fait partie des réels outsiders pour le gain de cette classique en 2015, ce qui le lancerait sur de très bonnes bases en vue des courses d’un jour des prochains mois. Mais a t-il des jambes qui lui permettent de rivaliser avec Valverde et Rodriguez sur du 20% ?

*** Romain Bardet : Le jeune français d’AG2R la Mondiale a fini le Tour en trombe. Levant les bras en solitaire à Saint-Jean-de-Maurienne, puis passé tout près de ramener le maillot à pois de meilleur grimpeur sur les Champs-Elysées, il s’est également classé neuvième du général final, le tout en étant désigné supercombatif de l’édition 2015. Ses attaques lointaines en montagne ont fait ressortir ses caractéristiques de classicman, qui lui seront très utiles à San Sebastian. Bien que cela s’annonce compliqué, Bardet cherchera probablement à anticiper l’explication finale, mais aura aussi une carte à jouer en cas de marquage des spécialistes des pourcentages abrupts. À lui de surfer sur sa bonne condition d’après Tour.

*** Bauke Mollema : Sans faire de bruit, l’ancien coureur du team Belkin – ex Rabobank, ndlr – , exploite sa remarquable régularité pour décrocher des accessits de choix sur les plus belles classiques et les Grands Tours. Septième du Tour de France, celui qui court maintenant pour l’équipe Trek a toutefois terminé la troisième semaine à l’arrache, se battant pour ne pas céder de terrain sur ses adversaires directs. Aura t-il trouvé à nouveau les ressources nécessaires pour briller à San Sebastian ? Deuxième en 2014, neuvième en 2013 et cinquième en 2012, Mollema est un abonné des places d’honneur. Mais pour autant, on le voit pas vraiment lâcher les Espagnols à la pédale dans la Bordako Tontorra. Sauf surprise, il faudrait un petit concours de circonstances pour le voir l’emporter.

*** Dan Martin : Deuxième derrière Majka sur la onzième étape du Tour, l’Irlandais Dan Martin a globalement déçu tout au long du mois de juillet. Redoutable puncheur, vainqueur de deux Monuments, Martin n’a jamais trouvé l’ouverture, ni réussi à prendre les bonnes échappées qui se sont formées après les Pyrénées. Cependant, le coureur de Garmin reste habitué à montrer un visage séduisant sur les classiques auxquelles il prend part. Capable de résister dans les pourcentages de la côte finale, il pourrait régler un petit groupe au sprint sur El Boulevard, ou même profiter de l’attentisme de certains au niveau de la flamme rouge, imitant son triomphe au Tour de Lombardie.

*** Rui Costa : Le Portugais a vite déchanté sur la Grande Boucle, et ce pour la deuxième fois d’affilée, après un Tour 2014 raté. Hors du coup en première semaine, l’ancien maillot arc-en-ciel a explosé en chemin dans l’étape de la Pierre-Saint-Martin. Décidant d’abandonner le lendemain matin, le chasseur de classiques de la Lampre s’est fixé de nouveaux objectifs en cette fin de saison, après sa victoire d’étape au Dauphiné. Et la première étape de sa rédemption n’est autre que la Clasica San Sebastian. Candidat naturel pour une place parmi les dix premiers à l’arrivée, Costa visera un petit peu plus haut. Pourquoi pas un top 5 ?

À ne pas sous-estimer :

** Adam et Simon Yates : La fratrie britannique d’Orica – GreenEDGE ne s’est pas autant mise en valeur que prévu, sur la route du Tour, mais voudra remonter sur le haut de l’affiche au Pays Basque. Capable de performances sans lendemain dans les Pyrénées, Adam était tout proche de la victoire l’an dernier sur la classique de Saint-Sébastien. Parti en contre derrière Valverde dans la descente de la Bordako Tontorra, le jeune anglais de 22 ans était parti à la faute, chutant et abandonnant ainsi ses espoirs de podium, voire de victoire. Il voudra donc sa revanche ce samedi, tandis que pour Simon, l’objectif sera d’épauler au mieux son frère. Sixième du Tour de Romandie, cinquième du Dauphiné, le jumeau d’Adam avait paru émoussé physiquement ces derniers jours.

** Tom-Jelte Slagter : La formation américaine Cannondale-Garmin a sorti l’artillerie lourde pour la Clasica San Sebastian. En plus de Dan Martin, seront présents au départ Ryder Hesjedal, Andrew Talansky et Tom-Jelte Slagter. Le néerlandais est un vrai puncheur, excellant sur les distances pas trop longues. Proposant un kilométrage de 219 bornes, celle de San Sebastian est dans les cordes du cinquième de la Flèche Wallonne et sixième de la “Doyenne” en 2013. Cette année, ses références sont un peu moins bonnes, mais le format de la course de côte, l’avantage sûrement plus que Martin.

** Dani Moreno : Le fidèle compagnon de Joaquim Rodriguez mérite d’être cité parmi les favoris pour les mêmes raisons que le premier nommé. Petit gabarit, punch, affection pour les fortes inclinaisons, et capacité à se surpasser à domicile. Néanmoins, on ne sait pas grand chose sur son état de forme. Il n’a pas terminé sa course de reprise, le Tour d’Autriche. Il est donc probable que l’autre grimpeur de poche de l’équipe Katusha se sacrifie au dernier moment pour son leader, dans l’esprit de solidarité qui anime les deux Ibères.

** Greg van Avermaet : En battant Peter Sagan dans un sprint en faux-plat à Rodez, le Flamand de la BMC est enfin sorti de la spirale infernale des deuxièmes places qui le guettait depuis des lustres. Cependant, si on ne peut pas douter de l’effet positif de son succès sur son moral, Philippe Gilbert a également frappé fort avant l’épreuve espagnole. Moins à l’aise avec le changement de parcours, van Avermaet avait quand même pris la huitième place en 2014. Mais si Gilbert a de bonnes jambes, la priorité devrait revenir à l’ancien champion du monde.

** Julian Alaphilippe : La révélation du printemps dernier va t-elle de nouveau surprendre les observateurs dans les cols basques ? Double dauphin de Valverde à Huy et Ans, Alaphilippe s’était fait un nom au mois d’avril, et avait confirmé en disputant à Sagan le gain du Tour de Californie, puis terminant cinquième des Championnats de France. Mais il n’a plus couru depuis le mois de juin, contrairement à ses compères Rigoberto Uran et Zdenek Stybar. L’ancien prodige du cyclo-cross a même remporté une étape au Havre, et terminé dixième l’an passé de cette classique. L’équipe Etixx dispose de l’embarras du choix.

* Thibaut Pinot : Grimpeur né, le Franc-Comtois va tenter de rester sur son petit nuage de l’autre côté des Pyrénées. Héros du public lors de la vingtième étape du Tour, s’imposant à l’Alpe d’Huez, Pinot a surtout réalisé une saison pleine jusque là, avec deux quatrièmes places lors des épreuves suisses World Tour, une autre sur Tirreno-Adriatico, témoignant de ses progrès. Mais sur les classiques, Pinot n’est pas adepte du coup d’éclat. Il n’empêche qu’il fait partie des coureurs sortant du Tour de France capables de tirer leur épingle du jeu sur les difficultés du circuit local. Un top 10 serait ainsi satisfaisant.

* Roman Kreuziger : Le Tchèque était encore frais dans les dernières étapes de montagne du Tour. Régulièrement à l’attaque en troisième semaine, ayant obtenu d’Alberto Contador un bon de sortie, Kreuziger sera cette fois leader à part entière de l’équipe Tinkoff pour la Clasica. Vainqueur d’une Amstel Gold Race au culot, il doit sans doute regretter l’ancienne formule, offrant aux attaquants divers endroits pour se mettre en valeur, mais demeure capable de titiller les meilleurs puncheurs sur un jour. Derrière le duo de favoris annoncé, la course aux placettes s’annonce extrêmement indécise.

* Luis Leon Sanchez : Pour terminer, voici le vainqueur de la course en ligne des premiers Jeux Européens à Bakou. Luis Leon Sanchez, déjà titré à San Sebastian sous le maillot de la Caisse d’Epargne, fait un retour solide sous le maillot d’Astana, et pourrait avoir les faveurs de ses directeurs sportifs en son pays. Il ne faudra pas l’enterrer.

Mentions : Warren Barguil, Jakob Fuglsang, Ryder Hesjedal, Steven Kruijswijk, Jarlinson Pantano, Nicolas Roche, Zdenek Stybar, Giovanni Visconti, Alexis Vuillermoz et Tim Wellens.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.