Nouvelle figure de proue d’un cyclisme luxembourgeois quelque peu en délicatesse depuis la retraite prématurée d’Andy Schleck et le déclin du frère Frank, Bob Jungels tournait depuis longtemps autour de sa première victoire significative sur une course par étapes. Vraie machine à rouler, au moteur parfois impressionnant, le jeune coureur de Trek a toujours peiné à concrétiser ses nombreux accessits, peu importe l’endroit. Il aura fallu attendre cette rude Etoile de Bessèges pour le voir enfin lever les bras. Certainement pas la grande victoire dont tout le monde rêve, mais peut-être bien celle du déclic.

Un espoir rapidement remarqué

Loin d’être un inconnu au bataillon, le natif de Rollingen peut se targuer d’avoir suscité de grandes attentes alors qu’il n’était pas encore professionnel. Repéré par Johan Bruyneel après son titre de champion du monde juniors en 2010, c’est en 2012 qu’il est lancé au sein de l’équipe réserve Leopard. L’affirmation surtout de ses qualités de dur au mal, capable d’ouvrir la route un long moment sans s’écarter. Vainqueur de Paris-Roubaix espoirs, du Triptyque des Monts et Châteaux et de la Flèche du Sud pour ne citer que ses principales victoires, il valide logiquement son billet pour l’équipe élite, la Radioshack-Leopard. Et dès les premiers mois, il fera état de grandes qualités. Échappé toute la journée, Bob Jungels résiste au retour du peloton et empoche le Grand Prix Nobili, en Italie. Salué par les observateurs, le jeune coureur du Grand-Duché s’est immédiatement fait une place au sein de l’effectif, et va disposer d’opportunités de plus en plus conséquentes pour se mettre en valeur. Mais voilà, quand on est désigné comme un grand talent en devenir, et qu’on a claqué sa première victoire professionnelle rapidement et de manière prometteuse, il est bien plus difficile de confirmer instantanément. Heureusement, le garçon de désormais 23 ans peut compter sur sa polyvalence, illustrée par sa deuxième victoire pro lors de la dernière étape de son Tour national.

Cinquième du général, puis double champion national une semaine plus tard, c’est le début d’une longue période de places d’honneur, et de résultats prometteurs sur des épreuves de renom. Jungels termine seizième de la Clasica San Sebastian, réalise un Paris-Nice 2013 accrocheur, pas loin de battre Betancur pour une victoire d’étape au sprint, décroche un top 10 au Critérium International et découvre avec satisfaction son premier grand tour, la Vuelta. Souvent échappé sur les routes d’Espagne, il en retiendra surtout une prise de caisse non négligeable, de quoi envisager de sa part de solides aptitudes de classicman. Comme pour bon nombre de coureurs de son âge, et après deux saisons professionnelles contrastées, 2015 s’annonçait comme un marqueur clé de son évolution au plus haut niveau. Voilà donc le contexte de cette entrée en matière réussie. Le gaillard s’est fait violence contre le froid glacial de l’hiver cévenol pour remporter une épreuve en fin stratège. Dans les temps de Tony Gallopin au sommet du Mur de Laudun, il n’a pas eu à forcer son talent lors du difficile chrono des rues d’Alès, où il n’y avait théoriquement peu de rouleurs aptes à lui disputer le gain final. Un succès primordial pour la confiance.

Un facteur déclencheur ?

Son excellent début de saison devrait lui permettre de bénéficier d’un intérêt renforcé au sein de la structure américaine. En pleine recomposition avec le départ de certains vétérans du vélo et l’arrivée d’un nouveau leader sur trois semaines en la personne de Bauke Mollema, des places sont à prendre en vue des classiques printanières, et pas uniquement en tant que lieutenant de Cancellara. Et Jungels le sait. Courageux et audacieux, il aura un coup à jouer lors du prochain Tour d’Andalousie, avant d’entamer un Paris-Nice qui, avec deux chronos et une arrivée au sommet roulante, correspond à celui qui avait déclaré vouloir s’améliorer dans les montagnes. Une analyse que partage totalement son manager italien, Luca Guercilena, aux micros du quotidien Wort : « Il peut franchir un palier, il doit pouvoir gagner. Cela doit être son objectif. A l’avenir, il peut être très important pour notre équipe dans les épreuves World Tour. »

Le maître mot reste donc la poursuite de cette dynamique au plus haut niveau. Désormais redouté dans l’exercice solitaire, il serait intéressant de l’observer sur des courses références, avec ce semi-palier franchi. Et quid des classiques pavées, qui l’avaient en partie révélées en 2012 grâce à cet Enfer du Nord victorieux ? Elles ne semblent pas à l’ordre du jour, d’autant plus avec la mission collective consistant à porter Fabian Cancellara une année supplémentaire en haut de l’affiche. Celui qui avait battu Lampaert, Verhelst, Hofland, Zepuntke, Teunissen et Sénéchal, pour ne citer que ces coureurs devenus pros sous l’étiquette World Tour, au Vélodrome de Roubaix, n’est pas pour autant à sous-estimer, à l’image de son ami et collègue d’entraînement Jasper Stuyven. Le Belge, longtemps présenté comme le digne héritier de Tom Boonen, est également arrivé dans une phase cruciale dans l’affinement de ses qualités plurielles chez les espoirs, et se montre à son aise en plein milieu du désert du Qatar, après une Vuelta enthousiasmante. De quoi faire comprendre à l’équipe Trek qu’elle doit polir les pépites qu’elle possède pour prendre la relève. Jungels, en tout cas, s’y prépare du mieux possible.

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