Jamais une crevaison n’avait fait couler autant d’encre. Lorsqu’il perce à cinq kilomètres de l’arrivée, Richie Porte, leader de la Sky sur ce Giro, reçoit la roue avant de Simon Clarke, son compatriote de l’équipe Orica-GreenEdge. Grâce à ce geste il limite la casse et ne perd que 47 secondes sur Contador et Aru. Mais ça, c’était avant de se voir infliger une pénalité de deux minutes. La raison, un article du règlement de l’UCI qui interdit à des coureurs d’équipes différentes de s’échanger une roue ou un vélo.

Porte abandonné

Ce qui est surprenant, c’est que Porte n’ait pas été tout de suite dépanné par ses propres coéquipiers. Chaque leader est pourtant entouré dans le peloton par de fidèles compagnons qui le chouchoutent pendant trois semaines. Ils l’abreuvent, le nourrissent, le protègent du vent, lui remontent son anorak, le redescendent à la voiture et l’accompagnent le plus loin possible dans la haute montagne. Ce mardi, les gregarii de la Sky ont certes aidé Porte à limiter le retard pris par cet indicent, mais ils ont peut-être réagit trop tard ; alors qu’ils étaient forcément à ses côtés. Sont-ils rancuniers envers leur leader, qui a choisi de dormir dans son camping-car, à l’écart du groupe, et qui a voyagé en hélicoptère il y a quelques jours pendant que les autres hommes en noir ont passé quatre heures dans un bus ? N’exagérons rien.

Si l’équipe britannique connaît régulièrement le succès sur les plus grandes épreuves, c’est grâce à leur grand professionnalisme et à leur immense rigueur lorsqu’il s’agit de préparer un évènement. Ne rien laisser au hasard, tel est le secret de leur réussite. Comment peut-on alors imaginer que les dirigeants anglais soient passés à côté de ce point de règlement et qu’ils n’aient pas crié dans l’oreillette – utilisée à l’excès habituellement – de l’ancien troisième du général pour qu’il attende que la voiture monte à sa hauteur ? Inexplicable. Une chose est sûre, plus personne ne se fera avoir dans le peloton, mais Porte a clairement compromi ses chances de remporter le Giro 2015 : remonter trois minutes à Alberto Contador, lorsqu’il porte le maillot de leader sur un grand tour, on n’a encore jamais vu ça… Si le staff de la Sky a dû décortiquer le règlement dans les moindres détails hier soir à l’hôtel – et dans le camping-car -, ce ne sera sûrement pas suffisant.

Fair-play ou patriotisme ?

Depuis cette fin d’étape polémique, tout le monde parle d’un acte de fair-play, d’une superbe image de sport, de solidarité entres adversaires. Mais il n’est pas juste de dire que Porte et Clarke sont adversaires. Ce sont avant tout des compatriotes, voire des amis, qui ont été coéquipiers à leurs débuts au sein du Team UniSA-Australia en 2008. Si solidarité il y a eu, elle était donc due à une relation déjà établie entre les deux hommes. Un coureur non-australien ne serait sans doute pas venu en aide à Richie Porte de cette façon. L’acte de Simon Clarke est bien évidemment louable et plein de générosité. Mais l’aurait-il fait pour Contador ou Aru ? La question devrait rester en suspens, mais il n’est pas illogique de se la poser.

Quoi qu’il en soit et malgré tout ce que la Sky aurait pu faire pour éviter cette pénalité, les commissaires auraient pu être moins sévères et ne pas infliger aux deux Australiens une si lourde peine. Auraient-ils agit de la même manière si cela était arrivé à Aru ? Sans verser dans la théorie du complot, on peut avancer que cela n’a rien d’une certitude, car cela aurait ruiné les espoirs de voir un Italien en rose à Milan. Au contraire, l’incident de Porte laisse désormais beaucoup plus de place à Fabio Aru. Il reste donc à mettre Contador en garde : Alberto, lis bien les petites lignes du règlement, ça pourrait t’éviter une déconvenue. Et à tous les autres, apprenez le règlement, car là se situe aussi le problème…

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