La société se plaint de l’omniprésence de mannequins squelettiques sur les podiums. On s’accorde presque unanimement à dire que le quotidien est influencé par cette « mode » de la maigreur, comme idéal de vie. Mais tout ne se cantonne pas aux trottoirs citadins : le monde sportif aussi semble s’être fait gangrené, diraient certains. Le premier exemple qui vient à l’esprit de tous, c’est Chris Froome. Le dernier vainqueur du Tour de France affichait une maigreur provocante, mais parfaitement contrôlée. Partons à la chasse au gramme de trop !

Atienza : « Le principe veut qu’un coureur en forme soit maigre. »

On pense souvent que Bradley Wiggins fut l’un des investigateurs de cet amaigrissement drastique, mais les coureurs cherchaient bien avant lui à être secs. Michael Rasmussen en est un criant exemple, lui qui allait jusqu’à enlever son collier en début de col pour gagner quelques grammes. Une attitude extrême qui peut faire sourire, mais qui est tout sauf anodine. Daniel Atienza, ancien cycliste professionnel confirme que « le principe veut qu’un coureur en forme soit maigre. » Mais on peut encore remonter plus loin ! Louison Bobet, triple vainqueur du Tour en 1953, 1954 et 1955, ne pesait-il pas déjà tous ses aliments sous l’œil attentif du nutritionniste ? Bien sûr cette extrême rigueur n’était pas aussi ancrée qu’actuellement. On peut citer par exemple Anquetil, un autre grand vainqueur, qui ne prenait parfois sa bicyclette qu’après une blanquette et une bouteille de muscadet. Mais revenons à Chris Froome. Pour lui, la clé du succès se situait là encore dans l’alimentation, comme le racontait sa compagne, Michelle Cound, dans le Journal du dimanche : « J’ai aidé Chris à tenir son régime dans les dernières semaines avant son départ, celles où il faut perdre 2-3 kilos. Parfois il me suppliait pour manger. Je lui répondais : ‘Si tu veux gagner le Tour, tu dois avoir faim.'”

Entre folie et raison

Mais la silhouette décharnée du Britannique Froome fait bien plus parler. On a bien sûr évoqué cette fameuse substance, l’Aicar, interdite par l’AMA. Elle mangerait la graisse sans pour autant toucher à la substance musculaire. Mais le professeur en pharmacie à Montpellier-I Michel Audran nuance tout de même le propos : « On a observé qu’il favorisait l’endurance chez les souris. Mais il n’a jamais été testé sur les hommes. » Le Monde rapporte pourtant le contrôle positif du coureur russe Valery Kyakov en mars à cette substance soit disant révolutionnaire. Un contrôle auquel il faut ajouter l’arrestation de l’ex-médecin de l’équipe Xacobea-Galicia, Alberto Beltran Nino, en possession de la poudre magique. Toutefois, si l’on a vent de ces substances, c’est qu’elles sont déjà dépassées !

On a parlé de manière générale de l’amaigrissement, mais autour de combien tourne la masse graisseuse des coureurs ? En 2014, le coureur de Cofidis Guillaume Levarlet avouait un taux de 6.5 %. Trois semaines plus tard, il avait perdu 1 kilo et son taux était descendu à 5.3 % ! « La graisse est un combustible hyper important pour les coureurs. Si vous faites 250 km, vous perdez 1 kilo de graisse », renseigne Gérald Gremion. Mais il n’est pourtant pas étonnant de voir un coureur avec un taux de 4 %, même si certains spécialistes affirment que descendre en dessous de 6 % est physiquement impossible. Par contre, ce qui est encore plus étonnant, c’est que ces coureurs, sans la moindre réserve au départ, arrivent à enchaîner les 21 étapes et leurs 3459 kilomètres en étant toujours plus compétitifs. Tom Boonen n’échappe pas à ces coureurs dont la maigreur inquiète. Son taux indiquait 8,5 % il y a quelques temps, désormais c’est 6-7 % ! Mais c’est encore trop pour le Belge, qui veut descendre à 5 %. Pour comparaison, c’est le taux d’un sidéen en fin de vie…

Se pose alors la question de la stratégie de Boonen : largué depuis quelques années par les meilleurs sprinteurs, il reste cependant toujours une valeur sûre pour les flandriennes. Alors pourquoi épuiser à ce point sa graisse, qui est la principale protection pour assurer l’isothermie, et donc lutter contre le froid ? Peut-être espère-t-il que grâce à la mondialisation, les classiques soient délocalisées au chaud. Les Belges ne finirons jamais de nous surprendre. Et concernant Wiggins ? On a pu voir en temps réel sa transformation : entre 2007 et 2012 il a perdu pas moins de 7 kilos, passant d’un physique de pistard à un cadavre des sommets. Cela a son rôle dans le très prisé rapport poids/puissance, puisque selon les estimations, un kilo équivaudrait à 30 secondes dans un long col. La chasse au bourrelet est sans concession, à tel point que lorsque que Carlos Betancur gagne le dernier Paris-Nice, on s’étalait en long et en large sur ses kilos en trop !

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.