Si au final, les grimpeurs ont su tirer leur épingle du jeu, c’est avant tout grâce à l’excellente tactique mise en place par les nations fortes du cyclisme, à savoir l’Espagne et l’Italie. Entreprenantes au bon moment, elles ont su se débarrasser des coureurs les plus gênants, en premier lieu Cancellara et Sagan, un véritable tour de force. Emmenant malgré eux Rui Costa dans une position favorable, elles n’ont pas failli dans le final, contrairement aux idées reçues : il n’y avait tout simplement rien à faire dans cette configuration pour vaincre le Portugais.

L’Italie : un essorage précoce

Disposant d’un fort potentiel, l’équipe d’Italie a fait le choix de mettre son destin entre les mains de Vincenzo Nibali. Un pari osé, car si le Squale est désormais l’un des meilleurs coureurs de grands tours, il ne se montre que rarement à son avantage sur les classiques d’un jour, et par-dessus tout n’a aucune pointe de vitesse. Pour réussir à placer Nibali dans les meilleures dispositions, l’Italie devait donc prendre les rennes très tôt afin de durcir la course et assurer un écrémage rapide, ce qu’ils ont en partie réussi à accomplir lors de la première moitié de course, ne laissant qu’une quinzaine d’unités à l’avant à plus de cent kilomètres de l’arrivée. Relâchant légèrement ses efforts, elle vit revenir le second groupe, mais qu’importe : les sprinteurs, puncheurs et rouleurs étaient déjà épuisés, en grand sursis, condamnés à terme.

Vint alors la deuxième phase de course avec les attaques de Scarponi et de Visconti, tentatives utiles qui obligèrent de nombreux coureurs à se découvrir : certains faisant le choix d’accompagner un contre suicidaire, d’autres comme les Belges devant assumer la poursuite derrière. Ce coup programmé a eu pour effet de se débarrasser définitivement des attaquants ainsi que des équipiers de leaders tels que Gilbert, que la répétition des tours de circuit avait déjà bien entamé. Mais la chute de Nibali, sans conséquence physique – puisque bien aidé par les voitures, celui-ci a pu rentrer sans difficulté – a contrarié les plans de la Squadra : dans un premier temps capable de suivre Rodriguez dans la montée, c’est en descente, sur son point fort, que Nibali a perdu le championnat du monde, les séquelles mentales découlant de la chute ayant marqué le leader des Azzuri.

Repris par le duo Valverde-Costa, qui parvint à s’accrocher tant bien quel mal dans la dernière difficulté, Nibali n’a pu contrôler un Rodriguez en état de grâce, particulièrement offensif et inspiré. Pris en sandwich entre l’envie de revenir et la peur de servir la victoire à Valverde sur un plateau, il a logiquement échoué en 4e position. Étonnamment facile tout au long de la course, il n’a pu concrétiser le fantastique travail de ses coéquipiers par une médaille : la faute à sa chute, essentiellement, sans laquelle il aurait sans doute faussé compagnie aux Espagnols pour s’envoler vers la victoire.

L’Espagne : patiente et appliquée

Contrairement à ses habitudes, l’Espagne a intelligemment laissé le poids de la course aux locaux, comprenant rapidement que le travail des transalpins profiterait à Valverde, Moreno et Rodriguez, le trio redoutable des Ibères. Transparents jusqu’au dernier tour, les Espagnols, par l’intermédiaire de Purito, ont déclenché l’attaque décisive dans une difficulté qui n’était pourtant pas la plus importante du parcours florentin. Qu’importe : la conjonction des capacités de puncheur de ce dernier et de l’état de fatigue avancé du peloton a suffit pour sceller le sort du plus gros de la meute en quelques centaines de mètres. Puis il y eu la chute d’Uran, allié objectif de Nibali, qui orienta irrémédiablement le final vers un affrontement entre le quatuor décisif, composé à 75% d’ibériques : l’Italien se retrouvait seul face à cette hydre à trois têtes. Une fois l’attaque de Rodriguez entérinée, il n’avait plus aucune chance de l’emporter, Costa ne donnant pas un coup de pédale, et Valverde se contenant bien évidemment de contrôler.

Alors que Rodriguez s’envolait vers la victoire, Rui Costa se décida enfin à sortir, mettant son leader au sein de l’équipe Movistar dans une position des plus inconfortables : sachant que l’avance de Purito était tout de même conséquente, devait-il contrer le Portugais ? Au risque bien sur de voir un Nibali, qui disposait encore de quelques réserves, recoller. Dans un élan de confiance envers Rodriguez qui bataillait à l’avant, Valverde a décidé qu’il était plus sage d’enterrer définitivement Nibali. Un choix critiqué mais parfaitement compréhensible quand on connait les liens indéfectibles qui l’unissent au néo-champion du monde. Et qui aurait pu s’avérer judicieux, tant l’effort violent du Catalan pour recoller aurait pu s’avérer décisif, celui-ci passant à un cheveu de remporter le sprint. Mais après 273 kilomètres de course, tout se joue au mental. Rodriguez s’est montré tenace, mais dans cette position, le coureur rentrant possède un surplus de confiance qui lui permet souvent de faire mouche, au grand dam de l’Espagne, qui a sans doute délivrée la course parfaite.

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