A l’aube d’une troisième semaine de la Vuelta qui s’annonce dantesque, une question vient naturellement se poser : n’en fait-on pas trop avec la montagne ? Éléments de réponse…

Un climat dangereux

Commençons tout d’abord par des chiffres. Ce Tour d’Espagne 2013 comporte pas moins de 11 arrivées au sommet, et un débat s’impose. Les organisateurs n’en font-ils pas trop ? Les risques sont tout d’abord énormes, on l’a vu lors de l’étape qui arrivait en Andorre. Lorsque la météo n’est pas clémente, et que l’on couple cela avec la difficulté et l’altitude, le cocktail est souvent mauvais. Conséquence, les abandons d’Ivan Basso et de Luis Leon Sanchez, pour hypothermie. Les coureurs ont pris de gros risques dans les descentes et même la réalisation télévisuelle espagnole n’a pas pu suivre le rythme pendant un moment. Sur le Giro, des problèmes similaires avaient eu lieu cette année quand la neige avait pointé le bout de son nez et que plusieurs étapes ont du être escamotées. Les intempéries ont même entraîné l’annulation de plusieurs cols comme le Télégraphe ou le Galibier et même la 19ème étape dans sa globalité.

Une course redondante à défaut d’être intéressante

Au début de ce Tour d’Espagne, tout le monde se disait que la bataille serait fratricide. Valverde, Nibali, Rodriguez, Uran, Henao, Kreuziger, Mollema, les concurrents à la couronne étaient nombreux, mais il est commun qu’au fil du temps, certains s’effacent. Et les trop nombreuses étapes de montagne ont une conséquence directe : elles se ressemblent souvent trop. En Espagne, on a le plus souvent droit à une course de côte qui se décante assez tard dans la montée, pour finalement voir toujours les mêmes à l’arrivée. Certes, ces étapes offrent plus de spectacle qu’une étape de plaine, mais pourraient s’avérer barbantes car trop similaires. Hier, entre Bagá et la Collada de la Galina, la course était débridée, mais au final ce sont Chris Horner et Vincenzo Nibali qui sont apparus totalement au dessus des autres.

Avec une avance non-négligeable sur des poursuivants moins en forme, les deux cadors de cette Vuelta risquent de se livrer un duel sans merci jusqu’à la fin de la course. Mais le souci, c’est que l’on s’achemine vers un comique de répétition qui s’apparentera sans doute à un comique de lassitude. Si l’on verra sûrement un Purito plus offensif, les autres vont jouer battu, et viser les 4è ou 5è place au général. Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Et ce n’est sûrement pas sur la Vuelta que l’on verra une attaque dans le premier col de la journée d’un favori, pour une échappée au long cours qui lui permettrait de reprendre significativement du temps. Ce temps là est terminé.

Une autoroute pour Nibali

Vincenzo Nibali est maillot rouge, Horner est le seul à pouvoir encore le battre. Malgré cela, l’Américain semble en forme descendante alors que le Squale monte en puissance. Le Giro avait donné le même genre de spectacle. Beaucoup d’espoir avec Bradley Wiggins, Ryder Hesjedal, Cadel Evans, mais finalement une partie dominée de bout en bout par Nibali qui donnait lieu à une issue unique. Sur les routes du Tour de France le scénario était couru d’avance, et les étapes d’Annecy-Semnoz et de l’Alpe d’Huez n’ont servi qu’a renforcer la soif de victoire d’un Christopher Froome nettement au dessus du lot.

Nibali a donc le champ libre pour gagner son deuxième grand tour de l’année, et ce n’est sans doute pas sur l’Angliru que cette Vuelta se jouera, à moins d’une défaillance. La part belle est donc aux attaquants, comme Daniele Ratto, un sprinteur qui s’impose sur une étape de montagne. On s’achemine également vers une course où les favoris comme Rodriguez et Valverde vont s’accrocher à leur accessit, et vont tenter d’aller chercher une étape, au lieu d’avoir l’ambition de faire tomber le leader Nibali.

Faciliter les courses pour moins de dopage ?

Depuis quelques années, on sent la concurrence se renforcer entre les organisateurs de grands tours. On veut faire mieux que son voisin, plus dur, plus spectaculaire. Les trois courses ont pris la décision de deux premières semaines difficiles, mais beaucoup moins que la troisième, où la montagne est reine, et l’enchaînement extrêmement difficile – voire inhumain. Mais la double ascension de l’Alpe d’Huez sur le Tour a-t-elle vraiment du sens quand tout se joue dans la dernière ascension ? Vouloir toujours plus spectaculaire n’est-il pas un appel à la performance et donc à la prise de produits illicites ? Le Giro 2014 fort heureusement n’escaladera pas deux fois le Zonconlan, mais il est sûr que l’organisation n’hésitera pas à durcir le parcours ailleurs.

Côté Vuelta, il reste encore une semaine de course, et sur sept étapes, cinq arrivent au sommet. Or, quand la Vuelta est déjà jouée, est-il si utile d’effectuer tant d’étapes aux profils similaires ? Surtout que du côté des grimpeurs, on n’attend plus vraiment un Ventoux, un Angliru ou un Zonconlan pour faire la différence puisque les étapes sont si nombreuses que l’on peut se permettre d’en boycotter quelques unes. Enfin, le dernier bémol est que les autres types de coureurs désertent ces courses. Pourquoi être aligné sur une Vuelta quand on est sprinteur que seules une poignée d’étapes vous sont destinées ? La conséquence est simple. Des seconds couteaux s’imposent, et la renommée de l’épreuve en prend un sacré coup. A bon entendeur…

Etienne Jacob

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