Alberto Contador n’a plus d’illusions à se faire. L’Espagnol est le grand perdant de cette monstrueuse étape entre Nantua et Chambéry. Ce n’est pas cette année que le double vainqueur du Tour ira chercher son troisième, ou quatrième selon, maillot jaune à Paris. Ça n’arrivera sans doute jamais plus. Cet échec semble être le symbole d’une page qui se tourne.

Chambéry, morne plaine

Bus des Trek, quelques minutes avant l’arrivée à Chambéry. Les membres du staff présents semblent dépités. A ce moment-là, les favoris se disputent la victoire d’étape. Loin derrière, Alberto Contador navigue déjà à deux minutes. L’Espagnol a lâché prise dans le Mont du Chat, loin du sommet. Il a craqué avant Meintjes, Quintana, et tant d’autres. Il y a quelques années, une telle contre-performance aurait ameuté toute la presse devant le bus de son équipe, pour obtenir la réaction du malheureux perdant. Mais aujourd’hui, avant l’arrivée, pas un seul journaliste ne cherche des explications auprès du staff. Le soigneur a la mine des mauvais jours. Les portes du bus sont closes. Morne ambiance.

Lorsqu’Alberto Contador franchit la ligne quatre minutes après Rigoberto Uran, il se dirige immédiatement vers son bus. Le double vainqueur du Tour répondra laconiquement aux questions des quelques journalistes pas encore partis aller chercher les réactions des coureurs en lice pour le classement général. « La journée fut très difficile », déplore-t-il. Qu’a-t-il pu se passer pour que le Pistolero termine la course aussi loin ? Contador cherche des explications : « Majka est tombé devant moi une première fois, puis je suis revenu. Mais je me suis de nouveau fait accrocher dans le groupe maillot jaune et j’ai chuté. » Le champion espagnol est donc tombé deux fois aujourd’hui. Presque une habitude : ce scénario n’est pas inédit, il n’est qu’un copié-collé des éditions 2011, 2014 et 2016.

« Je pensais pouvoir attaquer »

« Forcément, lorsque la course s’est emballée, les sensations n’étaient pas bonnes comme nous pouvions l’espérer », explique Luca Guercilena, le manager de l’équipe Trek. Et pourtant, ce matin, Contador était confiant pour l’étape du jour : « Quand je me suis levé, je me sentais bien, et lorsque l’étape a commencé, je pensais pouvoir attaquer. J’y croyais, mais finalement tout le contraire est arrivé…» La désillusion est rude pour Contador, coincé désormais à la douzième place au général, entre les deux petits jeunes Meintjes et Latour. Une fois sa déclaration terminée, la petite nuée de photographes s’envole, laissant la place totalement déserte. Comme si les échecs du Madrilène devenaient une habitude sur le Tour, la star d’il y a quelques années est finalement laissée en paix, seul à attendre ses coéquipiers.

Désormais, pour Contador, il faut donc passer à autre chose. « Quand vous perdez quatre minutes, c’est très compliqué, si ce n’est impossible, de les reprendre, détaille Luca Guercilena. Alberto est à plus de cinq minutes au général. Nous devons trouver de nouveaux objectifs. Nous allons voir jour après jour ce que nous pourrons faire pour aller chercher une victoire d’étape. » Se réduire à cet objectif ne sera pas une sinécure pour un homme qui a déjà remporté neuf étapes sur un grand tour. Surtout que le matin même, le Pistolero déclarait à la Dépêche : « Je continue. Et pas pour un podium ou une place, dans ma tête, je me suis préparé à gagner, je ne cours que pour ça… » Gagner, la raison de courir du Madrilène. Rares sont ceux qui, ce matin, pensaient que le Contador des grands jours allait revenir sur les routes du Jura. Sans chutes, peut-être aurait-il pu faire mieux. Mais le Dauphiné et le début du Tour ne nous permettent pas d’en être tout à fait certains.

Pourtant, le Tour de France est et restera son objectif jusqu’à la fin. Jamais l’Espagnol ne l’a boudé depuis sa suspension en 2012. En réalité, Contador est en mission, parti à la conquête de son Graal : reprendre ce troisième Tour perdu sur tapis vert. Quand L’Equipe demandait au Pistolero combien de Tours il s’attribuait, la réponse était claire : « J’en ai gagné trois. Je compte le Tour 2010. Il y a des gens qui pensent autre chose mais ce Tour 2010, je l’ai gagné (…) Je considérerai toujours qu’il est à moi. » Qu’importe, finalement, la réalité du palmarès, et désormais, surtout, il devra se contenter de ce qu’il a déjà acquis. À 34 ans, les occasions de remporter le Tour sont de plus en plus rares. Et aujourd’hui, à l’évidence, cette troisième Grande Boucle s’est envolée tout à jamais.

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